Jean Paul Montanari, le désormais légendaire directeur du festival Montpellier Danse affirmait pour cette édition 2014, une volonté de dédier cette manifestation, aux espaces de l'Agora. Un lieu mythique, des espaces multiples dédiés à la création artistique contemporaine depuis que le site du couvent des Ursulines de Montpellier est destiné à accueillir et promouvoir en son berceau, tous ceux qui œuvrent en direction de l'effervescence de l'imaginaire créatif.
Pari gagné si l'on considère la pièce d'Israel Galvan, un solo unique et original, dédié à la cour des Ursulines, sur le sol, à même la matière minérale. Il danse seul, sans musique une heure durant. C'est fascinant, tétanisant de gravité, de majesté, d'intériorité et de respect. Respect en hommage à Vincente Escudero, danseur et chorégraphe de flamenco au début du XX ème siècle, protagoniste d'une danse sans musique, bien avant les revendications d'un Cage ou Cunningham!
Le sol est sonorisé, les vibrations des frappés de Galvan, sont amplifiées, magnifiées et font écho dans la réverbération des arcades de la cour.
Il est là, présent, charnel, de profil avec ses gestes emblématiques et désormais griffés de son sceau: claquements tout azimuts, percussions corporelles inventives, jamais ni vues, ni faites, désoriantantes à souhait.
On est captivé par ce gout du risque, cet humour à fleur de geste ou de regard, ces poses, ses attitudes ou postures . Et le sol lui répond, ils dialoguent dans le minéral, la poussière, le sable. Il se jette au sol, abandonne la légendaire verticalité du flamenco et des ses ports de tête martiaux!
Son dos s'imprègne des traces de poudre, il vit devant nous son expérience unique, ses moments où il distille le temps à sa guise dans sa propre musicalité. C'est magistral très fin, jamais impérialiste ni dictatorial, sensible et très fort à la fois.Un coup de maitre pour cet homme qui danse en état de grâce constant!
Autre spectacle, de Jan Fabre, autre solo chorégraphié pour Cédric Charron, "Attends, attends, attends....(pour mon père)": les textes de Jan Fabre, interprétés ainsi donnent sens à ses écrits et laissent transparaitre une dramatique approche de la condition de l'homme.On prend plaisir à découvrir l'âme de cet être dansant sur une musique de Tom Tiest, dans une dramaturgie de Miet Martens.La relation entre père et fils en est le fil conducteur et résonne intelligemment aux oreilles et aux yeux d'un public réuni au sein du studio Bagouet, autre lieu de l'Agora de la Danse!Il danse le temps, l'espace dédié à des aveux à son propre père: c'est émouvant et interprété avec force, rage et subtilité.
Jan Fabre, qui a tant chorégraphié pour les femmes, se révèle ici un complice étroit avec l'homme, le danseur de la douleur, le guerrier de la beauté esseulé dans l'arène, au cœur, au creux d'un jeu juste, jamais pathétique, entier et vrai. Du bel ouvrage en résonance avec l'esprit du lieu et de ce rendez-vous avec lui-même!Visions oniriques d'un homme en barque, d'un être fantomatique sorti des brumes.....
Quant à Alonso King, c'est avec "Concerto for two violins// Quintett:: et Resin" qu'il révèle les contours du théâtre de l'Agora: un lieu magique, scène en plein air adossée à un mur grandiose!
Une danse inventive, sensuelle, virtuose où les interprètent débordent d'authenticité, de singularité, de personnalité.
On est fasciné par le jeu de Meredith Webster, une personnalité hors pair de la danse contemporaine. État de grace autant sur les musiques de Bach que les chants séfarades de "Resin"où les musiques tibétaines de "Quintett".Alonso King révèle ici un langage universel authentique, spirituel , trèsc aérien à la touche toujours virtuose, très lisse, agréable au regard, fascinante.Des incidents, des ruptures en font un charme irrésistible et l'on se font avec ravissement dans cet univers très personnel où les corps à l'unisson, en solo ou duos, vibrent à travers son écriture!
L'exposition de photos de Grégoire Korganow, hommage aux interprètes" sortie de scène" accompagne cette programmation d'un cru excellent, dans la cour de l'Agora: des hommes et femmes peuplent de leur regard et présence, cet espace et entourent de leur présence ceux qui y déambulent.
Le visuel du festival, un petit cercle de femmes, mannequins de chez Lacroix, réunis en petit cercle intime et complice comme autant de "causeuses" à la Camille Claudel (photo de Korganow) résumerait très bien l'esprit des lieux, l'esprit de la touche et de la griffe Montanari 2014. Surtout être agoraphage et convivial!
lundi 21 juillet 2014
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