Et surtout pour "Les nuits", sur les compositions musicales de Natacha Atlas et Samy Bishai!
Audace judicieuse de programmation dans le cadre du festival Musica, la danse très empreinte de lyrisme et de tectonique d'Angelin Preljocaj est autant un hommage à la femme Shéhérazade, qu'à l'homme.L' "homme qui danse", ce mâle qui hante toute son œuvre d'homme de culture albanaise où l'on ne plaisante pas!! (lire à ce propos le livre de sa sœur Catherine Preljocaj "Le bonheur pour une orange"sur la femme albanaise dans le giron familial machiste.)
Bref tout démarre pour cette évocation des mille et une nuits par un magnifique tableau à la Ingres où des femmes évoluent, lascives dans une sorte de hammam, bain vaporeux dans des gestes lents, et voluptueux: l'orientalisme sera dès lors le fil d'Ariane de cette oeuvre chorégraphique qui depuis sa création fin mars à Aix, a pris de l'ampleur, du poids, de la maturité
L'art de Preljocaj pour une danse hachée, violente, passionnée et tétanique nous rapelle sa passion pour l'énergie des corps, pour la beauté revendiquée du corps qui danse et se laisse à voir. L"obscène" clarté du désir, celle qui se révèle de derrière le rideau, éclate et jaillit dans la composition chorégraphique.
Les portés sont voluptueux, sensibles, au risque de la dérobade.
La sexualité des hommes et femmes qui dansent est révélée aux regards: quand le remix de la mélodie de James Brown "it's man's man's man's world" déferle dans les corps des danseuses, alignées comme au Moulin Rouge dans les "petites robes rouges" signées du styliste Alaia.
Quand à leur tour les hommes sur le même leitmotiv exécutent des mouvements très évocateurs d'une virilité assumée, c'est "pince moi je rêve", comme des fantasmes vécus, montrés.
Adam et Eve s'en régaleraient, le serpent aussi. La consomation de la sexualité, jamais vulgaire est affichée, rebelle et consentante.
C'est beau et énivrant comme une "liqueur de chair" qui se distille dans "la peau du monde".
Angelin s'accompagne de la très belle partition de deux auteurs du "sud", chaleureux et érotiques en diable pour cette évocation du désir et de sa communauté. Natacha Atlas et sa voix suave, Samy Bishai pour son inspiration orientale, ses mélodies et impacts musicaux sidérants.
Ce "bassin" devenu méditerranéen de la "danseuse classique" évoqué par le philosophe Pascal y prend tout son sens: il est mobile comme fait pour cette danse du ventre, porteur de sensualité, rond et tounoyant, évocateur des mouvements torides d'un érotisme non dissimulé.
Et les costumes de Alaia, de tournoyer comme autant de vêtements qui baillent ou flottent
Petites robes noires, caleçons seyants, comme ces braguettes du XIX ème siécle qui magnifiaient les parties sexuelles du corps masculin, merveilleuse petite robe blanche portée à l'occasion d'un magnifique pas de deux, en final...
Quant à la scénographie et aux décors de Constance Guisset, les volutes des arcades, les arabesques, les torsades et autres clairs-obscurs lumineux, dessinent les contours d'un univers à demi révélé, ajouré, pas toujours dans la visibilité et la transparence
Cachée, comme voilée aussi au travers d'un moucharabié, la danse de Preljocaj est tendre et féroce à la fois, servie par une ligne musicale tendue autant que lassive et souple
Une entente très "cordiale" entre le chorégraphe et les musiciens!
"belle nuit, oh nuit d'amour, sourit à nos ivresses"......
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