vendredi 23 septembre 2016

Musica: soirée électro-choc!


"Jeunes talents, musique acousmatique"
Acoustique? Vous avez-dit "musique acoustique? Alors devant vous dans la salle de la Bourse, réaménagée à l'occasion du festival, de curieux instruments vous regardent: sorte d'oculus, de globes oculaires, haut-parleurs, sorte de pavillon de phonographe: un attirail hétéroclite de toute beauté plastique et quasi cinétique, très vintage.Sculptures sonores qui vont réverbérer le son, en direct façonné et manipulé par les jeunes créateurs du studio d'électroacoustique de la HEAR et du Conservatoire de Strasbourg.
Sous la direction pédagogique du spécialiste en la matière: Tom Mays: un studio-concert de jeunes pousses très prometteuses.
Trois œuvres vont donc dérouler sons et résonances: des pièces courtes, coup de poing pour introduire cette étrange volet de la musique d'aujourd'hui, fille de Pierre Henry.

"Dreaming Expanses" d'Antonio Tules, distille curieusement des bribes de sons variés qui évoquent vrombissements, déglutition, chaos, râles et autres sons de facture très organique: on y digère à sasiété des bruits et couleurs inédits à vous renvoyer dans des univers visionnaires singuliers. Paysages, matières au rendez-vous de cet opus très habile et plein de surprises sonores vibrantes, ronflantes, rondes et charnues.

"Les cheveux ondulés me rappellent la mer de mon pays" de Sergio Nunez Meneses est en fait la dernière phrase audible de cette pièce: murmurée, susurrée au début, peuplée de voix lointaines qui appellent la muse Echo, celle qui disparaît, se désincarne pour n'émettre que du son. Les instruments acoustiques, face à nous, nous interpellent comme des corps dont la vie de chair est absence, mais les résonances, les vibrations bien présentes.Désincarnée, l'oeuvre fait office de flots éparpillés qui chantent, psalmodient, éclatent en de multiples voix: celle d'un discours, celle d'une conversation, des cris et chuchotements, très bande son off cinématographique.
Du bel ouvrage, des "Cris de Paris" contemporains pour une ambiance intimiste ou révoltée.L'eau , l'aquatique, le fluide comme matière d'inspiration où l'on s'immerge à souhait dans un bain de jouvence salvateur.


"Registres" de Loic Leroux, dans la même veine délivre sons et pulsations, spatiales, très oniriques, larges et étirées dans l'atmosphère. Amplitude, réserve, concentration et délivrance des sons, en font un voyage très respiré, très inspiré, au souffle amplifié, magnifié par l'acousmonium.
Déluge, chaos tectonique, source de déflagration et voilà l'univers sonore créé, grave et convaincant.

Au tour du "maître" de s'exposer à l’ouïe pour des sons inouïs: "Presque rien pour Karlax" de Tom Mays
Paysages d'aujourd'hui, sons d'autoroutes en délire, de passages furtifs de sonorités singulières: bruits du quotidien pour amplifier des ambiances reconnaissables, identifiables .Trame sonore riche des sons de Luc Ferrari, remodelés, triturés, manipulés comme de la pâte à modeler le son.
Plastique, visuel, sonore, ce récital, atelier fur une révélation de ce qui se trame et s’enchaîne dans les studios de fabrication, dans la recherche joyeuse et vivante des curiosités de cabinet qui naissent et prennent corps dans les entrailles d'objets singuliers qui diffusent la magie, alchimie du son acoustique en diable.
Il y a du visionnaire dans ce paysage de science friction, fiction du son,si beau à contempler aussi!




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"L’acousmonium est un orchestre de haut-parleurs dispersés dans l’espace et dirigé par un interprète qui projette une œuvre sonore ou musicale dans l’espace de la salle, via une console de diffusion. Il permet de contrôler le positionnement, les mouvements et le comportement du son dans l’espace. Le spectateur est donc immergé dans un univers sonore.
L’acousmonium présenté ici est celui créé en 1974 par le GRM, le Groupe de Recherches Musicales. Cette présentation permet de découvrir l’outil, les particularités de l’écoute et de connaître des musiques acousmatiques qui déploient les sons spatialement.
Des étudiants de Tom Mays diffusent leurs œuvres en création, inspirées par la voix, la ville et l’espace, sur l’acousmonium du GRM.
Compositeur et interprète, Tom Mays a travaillé pour les plus grands instituts et structures de recherche en électroacoustique, de l’Ircam à Radio France en passant par La Muse en Circuit. Jusqu’en 2015, il transmet sa maîtrise de l’informatique appliquée à la musique aux étudiants du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris et, depuis 2013, à ceux de l’Académie supérieure de musique de Strasbourg.
Ce Californien n’en est pas moins resté un grand enfant, envisageant la musique électronique et ses nouveaux instruments comme le Karlax – une sorte de clarinette numérique qui permet de retrouver le geste de l’interprète et de modifier le son en temps réel – avec une passion communicative. Pour preuve la nouvelle version de Presque Rien pour Karlax. On est d’autant plus impatient de découvrir les œuvres créées par ses élèves sur l’acousmonium du GRM, un dispositif constitué d’une console et de haut-parleurs diffusant et projetant les sons dans l’espace.
Avec Fractal Expanses, Antonio Tules invite à faire l’expérience d’espaces cloisonnés qui vont s’ouvrir progressivement : une ville délabrée, caractérisée par des impacts résonants, une lande morte, traduite par des nappes houleuses, et une fourmilière transparente, suggérée par un pointillisme chaotique.
Sergio Núñez Meneses propose ensuite de montrer comment la voix peut se transformer en éléments sonores très différents jusqu’à perdre complètement ses caractéristiques originales mais sans disparaître de l’écoute.
Loïc Le Roux tente enfin « de rendre l’espace plus expressif en exploitant une grande palette de registres ».

jeudi 22 septembre 2016

"Giordano Bruno" : un opéra filmé de Francesco Filidei: le cinéma sur la bonne voix!

Un opéra à redécouvrir sous l'angle des caméras, focus et points de vue du réalisateur Philippe Béziat, c'est ce que proposait en ouverture de Festival Musica à Strasbourg pour sa 34 ème édition. En partenariat avec ARTE, fidèle soutien aux œuvres de spectacle musical contemporain, à l'UGC Cité Ciné.Une relecture, une interprétation au plus près des chanteurs, des corps, des visages Régal de détails, de focales où transpire la chair, suinte le désir de tous ces personnages voués à leur sort: qu'ils soient religieux ou iconoclastes dans cet univers singulier où rien ne sera pardonné. Lionel Peintre en héros, inquiet, sur la brèche est filmé, suivi, cadré au plus sérré accompagnant son inquiétude ou ses désirs, rendant et accentuant toutes les facettes de sa brillante interprétation du personnage maudit.


"Giordano Bruno" de Filidei dans une mise en scène de Antoine Gindt par l'Ensemble Intercontemporain.Un opéra contemporain se salue toujours tant il est encore rare d'en voir et entendre
C'est une des spécificités du festival Musica, engagé dans la réflexion sur le rapport image/ musique depuis plusieurs éditions
Sous la direction de Léo Warinski, et dans une remarquable scénographie de Elise Capdenat, des images vidéo signées Tomek Jarolim, la pièce fait office de traité historique, reconstitution narrative de la destinée d'un scientifique par une succession de douze scènes consacrées à l'histoire de l'hérétique Bruno, chercheur, détracteur de l'Eglise en proie à sa vindicte


Il est le héros et le martyr de la pièce, personnage central "fautif", coupable de vérité mais aussi de luxure démoniaque: on songe aux clichés de Pierre Moulinier en contemplant les scènes érotiques, de dentelles, bas à résille et pauses sans équivoques du chœur, celui qui ponctue l'opéra
Très mouvant, engagé physiquement dans l'interprétation, tous concourent à la tension dramatique de l'oeuvre
La musique, menaçante, les silences éloquents, façonnent une structure à la dramaturgie soulignée par un fond d'images vidéo évoquant l'aspect céleste de la rédemption impossible du héros, victime.
Le salut sera impossible, ni la rémission. Alors il s'enlise et s'embourbe, sacrifié au bûcher de l'inquisition
Destin diaboliquement irréversible où l'enfer, c'est bien les autres et leur incompréhension
Le film souligne la sensualité des scènes érotiques, telles des chorégraphies d'Angelin Preljocaj (Liqueurs de chair), les femmes y sont magnifiées autant dans leur blancheur virginale que dans leur torrides évolutions sataniques, charnelles, sensuelles.
Un film très réussi, pour une soirée inaugurale qui augure des plus sensibles découvertes.
Musica, c'est en marche !
U

mardi 20 septembre 2016

"Sound of music": l'"Hair de rien"!


Il est des "united colors of Benetton", des locks qui mettent en scène Terpsichore en baskets: voici une comédie musicale des temps présents qui flirte avec les traditions et décale les us et coutumes en la matière: Busby Berkeley en serait troublé et la filiation des écritures dans cette oeuvre collective produite par le performeur Yan Duyvendak, est habile en la matière. Se frotter à une forme convenue, référée, voici le challenge: opérer sur le terrain du message politique et écologique aussi!
Alors réjouissez vous, l'instant est grave et chargé de sens pour ces danseurs interprètes professionnels et "apprentis" puisés dans le staff des élèves du Conservatoire de Lyon.
Sur fond de crise, avec slogans et informations pertinentes sur les catastrophes écologiques du moment qui défilent sur une bande lumineuse, ils chantent, dansent, grimacent, évoluent dans la décence et la discrétion: un collectif bigarré mais sans strass ni paillettes au départ!


On oscille rapidement vers un rythme décalé où l'on va retrouver les ficelles de la comédie musicale: chœurs, chorale et mouvements a cappella: judicieuses formes qui se font et se défont dans un beau déroulé à la Fischli Weiss ou à la Larrieu .C'est tonitruant, mené tambours battants malgré quelques petites difficultés liées au manque d'espace du plateau du Théâtre de la Croix Rousse! Mais n'est-il pas justement question de surpopulation, de manque d'espace, de heurts et de choc dans cette pièce?
Un leitmotiv musical borde la pièce:"all right, good night" et tout ira mieux dans le meilleur des mondes semble murmurer ce petit groupe compact dédié à la sauvegarde du monde
Danses populaires et ambiance garantie pour cet opus signé Christophe Fiat, accompagné des signatures chorégraphiques d'Olivier Dubois et autre compères de génération.
Marches et démarches de groupe, en batterie, en brigade avec quelques échappées belles: on songe à "Insurrection" d'Odile Duboc!
Les paillettes peu à peu gagnent du terrain, le rideau de scène fait de même pour cette quette d'orpailleurs à la recherche d'un paradis perdus, à la "Hair" avec des accents sauvages et hippies qui font sourire. Comédie sociétale, équitable et durable, on l'espère inoxydable dans le temps pour parfaire le message et vivre encore plus intensément la fougue du genre qui traverse les époques: le show, rien que le show!