dimanche 10 octobre 2021

"3 works for 12": Alban Richard, Treize à la douzaine pour un "cirque"magnétique, une arène dangereuse!

 

photo agathe poupeney

Dans ce spectacle chorégraphique pour 12 danseur·se·s, Alban Richard se penche sur la musique minimaliste du milieu des années 1970, alors qu’elle influence de jeunes artistes qui choisissent d’en emprunter les architectures tout en s’attachant à d’autres modes de pensée et d’autres énergies. Là où Louis Andriessen substitue le chromatisme à la tonalité des premiers minimalistes, David Tudor établit un lien entre l’écriture répétitive et l’électronique musicale naissante en laissant libre cours à l’instabilité des processus. Quant à Brian Eno, il retient l’idée d’une écoute fusionnée avec son environnement et initie le courant ambient qui marquera durablement la pop et l’électro. 

centre chorégraphique national de Caen en Normandie

Programme musical
Louis Andriessen Hoketus (1976): c'est de façon frontale que nous abordons la grappe, la meute: en alternance les 12 danseurs alignés, de face, en canon et alternance, jouent à qui perd gagne en hauteur, décalage mécanique, avancées, reculés savamment calculés! Alban Richard nous fait son "Dance" à la Lucinda Childs, rigoureuse partition chorégraphique comptée aux entrées et sorties directionnelles, aux croisements impeccables, millimétrés au cordeau!C'est à couper le souffle et hypnotisant: les costumes, sport sophistiqué et très design-mode chamarrés. Des emboitements, puzzles acrobatiques dans la construction architectonique des ensembles, des échappées belles aussi pour libérer les corps, les projeter dans l'espace. Comme une horde, meute lâchée, maitrisée, vol d'oiseaux en bande d'étourneaux, nuées ou murmurations. Des marches communes, courses et voltes se tracent peu à peu, des solos se détachent, sauts et tours, hochements de têtes dans un rythme infernal tenu, incessant. Des tours à l'inverse des aiguilles d'une montre....Une performance qui se s'épuise jamais! Une petite pause aux vestiaires, à vue comme lors d'un match sportif pour respirer!



Brian Eno Fullness of Wind (Discreet Music, 1975)
: un beau quatuor de femmes, délicieuses créatures aux gestes fluides pour contraster avec la première pièce du programme.Très douce, dans une grande liberté apparente sur une musique détendue, lascive, quasi classique!


  David Tudor Pulsers (1976)

 Après une seconde pause, changement de costumes à vue pour métamorphoser les danseurs en athlètes performeurs "sportifs"! Costumes fluo, plein de couleurs, très seyants, évocateurs de compétition sportive, tous distincts et personnalisés.Déflagrations de solos en salves projetées, torsions des corps, spasmes de possédés, danse hystérique, ravageuse, très efficace! Comme autant de molécules, d’électrons libres, en profusions de propositions d'écriture gestuelle organisée et sur mesure.Quelques "poses-décors" pour figer des instants si précieux d'accalmie dans ce furieux groupe compacté par l'enthousiasme, galvanisé par la musique.Mécanique infernale des temps modernes, galops, tours de derviches, voltes, spirales à l'envi! On n'achève pas les danseurs, en chutes, rebonds, suspension, soulèvement constants.Une performance aérobique et athlétique remarquable tant la musicalité efface les travers de la "performance" pour la performance... Ces olympiades désorientent, déboussolent, les directions se fracassent sans se bousculer dans des couleurs vives, musicales autant que plastiques: des tableaux mouvants qui déconcertent, décalent dans une polychromie totale de sons et de mouvements vibratoires. Alban Richard, peintre d'une échappée belle irrésistible, tendue, volatile, futile, interprétée à la perfection minutée d'un ensemble hétérogène où l'identité demeure, l'altérité fait des uns et des autres des "soyez vous même" dans les touches et masses chorégraphiques denses et vertigineuses. Sur la piste, au chœur du stade ou dans l'arène rien ne s'épuise sur la surface de "réparation"!

conception, chorégraphie, lumière Alban Richard
assistants chorégraphiques Max Fossati, Daphné Mauger
interprètes Anthony Barreri, Constance Diard, Elsa Dumontel, Mélanie Giffard, Célia Gondol, Romual Kabore, Alice Lada, Zoé Lecorgne, Jérémy Martinez, Adrien Martins, Clémentine Maubon, Sakiko Oishi

régie son Denis Dupuis
son Vanessa Court
lumière Jérôme Houlès
costumes Fanny Brouste
réalisation costumes Yolène Guais
régie plateau Olivier Ingouf
conseillère en analyse fonctionnelle du corps dans le mouvement dansé Nathalie Schulmann


samedi 9 octobre 2021 — 19h00
La Filature, Mulhouse

 

"Pink noise" Suzanne Ciani : une fresque sonore digitale, connectée! Des entrelacs synthétiques pour un tissu musical inoui!

 


Dès le début des années 1970, Suzanne Ciani préfigure l’avenir des musiques électroniques. En tant que compositrice et performeuse, l’Américaine explore les ressources des premiers synthétiseurs, en particulier les synthétiseurs modulaires Buchla dont elle deviendra une spécialiste. Mais c’est tout d’abord comme designer sonore qu’elle se fera connaître, produisant des sons iconiques du xxe siècle, tel l’emblème sonore de Coca Cola et sa cannette décapsulée. À l’instar de Pauline Oliveiros, Wendy Carlos et Éliane Radigue, elle fait partie d’une génération d’héroïnes de l’électro que l’on redécouvre peu à peu aujourd’hui, alors que l’histoire de la musique se décline au féminin. 

C'est dans une atmosphère aquatique de remous colorés, de marée, de flux et reflux que l'on baigne en préambule du concert dans la nef des Dominicains. Sur un écran frontal seront projetées durant toute la performance, les images capturées en direct de cette pilote hors pair aux commandes des consoles, circuits connectés, synthétiseur, Suzanne Ciani en personne! Les câbles, fils, connections, prises comme autant de personnages à adopter, faire vivre et se brancher en inter-connection: un vivre ensemble digne d'un plat de spaghettis animés sur le "piano" de la cheffe cuisinière très inspirée, concentrée, vigilante et précise: des recettes pour faire surgir des univers sonores insoupçonnés: sons de marée haute se fracassant sur la falaise en pulsations éparses pendant qu'elle danse devant son établi "artisanal", créant des leitmotiv en boucles, agrémentés de sonorités synthétiques inouïes! Des sons qui tournoient dans l'espace en nappes et couches superposées: fusées, oiseaux pour créer un univers étrange et magnétique, cavernicole plein de zébrures tranchantes sur fond massif persistant. Couleurs, matières et densité à l'appui. Elle pianote, digitaline, en frange, lisière, bordures ou frises, en percussions, frappes, feux d’artifice ou salves dévastatrices!Du souffle aussi, des battements pour créer vie et mouvements, déplacements, frottements des sons volubiles de gamelons...Des éraflures aussi à l'oreille, du toucher.Sac et ressac, déferlement de vagues, mouettes rasant les falaises: autant de paysages sonores qui prennent corps et graphie dans l'espace grandiose des dominicains! Tumultes et turbulences au menu de ce concert unique en son genre où la rencontre avec l'artiste sur le plateau est rendue possible par la curiosité du public expert et la générosité en partage de l'artiste!

performance Suzanne Ciani

Le rendez-vous agrémentés par les installations "fait maison" par le centre de recherches audiovisuel des Dominicains: bain de jouvence en immersion ou recherche spatiale sous la coupole, de toute beauté et inventivité!

Ce rendez-vous s’inscrit dans le cadre des Nuits de la pleine lune au Couvent des Dominicains de Haute-Alsace. 

vendredi 8 octobre 2021 — 20h30
Les Dominicains de Haute-Alsace

 

"Illusions" Hampus Lindwall / Clément Édouard: des voix "organiques" dans un espace sacré.

 


Pour clore sa 39e édition, le festival joue les prolongations à Mulhouse et Guebwiller.
Trois concerts et un spectacle chorégraphique tracent un panorama de la musique répétitive, de son explosion dans l’Amérique des années 1970 à sa réinvention par les jeunes générations aujourd’hui.

Météo et Musica s’associent pour la première fois de leur histoire pour incarner les perspectives de l’expérimentation musicale. Avec l’indiscipline qu’on lui connaît, Hampus Lindwall projette l’orgue vers de nouveaux territoires en interprétant les oeuvres d’artistes inclassables, Cory Arcangel et Hanne Lippard, capables d’oeuvrer dans des domaines aussi divers que la musique, la poésie sonore, les arts plastiques ou numériques. Ellen Arkbro poursuit quant à elle sa recherche d’une nouvelle consonance avec Chordalities, suivie en cela par Clément Édouard et son projet Dix Ailes où les voix et l’électronique fusionnent en des espaces vibratoires inouïs.

Cory Arcangel, Chord Memory AKA Amen (2021) création mondiale

Voix et orgue se mêlent en écho et réverbération dans le vaste espace de l'église en sorte de préambule au morceau suivant: cela touche et immerge dans l'ambiance froide et distante d'un instrument "organique" qui prend des couleurs tintées de pâleurs pastel.

 
Ellen Arkbro, Chordalities (2019) création française

L'orgue reprend le flambeau, répétitif, en résonance tenue, en ornement et couches sonores successives, en reprises du leitmotiv en basse sous-couches immersives.Des piqués et staccatos très aigus comme des moulinets rotatifs en alternance, contrastés, des coucous suisses joyeux en résonance! De longues tenues d'aigus agrémentées d'un rythme de ritournelles, phrase qui revient identique, qui avance ou recule: de belles répétitions en rhétorique, en syntaxe qui s'estompe et disparait comme la muse Echo.


Hampus Lindwall, Brace for Impact (2020) création mondiale

A la guitare électrique de prendre le relais en présence de l'orgue, en traines, en élongations, étirements ascendants, en crescendo: ça s’amplifie, se répand, submerge; des sons et bruits de formule 1, salves ou courses de voitures qui se doublent, se chamaillent se font concurrence!Des vibrations et fréquences, des tirs de roquettes pendant la course poursuite!


Hanne Lippard, Neinternet (2019) création française: une frise, enluminure, fresque sonore de toute beauté qui fait voyager dans un espace sonore riche de contrastes, de hauteurs, de matière et de densité musicale.
orgue Hampus Lindwall

Dix Ailes (2017-2021): Deux voix de femmes à capella pour une ode à la voix aiguë, tenue, dans ses plus beaux atours sonores.Batterie et console pour soutient, support sonore à l'appui.Les cymbales en harmonie, des vrombissements amplifiés pour créer une impression très sensible de raz de marée, d'éclaboussures, de jaillissements. De beaux effets de voix de tête, des sifflements pour couronner le tout, des raclements pour que rien ne soit lisse ou des plaintes lointaines égarées.Des avalanches de sons aussi ou les deux voix persistantes se renforcent comme des appels ou des cris!


composition et électronique Clément Édouard
voix Linda Olah et Isabel Sörling
percussions Julien Chamla

jeudi 7 octobre 2021 — 20h00
Eglise Sainte Marie à Mulhouse