mercredi 17 novembre 2021

"L"avenir" de Magrit Coulon, c'le chantier ! Au 104 une mise à nu du processus de création!

 


Comment les histoires et les rituels nous aident-ils à survivre et à trouver l’apaisement dans l’incertitude ? Telle est la question à laquelle Magrit Coulon se confronte avec L’Avenir en convoquant la malice des Congrès de Banalyse, rendez-vous expérimentaux au cours desquels les participant·e·s se retrouvaient pour faire récit de l’insignifiant et mettre en scène le vide. Rendez-vous est pris dans une gare au milieu des montagnes, où l’on rencontre aussi des artistes solitaires et d’étranges figures costumées, à la recherche de cet endroit de possible, sur la crête entre fiction et réalité. 

Un bon moment de partage entre les protagonistes d'un spectacle à venir, un chantier léger et très bien articulé en mots et paroles pour éclaircir les intentions des créateurs, prolixes en verbe et en rêves de création.

Un temps d'échanges, d'expérimentation sur l'espace à vivre en live pour un public curieux et désireux d'aborder une œuvre en amont. Que deviendront ces projections, ces envies, ces positionnements sur la mise en scène d'une pièce encore incertaine....On mise sur un bel avenir de production, de réflexions pour un "produit" à découvrier avec quelques clefs de lecture suplémentaires...

Au 104 le 10 NOVEMBRE 19H....

"J'aime": Laure Werckmann et Nane Beauregard : le bel amour , le don de soi.


 « J’aime sa liberté que ses yeux se plissent quand il me sourit son recul son assurance ses yeux verts la rondeur absolument parfaite de ses pupilles la façon dont elles se détachent sur le blanc de son œil sa désinvolture ses certitudes même quand je pense qu’il se trompe… »

J’aime à la scène c’est l’histoire d’une femme qui cherche à révéler ce qu’elle aime pour apprivoiser ce qu’elle est, sa multiplicité, et y trouver sa force. Pour cela, elle entre dans un espace où la parole peut se déployer. Un cabinet, une pièce à l’écart, là où le dire n’est pas contraint mais attendu et espéré, là où le dire travaille l’être. Au plateau, peu d’éléments pour une infinité de combinaisons : ampoules soufflées, guindes, poulies, sol apparemment tangible alors qu’il n’est que de farine…

J’aime est un spectacle qui tient dans nos paumes, il croit en la capacité du simple à bouleverser les cœurs.

Laure Werckmann : « J’aime est ma première mise en scène, après avoir passionnément arpenté les plateaux comme interprète.C’est une mise en scène d’actrice, pensée depuis la scène vers le public, et à partir de J’aime, le premier roman de Nane Beauregard édité chez POL en 2006, unique phrase sans ponctuation d’une femme qui dit ce qu’elle aime chez l’homme qu’elle aime. »

Et si l'Amour ne se contait qu'à travers les mots, au filtre des lèvres d'une comédienne douée d'une rare présence, et si le jeu d'une actrice parvenait à transcender un texte, une écriture, et si le plaisir qu'on y prend était incommensurable...Alors, on se ferait un immense câlin, un remarquable pouvoir de dresser le festin jouissif du théâtre tel qu'on souhaiterait le rencontrer. Car il s'agit bien ici de rencontres, d'affinités, de complicité entre autrice et metteuse en scène, entre écrivaine et actrice qui ne font qu'une bouchée délicieuse d'un repas délectable du verbe, du geste, du corps. Dans un espace restreint à celui d'un fauteuil, planté dans une diagonale de lignes tracées à la craie ou la farine, sous les lumières intimes d'abat-jour suspendus, ampoules chaleureuses rayonnant de douceur.Elle arrive du haut des tribunes et s'installe prudemment, pudiquement sur ce réceptacle douillet: timidement, hésitante, prude, discrète et démarre un monologue, soliloque tendre et susurré du bout des lèvres à l'attention de celui qu'elle aime et peu à peu parvient à créer une fusion, une empathie avec cet "absent" tant chéri.Métamorphose lente des attitudes en regard au contenu du texte, osmose entre ce sujet irréel, virtuel qui occupe sans cesse ses pensées. Proche de nous autant que lointaine évocation d'un amour respectueux, sincère qui peu à peu se transforme en dévoration, passion, rage. Le corps, les poses, les attitudes de cette femme sont aiguisés par une faim de loup dévorante d'amour tendre puis farouche. La mutation de son jeu, de ses gestes et intentions dramatiques questionnent l'identité, l'altérité de celui, de celle qui aime sans limite, sans borne, débordant de tumultes, de revirement, approfondissant les mécanismes de ce qui meut l'âme et le corps de l'amoureuse, proie de ce destin univoque voué à aimer. C'est beau et touchant, allant directement à nos sens et émotions pour satisfaire le poids des mots, le choc des images, la beauté de ce corps qui se dénude, se dévoile à l'envi, à loisir. Et l'on se fait voyeur obscène de cette transformation, de ses changements à vue qui passe d'un état à l'autre, subtilement incarnés par une femme qui joue, qui se joue de cette fatalité: aimer !Les lumières signées Philippe Berthomé créant une ambiance, une atmosphère chaleureuse, épanouie de désir discret, intime. La scénographie alliant secret et révélations, infimes touches de sensualité, d'érotisme à fleur de peau.La musique signée Olivier Mellano , compagne de route de cette destination amoureuse incertaine.

Le jeu de Laure Werckmann alliant pudeur et offrande, don de soi et virtuosité de l'incarnation des mots de Nane Beauregard dans le corps, du bout des lèvres et de la mémoire: une performance délicate et sincère, osée et impudique d'une femme qui se glisse dans les plis des aveux au fil du texte qui ne cesse de révéler des mystères: ceux de l'âme et de la chair éprises de sentiments au delà de la raison pure! Quelques traces de pas comme empreintes esquissées au sol, légères, témoins d'un passage furtifs, dansant dans la poussière blanche des étoiles du désir.

Du 16 au 20 novembre 2021 aux TAPS Laiterie

Compagnie Lucie Warrant

 

mardi 16 novembre 2021

"Le bruit des loups": forêts, je vous aime !Etienne Saglio colporteur d'images fabuleuses.

 


« Quand tout est impossible, le travail du magicien commence. »

Jongleur et magicien, Étienne Saglio revient fêter l’invraisemblable avec de nouvelles créatures irréelles. L’artiste stupéfiant, associé au Rond-Point, offre une excursion dans une folle rêverie, entre clair de lune et lever de soleil sur un monde inconnu. Il invite à un voyage inouï, une balade dans une forêt envoûtée, envoûtante. Un rat se fait messager, des plantes se rebellent, un drôle de renard joue le narrateur du conte… Un damier gigantesque se transforme en forêt, peuplée de loups et de géants. C’est tout un univers qui s’élève, se révèle autour d’un gosse au pays des merveilles. La nature passe à l’acte, tendre ou cruelle, lui rapporte son enfance et ses peurs enfouies sous les feuilles mortes, pourtant mouvantes. Création virtuose d’une utopie tangible : on voit prendre vie sur scène les plus anciens rêves d’enfant.

Il est des feuilles pugnaces qui jonchent le sol quadrillé noir et blanc d'échec qui ne cessent de réapparaitre sous le coup de balais d'un homme irréprochable qui tente de nettoyer l'espace. Un petit arbre ne cesse d'esquisser une petite danse de feuilles et de branches stabiles qui enchantent l'atmosphère: un univers décalé où les souris se font dévorer avant de disparaitre, où on loup traverse la le plateau derrière une forêt majestueuse de troncs d'arbres, futaie ou fond de taillis... Une bestiole fabuleuse introduit le tout, sorte de renard ou de lémurien sympathique qui suggère de suite l'empathie. L'univers d'Etienne Saglio est fantastique, discret monde enchanté qui trouble et sème le désordre, la surprise, l'incongru. Il est aussi magique tendrement sans tambour ni trompette, sans effet, gags ou machinerie de sensations fortes incroyables. La poésie de cette forêt qui recueille ses souvenirs en "flash back" est tendre et charmante. Un enfant s'y colle autour d'un feu de camps sorte de diorama magique qui fait une lumière chaude orangée. C'est le refuge des rêves et d'une utopie salutaire. Les arbres sont de véritables sculptures contemporaine à la Pénone, debout cependant. Atmosphère de songe, de conte où rien n'est dit que le bonheur et la joie d'être "auprès de mon arbre" à la Brassens...Et si tout ceci était vrai, cet amour sylvestre peuplé de souffles de résurrection de verdure, d'animaux qui passent et engendrent douceur et respect. Ce spectacle pour petits et grands se fait radieux et bienfaisant, apaisant, loin des fureurs de temps agités et pas toujours écologiquement corrects.Magie sans fausse réalité copiée ou caricaturée, cette pièce est magnétique, envoutante et hypnotique pour calmer les esprits et faire gouter la beauté d'Ëtre au monde.

Au théâtre du Rond Point jusqu'au 20 Novembre