samedi 2 mars 2024

"Rogue 0": ambiance sidérale cosmogonique.Léna Angster performeuse sur planète errante....

 

ROGUE Ø
 
D'emblée l'ambiance se forge: des personnages errent sur le plateau, un décompte se fabrique pour annoncer un décollage imminent, un départ pour un voyage sidéral, intergalactique sidérant. Chacun prend sa place, trouve son "endroit" et le vol est immédiat. Le voyage peut démarrer vers les entrailles d'un volcan en éruption, un gouffre karstique en crevasses tectoniques. La musique omniprésente enfle et submerge, envahit l'espace.Crissements, crépitements, grondements d'avalanche. Tel un feu d'artifice, des braises incandescentes, cavernicoles qui se frayent un chemin sous la console de Raphael Languillat, prestidigitateur tactile. (dont on connait "Poxylena" dédié à lovemusic).Un disque futuriste comme masque pour dissimuler un faciès curieux. 
 
photo arsène ott

On songe au décor de "Entr'acte" de Picabia, avec ces panneaux lumineux métalliques réverbérant sons et lumières signées Raphael Siefert. Une atmosphère constructiviste à la Gabo-Pevsner. S'agit-t-il d'un rituel païen cosmique d'extra-terrestre? L'imagination va bon train pour cette oeuvre performative que l'on s'approprie avec inquiétude, curiosité et empathie.
 Les émissions de voix de Françoise Kubler, discrètes, la clarinette de Armand Angster fusionnent dans ce magma sonore bordé de décibels, volumes et intonations puissantes. Multi médiatique panorama de la création spatio-sonore.
 
photo arsene ott

Le corps d'une des créatures se love sur une chaise gosth, support des ses lentes évolutions voluptueuses. Une combinaison scintillante rivée au corps, des baskets fluo réverbérant la lumière.L'ombre portée aux nues, menaçante, mobile. Elevation ou enlisement au sol sous les singulières lumières vertes et violettes signées Raphael Siefert.Fusion des médias très réussie. Alors que la musique distille des sons acidulés, métalliques comme unisson, sa gestuelle se confirme très plastique ambiant.Des sirènes, des salves, des dérapages sonores font surface et terrain de jeu. Mitraillage, gloussements, chaos en écho permanent. La danse se poursuit au sol, reptation archaïque d'un reptile mouvant.

Face au miroir Narcisse s'exerce à l'identité. Manipulatrice aux yeux lumineux, elle prend possession du corps de l'autre dans un duo tactile. Son exosquelette, architecture de costume de lego sportif opère pour un mystère, un suspens à dévoiler.
Des balancements de bras, tournoiements dans l'espace signent l'écriture chorégraphique de Léna Kubler: habitée par son personnage étrange.Aspirations en spirale qui lui confèrent un caractère d'ogre puissant similaire aux sonorités permanentes.  Elle se répand, fond au sol et face au miroir découvre telle Narcisse, les contours de son existence.Solide dans ses va-et-vient, assurée: elle reprend, répète, s'exerce au jeu de la guerrière amazone, dans un combat volontaire, acerbe.Elle projette, évacue, irradie l'énergie pour forger une créature à la fois innocente et responsable de bien de chaos.Offensive et virulente créature de cette planète inconnue.
 

Des casques-lunettes d'insectes redoutables pour bouclier protecteur. Un duo rassemble les deux protagonistes "femelles", enchâssement de corps singuliers, frôlements magnétiques pour une approche-contact domestiquant, apprivoisant cet autre. Hybride bestiaire fantastique. Cette performance unique est très cohérente, aboutie, en équilibre stable; Au final, les quatre personnages s'allient pour se perdre dans l'observation de cette planète errante, objet de convoitise et de curiosité. Les regards se perdent au loin hors du danger en pluie diluvienne et seul le guitariste Steffen Ahrens demeure fasciné, pétrifié, sidéré.... Puis il s'éclipse...de soleil...
 
 
photo arsène ott

Conception : Lena Angster et Raphaël Languillat.
Composition et électronique : Raphaël Languillat
Chorégraphie , mise en scène et interpretation : Lena Angster
Avec l'Ensemble Accroche Note
Françoise Kubler , voix , Armand Angster , clarinettes , Steffen Ahrens , guitare électrique .
Lumière : Raphaël Siefert
VENDREDI 1er MARS A 20H
Espace Nootoos
6, place Saint-Pierre-le - Vieux


samedi 24 février 2024

"Weepers circus": enfants phares en harmonie...

 

Création 2023

Rock, électro, symphonie… le Weepers Circus a croisé au fil de son histoire une foule d’influences et d’artistes. Aujourd’hui, le combo Strasbourgeois revisite ses titres phares avec un grand ensemble : la Musique Municipale de Reichshoffen.

Le groupe et l’orchestre fusionnent, créant un rock orphéonique et onirique. Les notes subtiles de la clarinette et du violoncelle, la puissance de la basse et de la batterie, les exubérances des claviers et du chant, iront à la rencontre de puissants cuivres.

24_02_24_WeepersFinal-001Samten-Norbu

  Un concert qui fera date en exclusivité au Préo: la réunion inédite d'une formation de musiciens amateurs de haut niveau et un groupe soudé des professionnels de haute voltige, de haut voltage: ça donne de l'électricité dans "le vent, dans l'air" comme les paroles du troisième morceau de la soirée!lUne "dame aux camélias" comme référence de bravoure, des pièces nouvelles, du répertoire: ce que nous offre ce soir-là le mythique groupe Weepers circus . Avec tonus, punch et complicité avec un nombreux public de fans. Les morceaux s'enchainent, au coeur du dispositif scénique les quatre garçons dans le vent se donnent à fond, légende de cette musique entre fanfare, klezmer, moyen orient et autre métissage.Les costumes de scène comme des parures circassiennes de dompteurs de public. Ou de Messieurs Loyal faisant une cérémonie d'ouverture.Tout ceci a bon gout, est plein de saveurs, de décibels tonitruants, de verve et de chaleur partagée. De plus des pipeaux s'inventent en renfort et c'est pas du pipeau!


"Les accords"en mode mineur ou majeur pour satisfaire à un corps à corps en accord avec l'Harmonie de Reichshoffen. Entente cordiale et pacte d'amitié sincère pour cette réunion au sommet des grands de ce petit monde musical chatoyant, bigarré, éclectique. Un très bon moment où même le public est participatif et borde de ses reprises, les musiciens. Weepers circus comme un saule versant quelques larmes nostalgiques sur "l'âge" et le vieillissement: mais pas une ride pour cette formation toujours en devenir. Surtout qu'ils ne se fassent pas "des cheveux", la tonsure se porte bien et est de bon aloi! "No woman no cry" disait Bo Marley....


Avec L’Harmonie de REICHSHOFFEN dirigée par Marc Alber
Le Weeper Circus (Franck George, Denis Léonhardt, Christian Houillé, Alexandre Goulec Bertrand), Mathieu Pelletier
Son : Nicolas Desvernois
Lumières : Manon Meyer
Arrangements orchestraux : François Rousselot

Au Préo le 24 Février 


pour l'historique:

Après le Symphonique circus (rencontre avec l’Orchestre des Jeunes de Strasbourg), le Grand bazar symphonique (fruit d’une création avec l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg), L’Oiseau de paradis (avec l’Harmonie de Saverne), nous nous apprêtons à renouer avec un grand ensemble. A l’invitation de son chef, Marc Alber, la Musique municipale de Reichshoffen (67) nous accueillera pour un concert exceptionnel à la Castine. Elle fêtera à cette occasion ses 125 ans lors d’une soirée teintée de rock orphéonique et onirique. En effet, les notes subtiles de la clarinette et du violoncelle, la puissance de la basse et de la batterie, les exubérances des claviers et du chant, iront directement à la rencontre d’un mur de cuivres à la puissance frontale. De cette union, le public assistera à de nouvelles versions de titres phares de notre répertoire, ainsi qu’à des chansons inédites, écrites pour l’occasion et arrangées par François Rousselot. Illustré par une nouvelle création lumière, poussé par un public en demande de découvertes, la soirée prendra donc l’aspect d’un spectacle total avec des titres souvent très puissants, saupoudrés de moments définitivement sereins.

vendredi 23 février 2024

"Génération Next 1" en immersion: pouponnière ou bassin d'incubation prolixe en création musicale contemporaine prodigue..

 


Strasbourg, HEAR

Premier des deux concerts du collectif lovemusic qui interprète les créations des étudiant·es en composition. Au-delà d’une résidence de composition, Generation Next est une expérience immersive offerte par le collectif lovemusic à huit étudiant·es compositeur·ices tout au long de l’année 2024.

Ateliers, séances de travail individuels et en groupe et répétitions aboutissent à la création des nouvelles œuvres, mais aussi d’un concert et d’un projet programmé et conçu en direct avec les étudiant·es compositeur·ices.

Pour cette première, sont jouées des œuvres de:
 Aurès Moussong avec "Le long rêve de Siyâvas" débute ce concert "inaugural" d'expériences collectives. Flûte, violoncelle, voix et tambour iranien, le "tombak"au service d'une oeuvre très aboutie.Une atmosphère sereine, tranquille, calme s'en détache, flûte et voix en étroite complicité. Parfois fusant de concert. Le tambour en soliste ponctue la composition, la relance après des silences prometteurs. De belles attaques surprennent en fractures ou tenues, en modulations d'amplitude, de volume sonore, de tension..La voix s’immisce, se glisse en langue farsi dans une prosodie à suspens: telle une conteuse discrète et charmeuse. Une sorte de scie musicale borde et prolonge la douceur, la tempérance de l'opus.Une poésie musicale construite par cette inspiration de culture persane très fouillée et rétablie ici pour donner un univers contrasté, fluide et percutant.

Mélusine Wachs succède avec "Pajarillo Leticiano" pour percussion, flûte et violoncelle. Des vibrations singulières issues de petits paquets de graines font pulser l'atmosphère en autant de parcelles sonores, au coeur du trio d'instruments. Des séquences brèves, courtes, pertinentes évoquent comme un chant d'oiseau, en écho et réverbérations sonores.Oiseau du "milieu du jour" inconnu au bestiaire mais si évocateur de futilité, fugacité et autres tenues versatiles d'un chant merveilleux, enchanteur. Une oeuvre courte et séduisante.

Simon Louche & Aquila Lescene avec "Réminiscence symbiotiques d'un changement de paradigme" pour voix, flûte, violoncelle et percussion font une forte impression.Fracas en ouverture, étrange univers dans lequel on plonge de force.Souffle cinglant de la flûte, basse des cordes du violoncelle, traversée aérienne de la voix dans des vibrations communes. Le suspens plane plein de fractures, de vivacité: la voix agonise, racle, râle, s'éteint, s'étonne, rebondit. Bien agencée, rythmée, elle triture le son, surprend, apeure.Le ton est celui d'une fiesta virulente: on y affirme en puissance et en volume, les sons d'une fanfare populaire qui avance, progresse, défile, en marche.Inspiration revendiquée par les deux auteurs complices, composant à quatre mains. Une parade foldingue, débridée en majesté dans une écriture très contemporaine. Les majorettes s'affolent et font du neuf ! Dernier souffle tenu comme coup de semonce inattendu. Du bel ouvrage inspiré par un esprit d'échange, d'attention, de plaisir issu de la fréquentation  des musiques actuelles, revisitant répertoire et tradition.

Au tour de Davide Wang de confier sa création aux musiciens "exécutant" de main de maitre ces créations inédites de "jeunesse" très mature. C'est "Esercizi Di Umamizzazione" pour flûte et violoncelle, percussions qu'il leur confie. Un xylophone clair et limpide, des vibrations stridentes ascensionnelles, des éclats de flûte en ponctuation inaugurent le morceau. Ça fuse ou ça caresse dans le tympan, brèves ou longues tenues en contrastes pour les sons ainsi égrenés.Des revirements, de la  rapidité, précipitation sonore à l'appui ou langueurs alternent à foison. On compte sur chaque note qui prend son espace dans une sous-couche sonore faite de frottements, de grattages du violoncelle. Presque du métal sonore glaçant, puis ludique, joyeux. Ambiance exacerbée, tonique, virulente. Des bruissements menaçants submergent l'écoute. Auréolés de chuchotements pour créer un discret mystère en bribes de mots épars, parsemés de frappe de pics. Univers de confidence au creux de l'oreille pour humaniser notre tendance à écouter des machines vers un bain d'inconscient salvateur.

Irène Rossetti termine en beauté cette soirée de work in progress agrémentée des mots, paroles des compositeurs tous ici présents. "L' Aria et l'oli" c'est la rencontre d'un "petit bidon d'huile" avec la composition musicale. Un bijou d'humour, une "musique à voir et entendre" à la façon d'un Robert Wilson, artiste protéiforme ou du poète Christophe Takos. Les trois instruments au service d'une narration très imagée, aux sons évocateurs de la présence de ce petit personnage charmant. La voix se faisant narratrice, conteuse de bonne aventure, diseuse d'une farce absurde, surréaliste donnant corps et vie à un objet perdu, abandonné. Si attachant! Des mudras indiens habitent la chanteuse, passeuse de récit. Très bien entouré, ce petit lutin prend forme et acte de vie. Du suspens, des silences pour un texte en coupures, haché dans l'espace sonore. De l'air, du vide, de dehors et dedans, des rebonds, des frappes pour créer des images sonores pertinentes. Bruitages qui parlent à l'imaginaire sollicité ainsi par la fantaisie du sujet proposé, abordé avec poésie et doigté, noblesse et subtilité. Élégance au final dans des reprises de tonalités, des répétitions scandées comme un refrain, leitmotiv ou slogan de manifestation. Une pièce servie, comme les quatre autres par le collectif lovemusic dont on retiendra les talents vocaux de la brillante et virtuose Léa Trommenschlager, la subtilité du jeu de la violoncelliste Lola Malique, le souffle inédit de Emiliano Gavito, l'aisance du percussionniste Rémi Schwartz.

Le tout orchestré, introduit et animé par Adam Starkie, monsieur Loyal de la soirée. Les bonnes fées veillent sur le berceau.