jeudi 22 septembre 2022

"Hyper concert": L'Imaginaire et Hyper Duo en couple charnel et virtuel...

 


"Les ensembles L’Imaginaire et HYPER DUO, respectivement basés à Strasbourg et Bienne, s’associent le temps d’une soirée. Au programme, un florilège d’oeuvres d’une nouvelle génération de compositeurs et compositrices qui partagent un même sens de l’hybridation et du franchissement des frontières esthétiques : de l’incarnation pop aux écritures contemporaines, du geste instrumental mis en scène au corps virtuel à l’écran, de la pulsation régulière à la déconstruction rythmique… Le concert est aussi l’occasion de découvrir La Pokop, la nouvelle salle de spectacle de l’Université de Strasbourg et du Crous investie pour la première fois par Musica.—"

L’Imaginaire
Malin Bång Hyperoxic (2011):l'air de rien, un duo plein d'oxygène, flûte et micro-mégaphone, pompe à vélo...De quoi évoquer ce qui traverse les poumons des artistes: respirations, souffle à l'envi pour une pièce courte, pleine de vie: premiers cris et derniers soupirs de la vie musicale. L'air comme passeur de sons et d'énergie, d' oxygénation et d'euphorie de la ventilation.Un ballon bleu comme partenaire à lisser du bout des doigts, racler, frôler à l'envi.Joli métaphore du vent, des courants d'air et d'art qui animent ce morceau de choix d'aérobie musicale....


Daniel Zea Toxic Box (2020, nouvelle version 2022)

Deux avatars à l'écran, lisses, confondant de réalisme outrancier, made in pixel et autres truchements de l'image en 3 D...Pas vraiment "esthétiques" ces faciès de poupée Bela, reconnaissables, ceux  des interprètes, modélisés par la technique sophistiquée de nos machines iconiques.En tenue miroitante de circassien, les interprètes prennent la scène et délivrent en live de la musique acoustique! Laqué, or et argent, pailleté, le show se glisse sous les images, transformistes: femme et homme pudiquement torse-nu, créatures troncs, tronquées au profit de jeu de bouche étirée qui dévoilent des dentitions monstrueuses. Avatar bâtard, vernaculaire icône des corps dénudés, insipide image nette et aseptisée d'une musique pourtant riche et florissante. A quoi bon tant de chichis pour épauler de façon lisse, ces corps ternis par la fadeur des contours immaculés. Trio à l'image qui peu à peu va prendre sens dans de belles juxtapositions de tons et d'images de masques, d'objets hétéroclites..A toute vitesse défilent ces tableaux, dignes d'un musée ethnographique, quai Branly de l'électroacoustique: bricolage et science au poing! Le rythme mécanique s'emballe, s'accélère, les images se catapultent dans cette modélisation désuète et démodée-volontairement ou pas- kitsch à mourir!Quand son et image ne se rencontrent pas, l'absence fait irruption dans ce jeu de massacre aux bouches déformées par les impacts percutants de l'électronique. La beauté canonique des "modèles" agace, ces masques de tonneau de vin s'affolent dans la pixilation du montage : hommes et femme tronçonnés par l'acoustique, déplacés, défigurés.Gueules cassées sur champ de bataille des années passées...Grimaces et rictus à l'appui....
L' Imaginaire sur la voie mutante des musiques nouvelles, ne convainc pas vraiment. Ni par ses costumes pailletés et scintillant...
On songe avec nostalgie au travail de N+N Corsino avec le compositeur Jacques Diennet pour des vidéo-danse modelées par le 3D avec poésie et "e-motion capture" , pixels de  haute voltige ! (Seule avec Loup)......

Hibiki Mukai L'Adieu aux sirènes (2022): flûte, piano,saxophone pour une belle osmose entre images vidéo et musique. On se prend au jeu du "visuel", le regard attrapé, saisi par la beauté de couleurs en mutation, de volutes multiples qui ondoient, divaguent, se lovent sur l'écran: de plus bel effet esthétique. Tel un kaléidoscope chamarré, les images se diluent, gracieuses et savoureuses partition d'imagerie "pop"de bon aloi.Tout dégouline, pleure et fond dans l'oeil pour mieux souligner en contraste les effets musicaux plus radicaux.Des visages aussi qui se métamorphosent, en morphing épatant, des masques et toujours de la dissolution qui se répand sur l'écran.Ondes et méandres en mutation.Quelques trolls, mangas ou autres personnages emblématiques de la pop culture: musique panique autant que zen...Des tracés aussi, verticaux en noir et blanc, des mires de couleur, éphémères et un solo de flûte orné de tracés graphiques adaptés à la vertical-horizontal du jeu de Keiko Murakami...Une pièce du plus bel effet visuel pour créer un univers spatial et cosmique remarquable!Danse finale pour se libérer des technologies en ombres chinoises pour la beauté du geste, libéré, débridé!

flûte | Keiko Murakami
saxophone | Philippe Koerper
claviers | Gilles Grimaitre
électronique, régie vidéo | Daniel Zea
ingénieur du son | Jean Keraudren

HYPER DUO
Gilles Grimaitre & Julien Mégroz Cadavre exquis (nouvelle version avec vidéo,
2022) - création mondiale

Petit changement de programme pour Hyper Duo qui nous laisse découvrir le fruit d'une expérience singulière: des cadavres exquis musicaux mis en image par leur complice Emmanuel Vion Dury. Un film fabriqué de douze séquences désopilantes: le jeu des musiciens au service d'une mise en scène aléatoire, faite de situations extrêmes, loufoques, incongrues. Des images phrases pour une interrogation entre rythme musical et rythme de montage. Pour le meilleur d'une fantaisie filmique, iconographie joyeuse d'images en vrac.Le clou de ce "vidéo-clip" hors norme: l'examen de fin d'année de conservatoire musical des deux protagonistes Julien Megroz et Gilles Grimaitre: une saynète burlesque haute en couleurs,costumes, accessoires, décor à l'image de leur imaginaire: cocasse, drôle, décapant autant que savant. Là réside leur art de déplacer les éléments, d'en faire une architecture méritante qui tient la rampe et qui, solide, se livre à nous en toute modestie!Un "objet" nouveau donc rare qui leur appartient et nous laisse augurer de bien des perspectives singulières encore à venir.

HYPER DUO 

claviers | Gilles Grimaitre
batterie | Julien Mégroz
régie vidéo | Daniel Zea et Emmanuel Vion-Dury
ingénieur du son | Jean Keraudren

A la POKOP LE 21 Septembre dans le cadre du festival MUSICA

 

mercredi 21 septembre 2022

"Journal de bord": Alessandro Bosetti: et la nave va!

 


« Il s’agit du journal de bord de ma mère — le début d’un voyage en voilier de Gibraltar aux îles Canaries qui a marqué sa rupture familiale, laissant derrière elle famille et enfants en bas âge, et qui allait durer plusieurs années. En 1978, au moment de son départ, je n’avais que trois ans. » Quelques décennies plus tard, Alessandro Bosetti découvre ce carnet et décide d’en faire la matière d’une autobiographie musicale. Il enregistre sa mère lisant le texte, lui superpose sa propre voix et en retire une pièce au croisement du théâtre musical et du drame radiophonique. Une œuvre très personnelle dans laquelle le compositeur retrace un segment perdu de son enfance.

Un genre bien singulier que cet opus qui nous entraine dans la cartographie sonore et visuelle d'un voyage au long cours, cabotage au gré des péripéties d'un navire, goélette ou autre embarcation de rêve ou de fortune!Conte épistolaire ou journal de bord, voici une aventure haletante ou toutes les péripéties sont contées de vive voix en italien, au flux rapide et efficace: sorte de comptine sonore qui percute dans un rythme affolant, prenant, du début à la fin: on vogue, on chavire , on ne coule jamais dans cette tempête verbale nourrie de véracité, d'authenticité incroyable. L'empathie gagne le spectateur à l'envi et cette ode à la navigation, jamais à la dérive est comme une jolie débâcle de sons, de paroles et de virtuosité d'interprétation. Textes et images défilent comme des calligrammes poétiques et l'on suit cette odyssée avec joie, plaisir et sympathie. Un bon moment inventif et passionnant de navigation légère sur goélette improbable...Un genre nouveau d'écriture, de partition, corps-texte d'une imagerie musicale inédite..Et la nave va bon train!

Au TJP le 20 Septembre dans le cadre du festival MUSICA

 

 


conception, composition, voix et électronique | Alessandro Bosetti
guitare électrique et shamisen | Kenta Nagai
clarinettes, voix | Carol Robinson
percussions, voix | Alexandre Babel

Au TJP le 20 Septembre dans le cadre du festival MUSICA

"Transit" Simon Steen-Andersen, Ensemble Musikfabrik: la leçon d'anatomie..du docteur Tulp !

 


Simon Steen-Andersen aime jouer avec les situations. Invité à composer un concerto pour tuba, il répond en réinventant le genre du concerto — comme il l’avait déjà fait avec son Piano Concerto présenté à Musica en 2020 — et en transformant la vision de l’instrument. Avec TRANSIT, le compositeur danois nous fait tout bonnement pénétrer à l’intérieur même d’un tuba à l’aide d’une caméra endoscopique. S’ensuit un voyage spatial, du pavillon à l’embouchure, au cours duquel le tubiste Melvyn Poore et l’Ensemble Musikfabrik construisent en direct un univers parallèle, une scénographie de film de science-fiction où transitent objets, lumières et flux d’air. Un concert audiovisuel d’un nouveau genre doublé d’une introspection au sens littéral du terme.


 Embarquement immédiat de la plate forme, sur le tarmac ou autre base de la Nasa...Bruits et sons de vrombissement de fusée ou d'avion, on y est dans le bain du créateur, trublion de la scène musicale, escogriffe démiurge du genre...La vidéo comme médium principal dans cette histoire de savant fou aux prises avec une séance de décortication d'un tuba: instrument sacré qui descend des cintres et sera l'objet fétiche de la soirée surréaliste à laquelle nous allons assister. Sur l'établi, un tuba et pour y voir plus clair dans ses entrailles, une caméra fouineuse qui s'insère dans ses tripes et organes. Sur l'écran, les images de cette échographie restituent en direct cette imagerie médicale, au point de rendre réalise la possibilité d'une réelle dissection tant couleurs, matières et bruitage sont ajustés de manière à nous bluffer. C'est drôle et décapant, plein d'humour et les sons de cet orchestre qui joue dans le noir aux pieds du médecin traitant, s'en sort fort bien. Comme des petites mains entourant l'officiant d'une messe pour un tuba défunt ou en réparation. Artisans à l'oeuvre dans un salon de musique réparateur..Ces MOF de la lutherie opèrent à loisir dans un bruit constant et des paroles évoquant un commentaire en direct de cette opération à coeur ouvert.Décollage , vrombissements et autres sons insupportables qui transportent dans un univers extra terrestre et magique..De petits cailloux blancs se révèlent, comiques joujoux calculs rénaux de l'appareil en triste état organique: tel un tunnel pourri et glauque, un labyrinthe d'égout digne de celui de Paris...Voyage au bout du tuba ou de la nuit obscure du tableau de Rembrant...Les officiants de la cérémonie , de cette cène mystique, très spirituelle,comme autant de bruiteurs de film d'horreur au summum d'un "mauvais gout" brillant et savant! A l'IRCAD on s'amuse à disséquer la musique des organes d'un instrument à vent, flatulent et énorme carcasse tripale moisie aux images kaléidoscopiques de toute beauté!Scanner ou IRM, allez choisir votre point de vue dans cette messe basse à la gloire du "vent": l'ascension finale de l'instrument comme un hommage sacré, un rituel incantatoire sur fond de valse viennoise...Une introspection freudienne des tunnels et autres tuyaux pas percés de notre imaginaire. Et notre Salvador Dali de la création burlesque de mettre téléphones et autres crustacés en musique et images pour mieux saisir l'absurde de la situation.La vidéo et la musique en osmose pour un spectacle total désopilant à l'image du créateur!Transit organique digne d'un acte chirurgical inédit!


 


Simon Steen-Andersen
TRANSIT, concerto mis en scène pour tuba, ensemble et vidéo en direct (2021) - création française

direction artistique, composition, électronique | Simon Steen-Andersen
tuba solo | Melvyn Poore
Ensemble Musikfabrik

Au Maillon le 20 Septembre dans le cadre du festival MUSICA