mardi 22 juillet 2014

Avignon : la danse dans le "off"! Au CDC et chez "La belle scène saint-denis"

"L'été particulièrement danse au CDC" Les Hivernales, troisième édition bien "chambrée", bonne cuvée éclectique, variée, séduisante!
10H au Théâtre des Hivernales à Avignon: le "marathon" peut commencer avec en "entrée", "Siwa" de Michel Kéléménis ou "la persistance rétinienne d'un Eden fantasmé".Un quatuor de danseurs évoquant l'univers de l'oasis égyptienne  de Siwa: atmosphère feutrée, danse éthérée, fluide, en dentelle , tonique au phrasé très délicat.La poésie de cette atmosphère est renforcée par le choix musical, cher au chorégraphe: Debussy et son "Quatuor à cordes", rehaussé par la création musicale de Yves Chauris"Shakkei-Quatuor à cordes N° 2": du très bel ouvrage, interprété avec grâce par quatre danseurs sur le plateau et un fond vidéo évocant lever ou coucher de soleil comme on le souhaitera au petit matin avignonais!

Tout autre registre pour le "plat" du jour de midi, avec "Zoll" de Christian Ubl: un joli, plat de résistance très évocateur dans le sous-titre qui contiendrait déjà tout le propos très décapant de ce créateur hors norme! soit "I'm from Austria, like Wolfi!" et "Shake it out (extrait)" Deux pièces bien distinctes mais où la griffe du chorégraphe, acerbe et bien acérée joue et prend ses fonctions décapantes avec bonheur. L'humour et la distanciation sont de mise ici et l'on sourit sans honte devant le spectacle à la foi pitoyable d'une nation décriée politiquement qui s'empêtre dans ses identités et volontés d'appartenance vaine à l'Europe! Des drapeaux et oriflammes ponctuent la lecture de ce paysage dérisoire! C'est drôle et mali, très indiscipliné et politiquement incorrect! Le patrimoine autrichien en prend un sacré coup: short et Mozart avec ses légendaires "boules" pralinées, son chanteur fétiche Reinhard Fendrich,
Europe, tu fous le camp, avec ce quintet de danseurs militarisés, arpentant en chorus, le plateau, policés, dressés comme des chiens de combats dans un rythme sempiternel, agaçant, entêté, enivrant qui va bien sûr basculer côté panique et pagaille dans une joyeuse dissolution des corps formatés!

"Us-Band" de Samuel Mathieu à 13H 45 n'est pas le dessert idéal ni notre tasse de thé: un quatuor prétentieux soit disant inspiré du "Husbands" du réalisateur très chorégraphique (voir la thèse de Jackie Taffanel à ce propos) John Cassavetes.Désirs et divagations masculines sur l'univers des hommes: leurs fantasmes, jeux, travers et autres singularités. Peu convaincant.

Pour rêver à 15H 45, à l'heure du gouter, on n'hésite pas à se plonger dans l'univers graphique et onirique de Anthony Egéa avec son conte chorégraphique "Dorothy". Le "magicien d'Oz" veille au grain pour cette danseuse, Vanessa Petit, très inspirée qui tournoie dans des spirales vertigineuses, sur fond de scène et de sol marqués par un graphisme rythmique très intéressant.Inspiration capoeira ou hip-hop, grâce très "féminine" à la touche rêveuse.Les personnages se succèdent, les costumes et le décor basculent pour évoquer des univers très variés: la peur s'empare de ce jeu, la joie, l'errance, le bonheur aussi.L'illustration de Loic Godart et Fred Bayle, la création vidéo de Yvan Labasse concourent à créer cette légende fantasmée pour petits et grands et le ravissement opère sans un faux pli!

Apothéose pour la soirée avec à 21H 30, le clou de la programmation: "Mas-Sacre" de Maria Clara Villa Lobos.On la connait pour son humour décapant, son culot et sa verve, son langage qui n'est pas "de bois"!
Ici c'est le Sacre du Printemps de Stravinsky qui est revisité avec pour thème, le massacre des poulets en batterie!C'est un vrai petit miracle, bijou de fantaisie cruelle, et massacrante.Société de consommation dévoilée, abus et horreur de l'industrialisation de l'alimentation: tout y est grâce à la fois à des images vérité, projettées en simultané, et présence des quatre danseurs, prestigieux interprètes de cette farce, cette pochade burlesque, décalée et pas tendre du tout!
L'aile ou la cuisse?: vous n'en aurez plus du tout envie en sortant de l'usine, abattoir à viande!
Les quatre escogriffes font une lecture musicale et rythmique du Sacre digne d'un Del Sarte ou Willems et gadjets, objets, corps se mêlent pour fantasmer juste sur un sujet brûlant.
Un vrai conte de fée qui n'en serait pas un où la société de conso mise à nue ressemble à ce corps dénudé, tel un oiseau, poulet plumé que l'on décortique comme pour une autopsie.La fiction dépasse la réalité, ou l'inverse, comme on voudra, mais la magie opère une heure durant, sans faille: petit "miracle" que ce "mas-sacre", "morceau de choix pour cette programmation fort réussie de "Lété danse au CDC"!

Autre lieu du "off" très prisé pour la danse, le Théâtre de la Parenthèse qui héberge le temps du festival, le projet de "La belle scène saint-denis" (Théâtre Louis Aragon et Le Forum)
Une programmation rêvée au petit matin de dix heure à midi et à 18H dans une cour privée, aux accents intimes de l'échange d'expériences chorégraphiques insolites, insolentes, inédites.La "profession" s'y retrouve avec chaleur et bonheur: un lieu d'échange indispensable, hélas en péril financier mais pas de fréquentation. Lieu incontournable pour y découvrierles propositions variées de Marion Alzieu et Ousseni Dabare "En terre d'attente", "Man Rec" signé Amala Dianor ou encore le matin de la deuxième édition de programmation, "Cantando sulle ossa" de Francesca Foscarini.L'autre et l'ailleurs y sont les propos récurrents dans des esthétiques multipliées où transparait toujours le désir prononcé de l'identité, de l'altérité , de la considération du langage et de l'existence de l'autre"
A 18H, une révélation, celle de la danseuse interprète Lorena Nogal, pour "Portland" sous la direction de Marcos Morau et Lali Ayguadé. Elle est unique, décalée dans son costume gris, étroit avec sa bulle casquée en main, son corps, tel un oiseau téléguidé, oscillant entre raideur, tétanie et glissé fluide.Son regard médusé, ses accents de folie, d'absence très légers sont un travail d'orfèvre On est capturé, captivé par cet être étrange, esseulé qui attire à lui un spectateur, l'abandonne, s'abandonne.Une proposition évoquant l'Amérique et ses dérives, son drapeau signifiant on ne sait plus quoi. Les chorégraphes dénoncent avec beaucoup de subtilité, une "nation" qui se cherche toujours à travers toutes les identités plurielles qui la façonne. A la manière de cette danseuse atypique qui cherche sa voie et nous trouve pour l'accompagner dans ses chemins de traverse
"Aire de jeu/ Bach" de Bernardo Montet avec Kettly Noel et Frédéric Alcazar succède à cette pièce rare et divertit grace à une rencontre judicieuse entre musique et danse, architecture, lieu et résonances multiples sur la question de la rencontre. On retrouve avec bonheur les forts accents de sensualité de la danse de Montet et la vivacité éclatante de Kettly Noel, aux aguets, à l'affut du geste, de l'instant! Chasseurs du beau, les voilà unis pour un singulier duo , duel de solitudes croisées.
Enfin, Romual Kabore, émeut avec son solo "Romual, sans D", sur son être, son nom tronqué à sa naissance, quelque part oublié dont bil doit partir à la recherche và la conquête en compagnie de la musique de Tim Wensey!
De très beaux moments en partage, donc pour cet événement au cœur du off, "La belle scène saint-denis" qui donne envie d'aller y voir de plus près, en saison régulière.



lundi 21 juillet 2014

Avignon: le "IN" sera politique, sera Danse!

La danse cette année au festival d'Avignon, 68 ème édition sous la nouvelle direction d' Olivier Py se voit offrir une belle place: sa dimension politique, poétique étant ici reconnue à sa juste valeur!
Alain Platel, Thomas Lebrun, Arkadi  Zaides, Julie Nioche et pour les spectacles suivants vus et chroniqués, le succès indéniable!
C'est avec Josse de Pauw que l'on débutera ce voyage dans des contrées et paysages esthétiques et sonores fort édifiants!
"Huis" au Cloitre des Célestins, c'est l'odysée de la vieillesse joyeuse et tonitruante!
Sur des textes de Michel De Ghelderode, Josse de Pauw et Jan Kuijken déployent leurs imaginaires à bon escient! Ils sont six vieillards couchés sur le sol dans la "maison" derrière "la porte"a recevoir quelques hallucinations salvatrices: sons de cloches et autres voix réelles ou factices, engendrées par l'imagination, la démence ou tout simplement l'errance et le temps qui passe et laisse le pouvoir à la féerie des esprits. Les laisser entrer, pénétrer dans l'univers de nos corps, de leurs corps qui du coup se redressent, revivent, se ré-animent!
Du "théâtre musical" signé Jan Kuijken qui séduit autant De Pauw pour sa curiosité envers la mixité des genres.Musique enregistrée, certes, mais bien présente dans la dramaturgie, régissant le rythme de vla mise ven scène, les silences aussi, les recueillements.Musique mixée en direct par Kuijken, attentif au texte, aux déplacements."Le cavalier bizarre", première partie obéit aux lois du grotesque: état de vieillesse des corps renforcé par costumes et lumières inspirés de l'époque, des représentations picturales anciennes.
La mort devrait venir chercher ces hommes, mais elle les évite et ils se confondent en liesse et joie non dissimulée C'est drôle et festif et très réussi.
Dans "Les femmes au tombeau", l'idole c'est Jésus le sauveur pour ces femmes qui entourent la vierge Marie.
Elles chantent, évoquent la vie, se jalousent autour de la figure du Christ.
Hommes, femmes, sont ici émouvants, solides, dans cette "pochade", ce croquis, cette farce bigarée, aux tendres couleurs grissonantes de la vieillesse
De Pauw, en "guetteur", veille au grain et c'est très bien ainsi.
On le retrouve plus "fringuant" dans "An old Monk" au Tinel de la Chartreuse de Villeneuve les Avignon
En présence des musiciens du trio de Kris Defoort au piano!
Quelle verve, quel allant pour notre homme métamorphosé en jeune premier de la danse!
Car la danse, il l'aime et la magnifie, la pratique dans sa vie au quotidien comme sociale ou artistique et cela se voit!Inspiré par Thelonious Monk, ses textes sont plein de poésie et de verve: il les incarne avec bonhuer, fougue, passion et conviction, laissant toute latitude à la musique, au rythme des percussions (EXCELLENT très jeune  Lander Gyselinck) et de la basse électrique de Nicolas Thys.
"Monk, le moine, le pianiste génial ont inspiré aux artistes ce spectacles hybride, atypique: accord entre mots et notes, entre les deux créateurs. Improvisation des mouvements du corps, tout bouge en symbiose.
La mort est un des moteurs de la vie pour De Pauw: il résiste avec de l'humour du mouvement ravageur pour son âge.Bel exemple de résistance au temps!
L'engagement de Robyn Orlin est tout autre mais l'humour ce coup çi est de mise!
Avec sa création "At the same time we were pointing a finger at you, we realized we were pointing three at ourselves...", la chorégraphe sud américaine nous fait jubiler sur le mode "exotique"avec une bande de performeurs hors pairs, africains. Se pose pour elle la question de notre regard sur ces corps africains, les torses nus, le colonialisme, l'identité, l'altérité.
Les "sans-papier" y sont évoqués avec force et malice, humour et vérité sans contour. Pas de langue de bois ici! Feu les corps souffrants et victimes: voici ceux de la révolte, puissants, beaux, pas sages, exultants et frénétiques.La farce, le rire sont là pour attester de l'existence de ces faits et gestes, de nos aprioris, de nos peurs, de nos clichés.On est interpellé par les danseurs qui se faufilent dans le public, le questionne, l'agace, le secoue sans le brutaliser jamais. On est interpellé par la réalité à travers l'humour et la dérision. Pas de désenchantement mais de la belle révolte, des voltes pour ne pas se défiler mais se sentir responsables de nos positions, postures, attitudes: comme des danseurs: conscients, politiquement engagés sur le devenir de l'être libre!Sacrée Robyn Orlin, toujours surprenante et battante.Elle appelle à la vigilance et guette en veilleuse le moindre signe de faiblesse de notre part et de la sienne.

Et les "Sujets à vif" à l'initiative de la SACD : toujours dans le mille?
Les programmes C et D, très éclectiques, variés, changeants, toujours nichés au sein des Jardins de la Vierge du Lycée Saint-Joseph, font recette."Indiscipline"?
Bien entendu! Et comme il se doit!
On remarquera "Il se trouve que les oreilles n'ont pas de paupières"( prélude)" d'après "La haine de la musique" de Pascal Quignard, mise en scène de Benjamin Dupé avec Pierre Baux, comédien et Garth Knox au violon alto.
Voici une vraie rencontre, une écoute et un échange étonnant entre la pensée de Quignard, la musique, le corps du comédien et notre intelligence. On sort grandi d'une telle effervescence intellectuelle, guidée pas à pas par musique et paroles, silences et recueillement. La magie opère, les textes semblent limpides malgré la hardiesse des propos et révélations que l'on suit avec délectation, envie et empathie. Une lecture-démonstration très édifiante , une réflexion sur la musique que chaque artiste de toute discipline se devrait de lire, de rencontrer pour s'y confronter professionnellement!
Pierre Baux y est confondant de simplicité, malgré lou grâce à la virtuosité du texte et de son contenu.
"Une estime rare adressée au public" que ce projet çi!
Après cet exercice de voltige périlleux, on se re-pose avec "Buffet à vif", une tonitruante pochade sur le déconstruction, le sacage, le massacre d'un véritable buffet de cuisine, ou de salon que deux escogriffes, s'échinent à détriure une demie- heute durant devant nos yeux inquiets et ébais!
Performance, farce, exercice de style ludique, loufoque? Chacun ira de sa version. Reste que Pierre Meunier et Raphael Cottin y sont des déménageurs audacieux ou laborieux, drôles, désopilants. Un bain de jouvence, de décontraction, truffé d'humour salvateur. En ces temps qui courent, une bouffée d'air frais est salvatrice! Buffet froid mais pas indigeste, signe amical à la création dans le vif du sujet: l'objet n'est pas à négliger fut-il une armoire normande à abattre! Tous les soirs, du garde meuble de la SACD sort une nouvelle victime!
Gare à la SPB ; société protectrice du buffet ou du patrimoine!
Le programme D de 18H est moins réjouissant et convaincant.
On ose à peine parler du raté en flèche de Marie Agnès Gillot et Lola Lafon qui frôlent la catastrophe sémantique, esthétique et politique avec "Irrévérence(s)" dont le sujet serait les années ratées d'un petit rat de l'opéra confiné dans son art monastique alors que copains et copines se la coulent douce et perdent leur temps à vivre une adolescence normale.
Texte et gestes indigents, maladresse d'une comédienne à mi-mots, auteure et interprète de propos rétrogrades sur le régime communiste roumain. Indigence de la "chorégraphie" qui se résume à un glossaire d'exercices de danse classique à la barre (certes très rafinés car une danseuse étoile de la pointure de Gillot, ça ne se refuse pas)
Mais est-t-on voyeur d'un monstre sacré qui s'échauffe, nostalgique d'une danse sacrificionelle?
On reste médusé, sans voix, pétrifié: si c'est le but c'est réussi. Sinon on renvoie sa copie et on oublie.
La seconde proposition du "Sujets à vif" respire l'étrange et l'incongru: c'est "Je vais danser autour de ta tête jusqu'à ce que tu tombes": une demi-heure durant un personnage quasi homme de Neandertal arpente le plateau, vite secondé, puis doublé par son ombre. Un escogriffe emprunté à la démarche hésitante. Drôles de divagations signées Manuel Vallade et Volmir Cordeirof pas toujours très convaincantes.
C'est le risque encouru par le pari du "Sujets à vif" et l'on ne peut que saluer l'audace et la curiosité qui y président!
Le "clou" du festival IN : le magistral spectacle de Lemi Ponifacio, "I Am" dans la cour d'Honneur du Palais des Papes.
On le connait pour son engagement politique auprès de la cause du peuple Maori, mais ici il est question de guerre, de mort à travers l'inspiration de texte de Artaud et Heiner Muller.L'espace de la Cour d'Honneur est chargé de mémoire, de sacré, de théâtre et de vérité pour le metteur en scène qui n'a de cesse de transformer cet immense plateau en plage de rituel.
C'est un cérémonial, lent et fort, empreint de solennité, de majesté. Acteurs, chanteurs, professionnels ou amateurs convoqués à cette occasion et de la place avignonaise, jouent le jeu de la cérémonie commémorative de la grande guerre.Mais bien au delà, c'est à un voyage initiatique, recueilli, que le public est convié, s'il le veut bien, car c'est ardu et profond, rude et tout de noir conçu.
Une mise en espace judicieuse met en scène des corps tels des moines ou capucins en prière qui errent, divaguent ou défilent en rang serré: victimes, défaits, résignés?
La scénographie inspirée de l’œuvre de Colin McCahon est unique: le "i am" emblématique de son œuvre picturale s'y reproduit à l'envie, et une cascade le lumière déferle du haut des remparts de la Cour. 
Emouvant ce "sur mesure" scénographique, ainsi que cet immense pan de murailles sur lequel gravitent hommes et femmes ainsi qu'un Christ désarticulé, bruissant, percutant, immolé.
Une oeuvre magistrale ou chants, cris et paroles abondent pour vider le silence, agacer la cruauté et dénoncer l'absurdité de la guerre
Le théâtre, la danse, les corps s'y rencontrent pour fêter une résurrection de l'humain.Enfin!

Le "IN" nous parle et nous interpelle encore au delà des frontières avignonaises et c'est bon signe!

"Montpellier danse 34 ": agoraphage!

Jean Paul Montanari, le désormais légendaire directeur du festival Montpellier Danse affirmait pour cette édition 2014, une volonté de dédier cette manifestation, aux espaces de l'Agora. Un lieu mythique, des espaces multiples dédiés à la création artistique contemporaine depuis que le site du couvent des Ursulines de Montpellier est destiné à accueillir et promouvoir en son berceau, tous ceux qui œuvrent en direction de l'effervescence de l'imaginaire créatif.
Pari gagné si l'on considère la pièce d'Israel Galvan, un solo unique et original, dédié à la cour des Ursulines, sur le sol, à même la matière minérale. Il danse seul, sans musique une heure durant. C'est fascinant, tétanisant de gravité, de majesté, d'intériorité et de respect. Respect en hommage à Vincente Escudero, danseur et chorégraphe de flamenco au début du XX ème siècle, protagoniste d'une danse sans musique, bien avant les revendications d'un Cage ou Cunningham!
Le sol est sonorisé, les vibrations des frappés de Galvan, sont amplifiées, magnifiées et font écho dans la réverbération des arcades de la cour.
Il est là, présent, charnel, de profil avec ses gestes emblématiques et désormais griffés de son sceau: claquements tout azimuts, percussions corporelles inventives, jamais ni vues, ni faites, désoriantantes à souhait.
On est captivé par ce gout du risque, cet humour à fleur de geste ou de regard, ces poses, ses attitudes ou postures . Et le sol lui répond, ils dialoguent dans le minéral, la poussière, le sable. Il se jette au sol, abandonne la légendaire verticalité du flamenco et des ses ports de tête martiaux!
Son dos s'imprègne des traces de poudre, il vit devant nous son expérience unique, ses moments où il distille le temps à sa guise dans sa propre musicalité. C'est magistral très fin, jamais impérialiste ni dictatorial, sensible et très fort à la fois.Un coup de maitre pour cet homme qui danse en état de grâce constant!

Autre spectacle, de Jan Fabre, autre solo chorégraphié pour Cédric Charron, "Attends, attends, attends....(pour mon père)": les textes de Jan Fabre, interprétés ainsi donnent sens à ses écrits et laissent transparaitre une dramatique approche de la condition de l'homme.On prend plaisir à découvrir l'âme de cet être dansant sur une musique de Tom Tiest, dans une dramaturgie de Miet Martens.La relation entre père et fils en est le fil conducteur et résonne intelligemment aux oreilles et aux yeux d'un public réuni au sein du studio Bagouet, autre lieu de l'Agora de la Danse!Il danse le temps, l'espace dédié à des aveux à son propre père: c'est émouvant et interprété avec force, rage et subtilité.
Jan Fabre, qui a tant chorégraphié pour les femmes, se révèle ici un complice étroit avec l'homme, le danseur de la douleur, le guerrier de la beauté esseulé dans l'arène, au cœur, au creux d'un jeu juste, jamais pathétique, entier et vrai. Du bel ouvrage en résonance avec l'esprit du lieu et de ce rendez-vous avec lui-même!Visions oniriques d'un homme en barque, d'un être fantomatique sorti des brumes.....


Quant à Alonso King, c'est avec "Concerto for two violins// Quintett:: et Resin" qu'il révèle les contours du théâtre de l'Agora: un lieu magique, scène en plein air adossée à un mur grandiose!
Une danse inventive, sensuelle, virtuose où les interprètent débordent d'authenticité, de singularité, de personnalité.
On est fasciné par le jeu de Meredith Webster, une personnalité hors pair de la danse contemporaine. État de grace autant sur les musiques de Bach que les chants séfarades de "Resin"où les musiques tibétaines de "Quintett".Alonso King révèle ici un langage universel authentique, spirituel , trèsc aérien à la touche toujours virtuose, très lisse, agréable au regard, fascinante.Des incidents, des ruptures en font un charme irrésistible et l'on se font avec ravissement dans cet univers très personnel où les corps à l'unisson, en solo ou duos, vibrent à travers son écriture!
L'exposition de photos de Grégoire Korganow, hommage aux interprètes" sortie de scène" accompagne cette programmation d'un cru excellent, dans la cour de l'Agora: des hommes et femmes peuplent de leur regard et présence, cet espace et entourent de leur présence ceux qui y déambulent.
 Le visuel du festival, un petit cercle de femmes, mannequins de chez Lacroix, réunis en petit cercle intime et complice comme autant de "causeuses" à la Camille Claudel (photo de Korganow) résumerait très bien l'esprit des lieux, l'esprit de la touche et de la griffe Montanari 2014. Surtout être agoraphage et convivial!