lundi 26 juillet 2021

Festival Avignon dans le IN les inclassables comme terrain de jeu.....

 


"Y aller voir de plus près" de Maguy Marin: radioscopie du politique.

Elle franchit les frontières, dépasse les bornes et nous tend des pièges salutaires.A sa manière, toujours, en mixant les disciplines, les faisant se rencontrer, se bousculer gaiement au coeur de l'histoire, de la mythologie Étonnante  prise de plateau pour cette "conférence" révérencieuse sur un pan de l'histoire ancienne: celle des Grecs qui occupe et préoccupe son propos à travers différents médias.Du lecteur-conter, au musicien, des images enregistrées aux panneaux indicateurs Pour se frayer son chemin dans ce chaos visuel.La guerre du Péloponnèse est au cœur du sujet.Vue par Thucydide et corrigée par Maguy Marin qui transpose allègrement Sparte à Sarajevo ou Madrid Les guerres sont véhicules de réflexion sur l'être ensemble, les prises de pouvoir, la question de l'effacement, de l'oubli, du déni Pour y faire face et prendre "position" au bon "endroit", la voilà qui ausculte les textes et nous les livre en intégralité, le temps d'une écoute attentive de la part du public.Réconcilier, réparer aussi pour bâtir et avancer.De ce souffle épique, nait une forme réduite, efficace, opérationnelle.Le souffle des vaincus, l'allégresse du ton de la pièce combative, rehausse l’intérêt d'un spectacle inédit, militant pour de bon dans les sphères du politique, ce qui se passe dans les mailles des filets des conquerants autant qu'entre les mains des opposants.De l'ouvrage qui se regarde aussi sous de multiples poits de vue aiguisés par une mise en espace respectant chacun dans son altérité.

Au Théâtre Benoit XII


"Archée" de Mylène Benoit :un gynécée débordant de vie 

Anthropologue, fouilleuse, chercheuse, Mylène Benoit offre à l'occasion  de cette pièce des visions picturales et plastiques, fortes, sensuelles qui touchent et impressionnent le regard Tel un gynécée d'êtres vivants qui se mêlent à vivre leur sexualité joyeuse et partageuse.Se servant allègrement de la plasticité des corps des danseurs, elle parvient à rendre des ambiances et univers singuliers, marqués par sa griffe aiguisée au mouvement.Et la voix d'y trouver son chemin naturel pour attirer, séduire, émettre cris et mélodies de toute beauté et authenticité.Sur un dispositif au coeur du cloitre des Célestins, les corps se glissent, évoluent langoureusement en autant de petites cérémonies ou rituels bien dosés.Libérer les corps dans des expériences nouvelles et faire don de cela.Les femmes au coeur du sujet, archaïques phénomènes indomptables au delà des pouvoirs exercés sur elles.Mettre au monde, un privilège inaliénable et riche de tant d'émotions et d'impression.Ensemencer, semer, cultiver dans une archéologie de l'avenir pour créer des fondements nobles et vrais.Ces paysages comme des touches mouvantes s'impriment et se distillent à l'envi comme des toiles où la peinture serait projetée par la force et l'énergie des danseuses Une fratrie se dessine où les échanges sont ceux d'une joyeuse intimité dévoilée le temps d'ouvrir les possibles.

Au cloitre des Célestins


"La Cerisaie" de Tchekov mise en scène par Tiago Rodrigues  : la charge du patrimoine

La cour d'Honneur pour écrin, pour recevoir une version parmi tant d'autres de références...Challenge, inconscience ou tout simplement courage et volonté de rendre contemporaine et crédible une histoire de famille, complexe, tribale, triviale, veule pleine de cupidité, de malversation, mais aussi d'amour filial Des chaises pour asseoir cet "état de siège" de jeu de chaises musicales où chacun défend sa place, perd ou gagne, s'exclue ou prend le pouvoir...Un agent immobilier qui conseille à une mère de famille de rentabiliser son bien: pourquoi pas, si tout se noue pour réussir ou échouer, pour se lier ou se haïr.Isabelle Huppert comme égérie, femme débordante et sautillante, pleine de rigidité autant que de rebonds. Frêle silhouette pour habiter tant de fatalité, d’obéissance.Autour d'elle gravitent d'excellents comédiens, arpentant le plateau, féroces partenaires ou tendres filles et fils héritiers de cette demeure et propriété "la cerisaie". Lioubov, héroïne tragi-comique se fraye un chemin dans la jungle familiale et tire son épingle du jeu, son épine du pied avec ténacité. Ses silences sont éloquents, ses attitudes corporelles à fleur de peau.Un rôle à facettes multiples pour une comédienne hors pair.Chœur à corps, accordé pour créer une partition chorégraphique fine échafaudée par des déplacements en diagonale, des perspectives frontales où tout s'ouvre sur des possibles.

A la cour d'honneur


"Outremonde de Théo Mercier: sablier du temps suspendu.

Il investit cette année les sous-sols de la fondation Lambert pour des installations in situ dans quatre "chambres" dédiées à l'élément "sable". Tel ce marchand de sables mouvants, il fait vivre le temps d'une performance, les personnages de ces univers de dunes, de constructions éphémères évoquant l'archéologie, le mythe, le souvenir Une plage de sables fins qui engloutit, ensevelit l'espace: sables conquérants, envahissants C'est un enfant qui danse, cheveux blonds bouclés comme ceux d'un ange qui sera le guide de ce paradis secret. Il dialogue avec les femmes, imitant leurs gestes ou s'imprégnant de leur sagesse et immobilité.Dans la salle du "pendu", c'est d"un sablier qu'il égrène le temps, clepsydre minérale par excellence Le public est invité à une promenade sensitive dans cet univers factice aux confins de l'irréel.Les architectures de sable comme immergées d'une cité engloutie, perdue, foulée par les pas d'un intrus venu d'autres temps L'enfant comme une bonne étoile, un petit prince du désert C'est un voyage dans le temps, la matière, enfouissement d'où jaillit un être humain, ressuscité des périodes révolues. Une performance rare où le feu de la dernière salle brûle encore en scories, en matière frémissante de lumière.

A la Fondation Lambert

Vive le Sujet 2021 Série 2 /3 et 4 : recharger ses batteries pour affronter le monde!


Retrouver "Vive le Sujet" c'est l'instant du décalage, de l'incongru au coeur du Festival IN d'Avignon sous l'égide de la SACD dans le mythique Jardin de la Vierge , cour du lycée ST Joseph !

VIVE LE SUJET SERIE 2

"Làoùtesyeuxseposent" de Johanny Bert: éloge de la tectonique.

« Suivez-nous dans cette expérience éphémère ! Peut-être de loin cela vous semble trouble. C’est votre regard et votre sensibilité qui vont permettre que certains détails émergent. Tout commence dans le jardin de la Vierge comme un espace marionnettique. Une écriture visuelle et sonore constituée de juxtapositions de signes au plateau. Des glissements d’images entre la présence et l’absence, et d’une transgression à une mélopée. » 

C'est ainsi que se définit le travail scénique que propose un excellent saxophoniste aux accents inédits pour accompagner une structure tectonique en place: vont s'y révéler des métamorphoses métamorphiques pour marionnettes, objets hétéroclites et autres accessoires dans une atmosphère ludique et loufoque! Un ouvrage très visuel qui se fait et se défait au gré des manipulations dissimulées des protagonistes de toutes ces mutations.Jusqu'à la résurrection de Gnafron, d'un arbre déraciné, d'une vierge qui éclate en mille morceaux...Des petits rats immergent, des lombrics qui se tortillent, des poupées gonflables rose bonbon à croquer de lascivité: poésie de la catastrophe inéluctable mais délectable en diable de l'humaine condition!

"Petit trafic" de Loic Touzé : ça tourne !

Un maitre de cérémonie, Monsieur Loyal, discret mais très déterminé, se joue de la place et du positionnement de deux personnages. Leur offrant des chaises à l'envi pour mieux y exprimer hésitation, rejet, distance ou complicité.Dans et par sa présence distinguée, en blanc et rose très stylé, le chorégraphe manipule et distribue les tâches de ces pantins soumis à la loi du décideur, discret mais efficace joueur.Les deux danseurs , l'un au regard évaporé et distant, l'autre en alerte constante, forment un duo décalé ravageur, un état de siège, de chaises musicales en hommage aux anti héros du cinéma burlesque: Tati veille au grain, longue silhouette incarnée par Loic Touze, agent de ce petit monde jovial et naïf !


 


 VIVE LE SUJET SERIE 3 ET 4


"Pourvu que la mastication ne soit pas longue" de Hakim Bah :que justice soit rendue!

Une évocation forte et sans concession d'une bavure policière, cercle infernal d'humiliation, de dénis inspiré de la mort de Amadou Diallo, un jeune guinéen abattu de 41 balles dans le Bronx en 1999.Entre un jeune conteur-danseur et un circassien épris de roue cyr, se tissent des liens fusionnels: la roue tourne et la tension ne cesse de grimper, du verbe émis par le bateleur, à la menace constante de ce qui renverse, écrase la justice.Un conte à l'envers qui n'a rien d'un conte de fées: le récit des faits rythmé, PLASTIC PLATONmartellé avec sincérité et conviction.


"Etudes 4, fandango et autres cadences" de Aina Alegre: à la source des bonds et rebonds à la basquaise !

A partir d'une récollection de gestes, de chanson issues du pays basque, voici une évocation très illustrées de postures, attitudes et autres structures d'une danse "savante" issue d'un patrimoine ici revisité.Homme et femme questionnant ce répertoire autant de manière sociologique qu'artistique.Alors, on y danse, on y expose le processus en cadence, tempi et le fandango reprend sa place légitime. Contemporaine et vivante.Carnaval en guirlande, redoute ou cavalcade à deux, cette reconstitution animée se fait sans nostalgie et avec la joie des mouvements folkloriques que l'on sait à l'origine de notre bonne danse classique!


"Plastic Platon" par Juglair: siamois en émois!

La première vision est dantesque: deux corps nus scellés par du plastique alimentaire comme deux siamois! Deux corps enchainés, dégenrés, complices de cet solidarité forcée et contrainte, entrave à la liberté.Tout se transforme, se métamorphose à l'envi jusqu'à la libération du mouvement. Un manège enchanté, des licornes fabuleuses peuplent le plateau, cirque rocambolesque des facéties des deux escogriffes.Humour et fantaisie à l'appel. Un mas chinois se fait support de pole dance, on y joue à 1/2/3 soleil avec malice et le ludique l'emporte à l'emporte-pièce!Un rare moment de décalage pour un duo magnifiquement servi par des interprètes aguéris au burlesque dégenré qui n'a peur de rien. Platon en ferait un banquet à perdre pieds!


" 7 Vies" de Nach et Ruth Rosenthal: une claque faite aux convenances.

Deux femmes en lutte, l'une krumpteuse à l'envi, l'autre gracile être sur la touche de la sensibilité extrême. Cela contraste et les deux personnalités se complètent, sauvage et abrupte de coffrage, réservée et docile.Pour des propos rudes et justes, un texte volontaire et incisif, des positions physiques  toniques ,des attitudes poétiques et politiques de bon aloi. La lutte gronde, le soulèvement sismique en tremblements n'est pas loin....Toutes deux en sont actrices et témoins et nous passent le relais, flambeau partagé , course conte la montre pour défendre sa place légitime dans ce monde

VIVE LE SUJET: on en reprendrait bien encore une petite dose pour recharger ses batteries!


 


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On (y) danse aussi l'été! Les Hivernales: au CDCN: un succès public de taille!

 Comme chaque été aux Hivernales c'est six spectacles qui s'enchainent de 11H à 22H: petit marathon salutaire !l


"IDA don't cry me love" de Lara Barsacq :femmes icônes

Déjà évoquée dans "Lost in Ballets russes" voici le personnage légendaire de Ida Rubinstein, exhumé pour façonner un récit très personnel . D'une icône de la révolution féminine naissance au XX ème siècle, la chorégraphe puise dans ses souvenirs: une affiche signée Bakst où l'égérie du féminisme naissant apparait en Shéhérazade incontournable, luxuriante, marginale.A partir d'objets, d'accessoires, de vidéo, se dessine une figure accompagnée de sa panthère mythique en fond de rideau de scène, renouant avec la tradition des ballets russes. Un trio intime de femmes se constitue, charmeur et provocant au charisme naturel et sobre. Tout en finesse et suggestions, cet hommage est une pièce rare et intelligente, mêlant respect et inspiration débordante pour nous entrainer dans une période faste en ruptures et révolution de palais.La scène est terrain de jeu où Salomé et toutes les autres resurgissent pour manifester l'importance de la place revendiquée en ces temps: femmes fatales, convoitées mais décisionnaires; les muses s'amusent et les trois interprètent se donnent libre jeu pour se mêler d'un destin atypique: performeuse, frondeuse ressuscitée de façon très légitime par le talent de mise en scène de Lara Barsacq.Une pièce attachante qui rejoint d'autres évocations de femmes chorégraphes iconoclastes(Valeska Gert etc....)


"Inventaire" compagnie Grenade Josette Baiz: le pré-vert de la jeune danse !

C'est un plaisir non dissimulé que ce duo façonné de main de maitre: exercice périlleux sur la narration de soi et de son expérience chorégraphique par deux interprètes nés sous la bonne étoile: celle d'avoir partagé sa vie de danseur auprès de Josette Baiz: une grande famille de la danse où chacun est reconnu et estimé dans "le vivre ensemble" et la responsabilité d'interprète Ces deux là vont nous démontrer que souvenirs et rêves font partie de soi, de sa construction humaine autant qu'artistique. Comme deux biographies qui se mêlent pour nous faire pénétrer dans les univers qu'ils ont fréquentés: Gallotta, Mc Grégor, Bel. Nicolas Chaigneau et Claire Laureau, galvanisés par ce palimpseste remis à jour pour revivre, réinventer rôles et reprises avec talent, joie et jubilation.Une leçon d'histoire comme seule la Danse peut la concevoir:corporelle, vivante, émouvante et pertinente!Et pour clore ce feu d'artifice en bouquet, un film vidéo surprise sur tous les danseurs passés par la jeune compagnie: que du bonheur engendré par "Josette"!


"Dancewalk Retrospective" de Foofwa d'Imobilité Neopost Foofwa:marathon man !

Si vous n'avez pas pu suivre au moins un épisode du marathon chorégraphique du trublion de la danse (suisse) voici l'occasion de regarder toute "la série"en une heure: condensé en images filmées sur le vif de la traversée du monde d'un collectif mené par Foofwa: c'est riche d'élucubrations multiples, de rencontres avec le public sur fond de paysages changeants. Et drôle, virulent, relevé comme une sauce piquante, une mayonnaise qui prend d'emblée Raconter un périple semé de danse, de courses, de pas, d'épuisement, c'est sportif et athlétique en diable.On en sort ému et retourné car un acte poétique devient politique. Une des danseuses sur scène accompagne les images, fidèle marathonienne, sans jamais épuiser les ressource de l'endurance, de la pugnacité: de l'audace, du culot et beaucoup d'empathie pour cette folle virée au pays délirant d'un fou furieux d'échanges et de défis!


"Facéties" de Christian et François Ben Aim: la camarde leur va si bien !

Ils se présentent comme à l'habitude, le verbe prolixe pour exposer leur propos puis s'en détacher au profit du geste, de l'intrusion des corps dans la narration. Cette pièce pour six danseurs est à leur image, rebondissante, virtuose, pleine de vie et de surprises, d'humour, de décalages dont les interprètes se font vecteur, passeurs La danse macabre de Saint Saens comme leitmotiv récurent et le tour est joué: tout se déglingue, se rompt sans faillir à des touches de dérision, d'ironie, de distanciation.L'humour décalé des diverses interprétations de cette mélodie mythique est une trouvaille de choc! On s'y amuse gaiement tandis que cette danse de squelettes si comique sied à la vie comme pas permis.Hymne à la joie, au détournement, à la facétie!Mécanique des corps diffractée, déconfiture et rencontres de diversité et d'exception à la règle!


"Tumultes" de Bruno Pradet compagnie Vilcanota

Une mêlée jouissive de chanteurs, danseurs, musiciens où même la cantatrice se plie aux mouvements, galvanisée par cette tribu menée par le talent de metteur de scène de Bruno Pradet. Mêler le chant baroque, le rock et autres signes de pluri-disciplinarité n'a rien d'évident: ici cela opère dans un rythme soutenu, rebondissant où chacun défend son être, sa place. Guitare, violon au poing pour un savant voyage dans des univers musicaux choisis, de Pergolèse à Vivaldi: rien ne semble interdit pour la visite de la danse taillée dans le vif pour neuf artistes oscillant du geste à la voix pour mieux vivre ensemble une utopie tumultueuse aux flux et reflux permanents.Une pièce originale et une performance à développer pour s'y lâcher encore et en corps.


"The Passion of Andrea 2" par Simone Mousset Projets

S'il fallait décerner une palme à la pièce comique dans ce festival off, ce serait sans aucun doute à celle ci: un condensé léger, efficace, sensible de retenue, de drôlerie, de frôlement des genres avec des touches impressionnistes savoureuses de couleurs locales Trois anti-héros s'emparent discrètement du plateau, le temps de convoquer des Andréas multiples façonnées par l’ingéniosité de la dramaturgie.Exemplaire jeu et présence des interprètes, escogriffes bienveillants dans un monde absurde, décalé.En "anglais" souvent pour une touche distinguée en plus, tout bascule pour ces trois lustigs désopilants, face à leur destin bouleversé Leur identité c'est Andréa, convoquée comme Arlésienne, spectre hantant la scène, icône inconnue au bataillon mais toujours convoquée pour l'action!Nos trois Andrea rivalisent de malice, se traquent, se tuent, disparaissent et meurent pour l'une avec une grâce irremplaçable.Un trio décapant, insolite, surprenant avec des ballons de baudruche suspendus au dessus de leurs têtes comma autant d'épées de Damoclès pas si menaçantes que cela.

La Danse aux Hivernales estivales, c'est la plus audacieuse boite à coulisses que l'on puisse convoiter!

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