mardi 20 septembre 2016

Le Ballet de l'Opéra de Lyon: découvertes singulières: danse virtuose, danse vulnérable!


Le choix d'inviter l'espagnole Marina Mascarell et l'italien Alessandro Sciarroni appartient à Yorgos Lokos et Dominique Hervieu, tous deux confiants et découvreurs, fidèles soutiens de chorégraphes émergeants talentueux. Pour les danseurs du ballet, c'est encore une occasion de se frotter à de nouvelles écritures, à de singuliers univers.
Pour "Le diable bat sa femme et maris sa fille", huit danseurs seront les inspirateurs de la chorégraphe: sur le thème de la féminité, des discriminations, la voici, militante, imaginant un manifeste à la Valentine  Saint Point et sa métachorie, manifeste de la femme futuriste.
Se livrer, nu et cru.Il pleut alors que le soleil brille! Avoue le dicton italien, source d'inspiration de la chorégraphe.

Pour conter et mettre en scène les secrets, les aveux, les récits d'êtres humains souffrant de leur différences ou tout simplement de leur existence au regard des autres. Tenues flottantes, collants couleur chair, dans un décor de ballons démultipliés, flottants aux murs, leurs évolutions, solos, duos ou collectifs touchent par leur déterminations à être ou ne pas être , soulignant grâce, fluidité et décontraction des corps en mouvement. Des images vidéo viennent se greffer sur leur corps, comme des icônes d'anatomie qui dissèquent la mémoire. Et la rend lisible.La danse, porteuse de message est loin d'être didactique et l'on songe à la violence quotidienne faite à tous ceux qui ne seraient pas dans le moule social, celui du genre aussi, questionné en filigrane. La musique de Nick Wales pour témoin et rampe de lancement pour cette écriture sobre, tenue, discrète de Marina Mascarell. Beaucoup de sensibilité, d'émotions dans ces témoignages dansées de personnes, évoquant par le geste, désespoir, tristesse et peut être aussi fatalisme.Sujet sur le vulnérable, la fragilité et l'intimité, altérité des genres d'aujourd'hui qui se cherchent, s'affichent, se racontent pas toujours au creux des oreilles les plus bienveillantes!
Après un court entracte pour respirer et engranger cet univers dérangeant, retour dans la salle du bel Opéra de Lyon: pour la pièce de Alessandro Sciarroni, "Turning", motion sickness version
Vertige de la volte
.

Danse virtuose à la clef, celle d'une réflexion sur le tour, la pirouette, la giration: tous à l'épreuve de la perte, du don, de la dépense dans cette performance de 30 minutes. Tour de piste, manèges, déboulés puis exercice périlleux du giratoire tels des derviches au service du vertige maîtrisé, de la "routine" ancestrale. De ce qui fascine: pourquoi les danseurs "tournent"? Pari gagné pour cette oeuvre singulière, répétitive où chacun va de son tournoiement, en chorus, seul, dans le sens ou pas des aiguilles d'une montre... C'est affolant, enivrant, hypnotique à souhait, jamais lassant . dans un décor vierge, bleu clair d'un cyclo, costumes pastels, simples vêtements de travail, chaussettes pour mieux glisser et se jouer du sol fuyant, se dérobant sous les pas circulaires des corps, toupies remontées comme des petites mécaniques de musée d'automates.La musique de Yes Soeur pour soutien, pour accompagner et galvaniser un rythme déferlant et continu qui s'achève sur un point d'orgue rassurant: ils n'ont pas perdu l'équilibre ni la raison: dévotion, prière ou simple exercice de méditation, le tour fascine, émeut et fait mouche!La musique répétitive à la Steve Reich, impacte!

lundi 19 septembre 2016

"Fla. Co. Men" : El Is Ra Van Gal : danse savante?


Israel Galvan se joue des mots, des gestes, des légendes et des traditions: toujours avec un immense respect, un dévouement, et une moralité exemplaire. Le voici à la Maison de la Danse de Lyon, dans une forme de "solo" toujours accompagné par "les autres", musiciens, chanteurs: sa sagrada familia indispensable, irremplaçable. En toute modestie bien calculée, savamment orchestrée bien sur. Stratège, que ce grand monsieur, phénomène inclassable d'un flamenco contemporain, chargé d'histoire, de références et d'amour total et fatal pour sa fratrie? Certes car à le découvrir rentrant sur l'immense scène, occupée par percussions et instruments, on sait d'entrée de jeu qu'il y aura fraude, leurre, falsification et beaux mensonges: il est revêtu d'un tablier blanc de cuisinier et semble déchiffrer devant lui une partition sur un pupitre! Se laissera-t-on prendre au piège? Galvan lisant une partition chorégraphique? Au diable l’honnêteté! Supercherie!Il frappe du pied, des mains et à son habitude montre son meilleur profil dans des attitudes iconoclastes, ravageuses, déflagrations intempestives de son tempérament de feu, de terre. Le sol est son port d'attache et rien n'y changera, sauf son immense imagination qui l'emporte vers des rivages toujours nouveaux, en conquérant inlassable pour de nouveaux territoires d'écriture pour sa danse, la danse: celle d'ici et d'ailleurs, savante et populaire, patrimoine et inconscient collectif au poing.


Une guêpière comme accessoire, le voilà transformé, contraint et entravé. Le sol percusif reprend ses droits et accentue son travail rythmique: compas et autres figures virtuoses Sur des sols variables en pièces de monnaie, biscottes ou autre denrées extravagantes, il frappe, ébouriffe, surprend, interroge gestes et matières résonantes. Révolte, voltes, volte-faces, tout est réuni ici pour plus d'une heure durant nous conduire sur les pentes de la virtuosité, sur les traces du risque et du danger dans d'infinies figures et attitudes, postures emblématiques de son inlassable travail sur le flamenco. Danse humoristique aussi où il prend du recul, insatiable recherche pour laisser aussi aux autres interprètes, chanteurs et musiciens, des espaces de liberté et d'expression. Quel maître en la matière, noble et fier de son escorte, de ses amis et partenaires fidèles qui l'accompagnent, le porte et le soutiennent. Jamais seul mais solitaire ce danseur des solitudes dont DidI Huberman vante le talent, la richesse et la férocité désormais légendaire.
Au final, c'est en robe de flamenco, blanche et rouge qu'il vient saluer après les battles de ses compères. Échancrée, épaule à demi dénudée à la Pina Bausch, ouverte dans le dos. Belle image finale, touchante, simple, dépouillée. A vif, à cran.

17 ème Biennale de la Danse de Lyon: rébellion , Rebelle Lyon: et rugir de plaisir!


A bien observer le visuel sur l'affiche générique de la manifestation la plus "
populaire" de la grande métropole, la danse va s'envoyer en l'air sous forme d'une jeune femme nue, portée par les nues, ciel bleu, virginal: spirituelle, la danse, femme légère? Ou fragile ?
L'autre pan de l'icone médiatique affiché en ville: un homme nu saute et rebondit de dos sur des fagots de paille: un sauvage, un trublion, un rebelle échappé d'une sphère de raison? Ou un électron libre, lâché dans la sphère de l'art comme un animal épris et ivre de gaieté, de joie?


C'est un peu tout cela la danse pour Dominique Hervieu, directrice artistique du festival qui trois semaine durant va inonder la cité et rayonner de toutes parts. Un manifeste en faveur de la danse, déclinée savante et populaire: leitmotiv ou fil d'Ariane que l'on va suivre avec avidité, suspens et félicité dans ce foisonnement de propositions, vivantes et enthousiasmante: où donner de la tête ou des pieds, où se diriger dans ce beau labyrinthe tracé sous nos pieds de danseur, de spectateurs impliqués, actifs, participatifs!

"Histoire spîrituelle de la danse" de David Wahl: Terpsichore disséquée!

A vos marques, prêts, partez pour une lecture démonstration, de David Wahl dans la petite salle confidentielle de la Grande Maison de la Danse de Lyon:"Histoire spirituelle de la danse", une leçon de chose, un acte posé et réfléchi sur l'histoire que la danse entretient avec la philosophie, l'écriture, la religion, la raison: un voyage spirituel et didactique fort réjouissant dans les limbes de la chorophobie, celle qui de tout temps hante les esprits. La danse est-elle bonne ou démoniaque, amie ou ennemie du pouvoir, de l'église, fille de joie ou muse de la sagesse? Autant de questions qui seront soulevées durant ce bivouac salvateur, conte et récit scientifique et historique qui nous plonge dans la réflexion avisée et éclairée sur le corps, la mort, l'anatomie, la folie. Bref toutes les manifestations annexes d'un art où la vie, la morphologie, les croyances sont intimement liées et déversent moultes interrogations.On suit cette conversation intime, cette conférence passionnante, dans de bons fauteuils, à proximité du conteur, enveloppé par ses gestes et paroles édifiantes.Descartes, Xénophon et bien d'autres philosophes se sont interrogés sur cette pratique du corps et reste sans réponse mais cheminent comme la danse, avancent et poussent la réflexion sur des chemins de traverses éclairants: les universités de la danse ont bien des facultés à rebondir et disséquer dans des théâtres d'anatomie réflexive, la danse, pensé en mouvement, danse de mort ou de vie, macabre ou charnelle, interdite ou permissive.Ces causeries dans ce cabinet de curiosité, enfer de la littérature, théâtre caché des anatomies angevines, sont une agora indispensable au gai savoir!
Que notre philosophe maître ou titulaire de bonne  "chaire" universitaire prodigue encore souvent ces bonnes paroles: l'intelligence au corps!


"Corps rebelles": l'exposition au Musée des Confluences: l'intelligence du Milieu.

Sur notre lancée intellectuelle, déplaçons nous jusqu'aux Confluences, ce nouveau musée tectonique dédié aux sciences de l'humain. Une exposition digne du milieu chorégraphique: pensée, réfléchie comme un grand plié salvateur, un détiré qui respire en amène discrètement dans la sphère d'un art éphémère qui échapperait à toute mise en boite classique ou académique: écrire ainsi l'histoire de la danse moderne et contemporaine en plusieurs sections, espaces d'images , de paroles et de réflexion de ceux qui font et vivent la danse au plus profond de leurs muscles, de leurs pensées, de leurs pratiques personnelles. Ainsi on découvre en cheminant dans un vaste espace ouvert, de petits bivouacs, chacun dédié à une thématique: danse savante, danse populaire, danse virtuose, danses d'ailleurs....Une pérégrination édifiante dans les univers bigarrés, ludiques ou graves des créateurs d'aujourd'hui et d'hier.Louise Lecavalier pour un récit très physique de son expérience, agrémenté d'images en triptyque retable iconique, où son visage rayonne de sagesse ou de déraison,


Marie Chouinard pour évoquer le corps, prothèses ou désarticulations à l'appui: tous ces corps savants, domptés pour une virtuosité autre que celle du classique mais qui obéissent au même credo: technique, entrainement, rigueur et discipline acceptée, réfléchie, soutenue, vécue. Jamais contrainte ou apprise! Un parcours passionnant même pour les plus érudits ou à l'inverse, les néophytes: du hip_hop, de la danse d'ailleurs, des paroles de Raphaelle Delaunay qui vous invitent à mûrir votre pensée sur l'humour, la distanciation et bien sur Raimund Hoghe pour évoquer le corps différent, atypique, celui qu'autrefois on nommait Quasimodo et que l'on montrait sur les foires: corps intime, fragile, vulnérable mais puissant et fort d'une maxime pasolinienne"jeter soin corps dans la bataille"
Un espace où respire la danse d'aujourd'hui, aux couleurs, au tempo de ses créateurs, interprètes et spectateurs, de plus en plus considérés comme interactifs, réactifs et participant d'une avancée philosophique et humaine!
Jusqu'au 5 Mars 2017 au Musée des Confluences à Lyon