mercredi 23 septembre 2020

"Hommage à Klaus Nomi" : eclipse totale....en fanfare. "En corps" !

 


"Lorsque David Bowie le repère à New York à la fin des années 1970, Klaus Nomi élabore son personnage et un genre inédit de cabaret expérimental, à mi-chemin entre l’opéra baroque et le courant électro naissant. Il disparaît en 1983, deux ans après la sortie de son premier album, en marquant la scène pop de son anticonformisme. Olga Neuwirth voit en lui un modèle de synthèse des codes musicaux réalisée depuis les marges. Elle lui rend un hommage en forme de relecture : des neuf titres dont elle s’empare, elle conserve les parties vocales, puis leur applique un arrangement musical qui révèle les facettes de l’icône new wave tout en alimentant les espaces nostalgiques de notre écoute. Ce regard optimiste sur le mariage des cultures savantes et populaires est ici partagé et introduit par Carola Bauckholt et Simon Steen-Andersen." 

Ensemble intercontemporain


Simon Steen-Andersen
Amid (2004) 
 Ça rappe, frotte, glisse: on scie le son, en écorché, dépecé, évidé sur des carcasses éraflées des instruments, griffés, comme par un rabot d'ébéniste sur son établi musical. De petites vibrations, minutieuses, à peine audibles, en palpitations acoustiques avec beaucoup de douceur: une pièce singulière au regard des élucubrations de Andersen !

Carola Bauckholt
Laufwerk (2011) 
Les cordes grattées en mouvement de train en route, on scie du bois en tracés, piqués fugaces, en palpitations et tremblements: on vacille, on frémit, vrombit, sous les chatouillis: on frôle, glisse en ricochet comme cette musique pertinent, intrigante !Des miaulements de haute contre, petites plaintes de chouette effrayée, des sirènes menaçantes, des mouettes en émoi: toute une histoire qui se raconte en sonorités inouïes. 


Olga Neuwirth
 Le clou du spectacle, le morceau phare tant attendu: "encore" et "encore" pour affronter la vie, le personnage de Klaus Nomi en habit de lumières."Simple man"  sur fond de scène rougeoyant, pourpre comme l'artiste maudit, "incarné" ce soir par Jake Arditti, haute contre bien rodée à ce cabaret expressionniste en diable, à ce rock, à cette musique baroque dont Nomi a su s'emparer avec brio et sensibilité !En diable, Lucifer démoniaque le voici aux prises avec un "répertoire"varié, fanfare, twist, comédie musicale, cabaret....Tout se bouscule, s'effondre alors que le chanteur, espiègle et malin sous son maquillage de Nosferatu ou Dracula  se plait à séduire. Il nargue, caricature, fait son show, canaille, chipie de luxe dégenrée Tout boite ou s’emboite à l'envi..Des grondements menaçants enveloppent "Cold Song" morceau de bravoure interprété avec sobriété, fermeté et belle maitrise vocale.Maléfique, envoutant, vampirique, le chanteur sidère et ravit le public, reprend "wasting my time" pour enjôler et clore le spectacle, entouré de l'Ensemble Intercontemporain, ivre de ce style débridé, décalé aux atours d’apparat déjanté.




"Staged Night" : Simon Steen Andersen, trublion indiscipliné ! Mises à jour !

 


Johann Sebastian Bach

(tiré de Ich habe genug BWV 82)


Robert Schumann

(tiré de Kinderszenen, op.15)


Wolfgang Amadeus Mozart

(tiré de Die Zauberflöte K620)


Maurice Ravel
Scarbo (1908)

(tiré de Gaspard de la nuit)


ensemble ascolta

"Intermezzi": Aperghis : entremets, entr'acte ! Fracas sans perte ! !

 



Intermezzi nouvelle version (2019-2020)
création française 
"Georges Aperghis fait son retour à Musica et sur les planches du TNS avec une pièce pleine de surprises. Plus qu’un concert, Intermezzi est une suite d’actions instrumentales, doublée d’un portrait de l’ensemble Musikfabrik. Les musiciens ont « posé » devant le compositeur, qui a ainsi croqué leurs visions, centres d’intérêt et comportements. Il en résulte une collection de situations hétérogènes, façonnées par les idiomes de chacun — mise en scène des corps, des voix et des instruments. Pourquoi le genre de l’« intermezzo », pièce musicale de transition souvent marginale dans les grands ouvrages ? Réponse de l’intéressé, que l’aspect chaotique des choses a toujours fasciné : « Parce qu’il n’y a pas de propos. Que de l’entre-deux, que des parenthèses. » 
 

Un percussionniste, deux pianistes, huit instruments à vent pour cinq "cordes"....Une joyeuse bataille rangée va s'en suite à armes inégales, combat singulier dont l'issue sera fatale à la convention, à l'ordre, au maintien, à la rigueur de la composition rigide de certaines oeuvres contemporaines...Aperghis en diable, auteur, metteur en scène de bien des pièces théâtralisée refait surface ici et laisse place aux instruments personnalisés où les corps des interprètes ne font plus qu'un avec leur instrument, ou le "choeur" de chambre résonne à l'unisson d'un projet "collectif" concentré sur l'unicité de chacun. Rare démarche où la contrebasse se fait rageuse, colérique en prolongation de l'étoffe du musicien. Ou le trombone, le clairon oeuvrent , embouchures bavardes faisant sourdre le son-voix-souffle comme des entités sonores inédites, vivantes, charnelles, organiques.Une épinette délicate, une guitare aussi, des soupirs embouchés pour se faire une renommée dans ce chaos où chacun lève la tête pour mieux respirer le bonheur de "jouer". Jouer à la complicité, la concurrence des timbres, des volumes, créant capharnaüm, fatras et autre grand bazar salvateur. Les cordes s'emballent, survivent, les vents se déchainent dans des sur-aigus de timbres, alors que le rythme d'ensemble, très contrasté, oscille entre ténu et rocambolesques volutes sonores. Joyeux tintamarre collectif, sens-dessus-dessous à la Raymond Devos ou Jacques Prévert, le "verbe", le vers musical d'Aperghis fait mouche et la pêche est miraculeuse. Rien au hasard alors que les apparences de ce bon désordre sont trompeuses. Un solo de piano, alerte, met le feu aux poudres, des sifflets, des sirènes suggèrent un fil narrateur à s'inventer. Kung-fu de la contrebasse en combat avec les percussions tirées par des ficelles par l'interprète ganté à l'établi de ce clocher de pacotille. Un vrai spectacle, théâtralisé finement par le jeu des artistes sur le plateau, en position frontale puis divaguant de pupitre en pupitre histoire de semer la zizanie, de prendre la place de l'autre!. En assemblée bruissante qui cause, bavarde, foisonnante. Une expérience de sons, visuels dans la composition, cor et trombone, contrebasse et percussions, magnifiées par une écriture frisant le burlesque, le comique léger d'un Tati de la musique d'aujourd'hui: un "trafic" dense, chatoyant, bigarré, ludique où la signature de l'auteur surprend, varie, s'invente à chaque saynète créée devant nous. Bonheur assuré, joie et verve où chacun sort de ses gonds, "dégenré", déboussolé par ce trublion iconoclaste de la poésie sonore.

"Georges Aperghis fait son retour à Musica et sur les planches du TNS avec une pièce pleine de surprises. Plus qu’un concert, Intermezzi est une suite d’actions instrumentales, doublée d’un portrait de l’ensemble Musikfabrik. Les musiciens ont « posé » devant le compositeur, qui a ainsi croqué leurs visions, centres d’intérêt et comportements. Il en résulte une collection de situations hétérogènes, façonnées par les idiomes de chacun — mise en scène des corps, des voix et des instruments. Pourquoi le genre de l’« intermezzo », pièce musicale de transition souvent marginale dans les grands ouvrages ? Réponse de l’intéressé, que l’aspect chaotique des choses a toujours fasciné : « Parce qu’il n’y a pas de propos. Que de l’entre-deux, que des parenthèses. »