mardi 14 mai 2013

"Prélude à la fuite": pas à pas....Au TJP Strasbourg

Un très beau texte de Virginie Schell et Gabriel Hermand-Priquet, prélude au spectacle...

Le printemps se pointe peu à peu.
Comme un danseur de tango déjanté
il alterne grands écarts et folles enjambées
il va, vient, hésite encore un brin
et soudain, avec l’éclat de celui qui sait chauffer la salle,
il envoie à tout va.
Voilà l’hiver ad patres, la Hollande sur les roses,
les couleurs arc-en-ciel, et le bon Dieu au diable…
 
…finalement malgré les aléas de la météo et les atermoiements de l’époque,
le changement se fait pas à pas…
Peu à peu les peaux anciennes desquament
et l’année du serpent d’eau s’avance sinueuse
laissant sa mue contre les pierres du chemin…
 
Si la peau de l’ours étalée aux marchés du palais vous hérisse le poil,
Si vous croyez plus à la poétique des mutations qu’à la politique du changement,
Si, même en ce mois de mai, vous n’en avez cure du vieux conflit entre ours et taureaux
et qu’au fond le retour de ce printemps, si timide soit-il,
réveille en vous des envies de bêtes à deux dos,
Si, dans le foisonnement du bestiaire qui s'éveille,
le museau de la bête immonde qui pointe hors des trous du cortex
vous fait l'effet d'une douche glacée
et si aux bêtes noires vous préférez les ours blancs,
 
Vous êtes encore et toujours les bienvenus
pour faire avec nous les premiers pas dans l’opus 2 de notre
Prélude à la fuite, variations sur la jeune fille dans la glace
dont nous présenterons ce samedi 18 mai à 16h une première étape de travail au TJP de Strasbourg.
 
Et si, comme nous, vous pensez que ces jeux de glaces ouvrent autant les portes de l’autre côté du miroir qu’ils nourrissent le feu sacré
et qu’un reflet bien placé peut parfois mettre le feu aux poudres ou tout au moins faire la lumière même sur les recoins les plus sombres
rejoignez nous à 19h30 au TJP grande scène pour la projection de
court film-poème comme un regard posé
sur les relations tissées autour d’un Ado-marionnette
au sein du lycée où nous avons passé trois années d’intense résidence…
 

"Le cabaret discrépant": "Nouvelles" Strasbourg,le festival en verve!


« LE CABARET DISCREPANT » : en verve et avec tous !
Alors, allons du côté d’Olivia Grandville, ex interprète de la compagnie « Bagouet » qui depuis mène, indépendante,son chemin parsemé de fantaisie, de rigueur et de désir de faire découvrir, textes, personnages issus ou non du milieu de la danse. Après sa visite du côté de Kurt Schwitters pour « Le K de E », la voici se penchant sur les fameux textes de Maurice Lemaitre « La danse et le mime ciselants » : un must de manifeste sur le corps de la danse dans les années 1960, ainsi que les textes d’Isidore Isou, auteur et inventeur du « Lettrisme ». Ce mouvement fait alors son entrée dans les arts du geste et après son passage ni les chorégraphes ou danseurs ne peuvent ignorer que le bouleversement qu’il a apporté à leur art est aussi profond et contraignant qu’en leur temps, ceux de Noverre ou Petipa. Des problèmes toujours neufs s’y posent et l’on remercie Olivia Grandville de ressusciter cette prose délicieuse et pertinente, décapante, très proche du mouvement réflexif actuel qui ébranle la danse contemporaine de façon si salutaire !En compagnie de Sylvain Prunenec, Vincent Dupont, Catherine Legrand, Pascal Quéneau et Manuel Vallade, la voici qui décortique le texte, en fait un vivant manifeste animé par les corps vociférant les mots, les mettant en « geste » en verve ! Cabaret disjoncté, électrique, éclectique, le spectacle est jubilatoire et commence en déambulation pour se clore en salle. On y chemine à travers les textes comme lors d’un tapage nocturne, en liesse, en état de déraison moqueuse, pince sans rire, un peu choqué, un peu rassuré sur l’avenir de l’art et des artistes !Subversif, potache, dissonant, discordant, voici l’état des lieux de la danse d’aujourd’hui aussi. Et le parallèle de se constituer sans heurt avec joie et gaité, intelligence et sagacité, malice et complicité. Du bel ouvrage de « dame » et de « damoiseaux » pour mieux appréhender la suite du festival.
le mercredi 29 MAI à 20H 30 à Pôle Sud
GENEVIEVE CHARRAS

lundi 13 mai 2013

" Festival Nouvelles Strasbourg: "danse-performance": un mariage très "gai"!

Du 21 au 31 Mai, à Strasbourg et initié par Pôle Sud, le festival affiche une réelle volonté de s'ancrer dans le paysage de la création chorégraphique, plastique pour interroger le monde, le "réinventer", le rendre compréhensible, accessible aussi, à tous ceux, artistes et sCeptateurs qui en fondent l'existence dans l'échange immédiat.
Au programme donc un réel festin de diverses écritures, de courants multiples qui attestent de l'inventivité d'une "discipline" indisciplinaire, volontairement!
On choisira , au hasard dans le cadre de "une journée particulière" en collaboration avec le FRAC Alsace, à 15H au musée de la Folie Marco à Barr "micro- événement n° 43 mariages au musée de la Folie Marco, 2013"
Tsuneko Taniuchi délivrera un certificat authentifiant les échanges des vœux de mariage de qui le voudra, avec un homme, une femme.Mariages fictifs peut-être mais avec une valeur artistique, poétique et politique assumée!Et de surcroit fort d'actualité!!!

"Un sculpteur nommé Degas" à la galerie Goldenberg à Paris: du bronze!


Une exposition inédite à la Galerie Goldenberg à Paris; l'intégrale des sculptures en bronze du maître Degas, le "peintre des danseuses"!!!!
Bien sûr des arabesques, une danseuse portant son pied derrière le dos....Des merveilles ainsi qu'une étude pour "la petite danseuse de quatorze ans".

Un sculpteur nommé Degas

Qui aurait cru qu’il sculptait aussi ?
Du 14 mai au 15 juillet 2013, la Galerie Goldenberg présente près de 70 sculptures d’Edgar Degas. Une première en France.
Degas-Danseuse au tambourin-lebonbonparis
Edgar Degas et ses peintures. Edgar Degas et ses pastels. Edgar Degas et ses dessins. Oui, mais Edgar Degas et ses sculptures, vous connaissez ? Pas encore. Du 14 mai au 15 juillet 2013 vous aurez l’opportunité de découvrir ses mystérieuses créations, trop longtemps ignorées par le grand public, grâce à l’exposition Un sculpteur nommé Degas.
Les sculptures qu’il a réalisées – environ 150 – lui servaient plutôt d’outils de travail qui lui permettaient d’étudier le mouvement de ses sujets et de capter la beauté du geste, afin de les retranscrire dans ses tableaux. Il utilisait cire et argile pour modeler ses inspirations, essentiellement autour de la danse et du monde hippique d’ailleurs, et n’hésitait pas à les détruire si elles ne lui convenaient pas.
« C’est pour ma seule satisfaction que j’ai modelé en cire bêtes et gens, non pour me délasser de la peinture ou du dessin, mais pour donner à mes peintures, à mes dessins, plus d’expression, plus d’ardeur et plus de vie. Ce sont des exercices pour me mettre en train ; du document, sans plus. » déclarait Edgar Degas à l’époque. Pourtant à la mort de l’artiste, sa famille a découvert son trésor caché et a décidé de le sauver des méfaits du temps qui passe en faisant couler dans du bronze ses sculptures. En tout, 74 d’entre elles ont pu être conservées, et ainsi passer à la postérité. Pour votre plus grand plaisir.
Degas-Petite danseuse14ans-detail-lebonbonparis
Un sculpteur nommé Degas
@ Galerie Goldenberg
140 boulevard Haussmann
75008 Paris
M° Miromesnil
Du 14 mai au 15 juillet 2013
Du lundi au samedi
De 11 heures à 19 heures

A voir absolument dans un nouvel espace, clair, aéré, digne de ces chefs-d’œuvres. 
A partir du  13 Mai!!!
www.degasbronzes.com
www.ggalerie.com

samedi 4 mai 2013

"Mathilde" danser après tout: avec la BD de François Olislaeger, Mathilde Monnier remonte "sur les planches"!

"Mathilde, puisque te v'la!": te "revoilà, plutôt, grâce à un ouvrage hors du commun, une BD signée François Olislaeger. La danseuse et chorégraphe Mathilde Monnier, directrice du Centre Chorégraphique de Montpellier est le sujet central de la dernière BD de Olislaeger.
Superbe rencontre à l'issue de l'un de ses spectacle où le dessinateur lui demande de lui apprendre à danser!S'en suit une véritable complicité et le désir de dessiner pour lui à partir de la chorégraphie de "Pavlova 3'23".
Une aventure qui se concrétise aujourd'hui par la sortie d'un album où l'on apprend pleins de secrets de fabrication sur les spectacles d’anthologie: "Pudique Acide", "Extasis", "L'Atelier en pièces"où Mathilde évoque sa complicité avec le monde de l'autisme, "Déroutes" à propos de la marche inspirée du "Lenz" de Büchner" et de sa haine pour la marche à pieds!
L'évocation de son travail avec Christine Angot "La place du singe"et surtout avec Philippe Katerine pour "2008 Vallée" est un régal.
Les personnes y sont croquées avec humour et révélées au plus juste.L'atmosphère tonitruante du spectacle de Monnier/ Katerine, on "adoooooore"!Les croquis et dessins noir, jaunes roses et verts crèvent l'écran "Regarder danser les gens" hurle le chanteur.
On apprend beaucoup de choses sur la vie intime et artistique de la chorégraphe: sa philosophie de la vie, du métier de danseur, sur son enfance, ses amis, ses collègues.
Le centre chorégraphique est le "lieu" de départ du récit et revient comme un leitmotiv dans la narration: vaste espace du studio Bagouet, péristyle du cloitre, théâtre. Comme un huit-clos, une intrusion dans l'intime.Les extérieurs sont à l'inverse, immenses comme des cieux aux nuages en forme de cygnes blancs. Prémonition quant à l'évocation de la création sur la mort du cygne de la Pavlova.
Le style du dessinateur varie ainsi selon les chapitres: du noir et blanc, du tracé très fin, à la couleur fla shy, on voyage dans les univers de la chorégraphe avec bonheur dans l'envie d'en savoir plus grâce à l'image, pas à la danse cette fois-ci!
Mathilde remonte sur "les planches" de la BD, Olislaeger comprend tout ceci avec une grande intelligence et beaucoup de sensibilité corporelle.
Belle réussite, connivence garantie entre deux arts très graphiques et spatiaux.

Un spectacle sera présenté lors du prochain festival "Montpellier danse 2013" avec le même Olislaeger "Qu'est-ce qui nous arrive" les 23 et 24 Juin .
En attendant rendez-vous avec Mathilde lors de "Nouvelles Danses" à Strasbourg avec "Twin Paradox" les 29 et 30 Mai au Maillon Wacken

Mathilde écrit : "C'est en 2008, au Festival d'Avignon, que j'ai vu pour la première fois les dessins de François Olislaeger. J'ai tout de suite été frappée par ce travail qui, mieux que la photo, offrait à mes yeux la possibilité de représenter la danse. Non seulement ces images rendaient aux mouvements et à la scène tout leur espace, mais elles permettaient d'intégrer des textes, pour moi essentiels car liés à l'enjeu de mes spectacles. Il existe peu de livres de dessins sur la danse et encore moins de BD. Pourtant, la plupart des chorégraphes dessinent pour mémoriser leurs idées. J'ai senti qu'il avait là matière à un magnifique projet éditorial, un support d'invention et de créativité susceptible de prolonger et d'élargir mon travail scénique…"




Enfance, rencontres, collaborations, hasards, accidents de la vie enflammant l'imaginaire et l'inspiration… C'est le parcours complet d'une chorégraphe de haut vol que retrace, à travers la genèse de cinq pièces essentielles de son œuvre, cet ouvrage graphique hors du commun.
La Ligne Claire d'Olislaeger devient un instrument de précision entre les mains des deux auteurs liés par une confiance absolue, pour mettre à jour les subtilités, les émotions de la création à l'état pur. Comment passe-t-on de la vie à l'art ? Quel miroir nous tendent ces étonnantes chorégraphies qui mêlent sur le même espace scénique toutes sortes de disciplines, musique, littérature, poésie, politique, philosophie, psychanalyse… ? L'humour, la grâce et la fragilité de Mathilde Monnier saisis dans un récit vibrant d'humanité, qui comblera toutes celles et ceux que la danse inspire, transporte et fait rêver.




ouvrage coédité par denoël graphic et le centre national de la danse
parution le mardi 7 mai 2013
format 21x27 cartonné, 176 pages couleurs
tarif 24,90 €

"Rêvolutions": un "tube"! Akosh S.et Jörg Müller en circonvolutions!


A l'initiative de Pôle Sud et Jazzdor, voici présenté un singulier spectacle entre jazz et danse, objet particulier et inoui, preuve s'il le fallait que le jazz se regarde, que la danse s'écoute!
C'est dans le noir que débute l'aventure: sons de souffle, comme ceux d'une éolienne, d'un ventilateur :on le sait, le jazz et la danse ont en commun la respiration, l'expiration-inspiration et ici tout semble réunir ces deux univers sonores. La lumière se fait, laissant découvrir la silhouette statique et hiératique du génial hongrois Akosh S., joueur de saxopohone, inventeur de sons-frissons qui titillent ou assourdissent l'oreille.Aux aguets, donc pour un voyage sonore étonnant, doublé de la présence d'un circassien allemand Jörg Müller, à présent épris de danse contact auprès de Mark Tompkins.... Et ce contact, il l'opère avec cinq tubes sonores suspendus qui vont opérer comme un manège gravitant autour du musicien au centre de l'arène.Sons de cloches, d'horloge qui ponctuent le temps, dessinent l'espace.
Performance que Jörg Müller maîtrise à la perfection: imaginez une course contre le temps, à contre-temps dans l'espace circulaire que ces tubes manipulés comme des marionnettes dessinent, dans l'éphémère, la surprise, le risque total.
Pas de heurt entre ces tubes métalliques qui frissonent dans le vent créé par les manipulations de ce magicien du mouvement.
Prestidigitateur, jongleur?
Il y a un peu des deux dans ce faiseur de sons du corps, virevoltant avec ses objets toujours fuyants. Il esquive, tel un maitre d'art martial, accompagne les tubes qui obéissent à  ses moindres frôlements.
Et quand tout semble revenir à l'ordre, dans le silence, c'est là que les tubes tintinabulent, se heurtent, abandonnées dans leur rythmique propre à une fin de gravitation.
C'est de la "physique" athlétique et performante qui prouverait que le giratoire, la force centrifuge déclame du silence.
Alors que le désordre s'installe quand plus rien n'est dirigé.Le "traité de la marionnette" de Kleist fait ici mouche, argumentant le fait que le manipulateur préfère la marionnette au danseur rebelle et ingérable.
Le saxophone dévoile des sons inédits, du souffle délivré ou contenu, des silences aussi.Une performance qui tient en haleine, en apnée, le spectateur médusé par tant d'audaces très poétiques.
Sans filet, les deux compères tiennent la scène en suspens, dans le suspense d'une narration des corps qui séduit à fond.
Moins convaincante est la seconde partie du spectacle  "Madriguera" qui offre le plateau à deux danseurs Estelle Delcambre et Ivan Fatjo. Musique métissée, enregistrée qui permet aux deux danseurs d'évoluer dans un petit espace de lumière, carré bien délimité, au départ. Petits gestes tétaniques, saccadés, plutôt ludiques, robotisés.Contact danse, poids, poussé-tiré et l'affaire roule sans surprise. C'est bien rodé, bien huilé, sans histoire.
Un amas de vêtements les transforme en autant de personnages morcelés, sans visage, sorte d'épouvantails changeants. Métamorphose qui s'opère au gré de la musique, riche d'instruments très divers orchestrés par Akosh S. .Tambour, cithar, voix, kalimba,bombarde tibétaine....Joli bouquet de sons, belle ambiance sonore !
Voici donc une proposition originale qui berce nos rêves dans une atmosphère à la fois ludique et grave, riche de la "révolution" des planètes autour du soleil!

mercredi 1 mai 2013

"Les Nuits": Angelin Preljocaj "désoriente": un grand-plié pour Shéhérazade.


Il ne fallait pas s'attendre de la part d'Angelin Preljocaj à une relecture de cette fabuleuse épopée que sont "Les mille et unes nuits", conte mythique inscrit de diverses façons dans la mémoire collective.
Ce nouveau pan de l’œuvre d'Angelin Preljocaj s'inscrit dans la lignée des évocations des contes de Grimm avec "Blanche-Neige" ou de l’Apocalypse de Saint Jean avec "Suivront mille ans de calme"; on songe aussi au très beau duo féminin "Annonciation", empli de grâce et d'excellence.
Avec ces "Nuits", le chorégraphe affirme sa réflexion sur l'homme en général , sa condition, sa place dans le monde: l'humanité en quelque sorte.
Ce "métier d'homme", il le recherche en filigrane, en fil d’Ariane dans tout son parcours et cette fois-ci il approfondit ce mythe à l'intérieur d'une pièce fascinante qui exerce son pouvoir d'attraction et de séduction, avec force et détermination.
Tout commence avec l'évocation du hammam, ce milieu de paix, de repos, de soins et de bien-être du corps... féminin.

Dans des brumes de vapeurs qui rappellent les tableaux et toiles d'Ingres consacrés à la fascination pour l'Orient et ses mœurs  intimes, Preljocaj dessine dans l'espace-lumières une calligraphie de l'érotisme des corps alanguis, mouvants; une sensualité faite de mouvements lents, voluptueux, incessants, fluides pour installer une atmosphère de jardins des délices, de paradis, d’Éden retrouvé.
Les histoires et fables se mélangent, l'Orient sourit à cette évocation subtile d'un élixir de jouvence qui se distille devant nos yeux. Incandescence, indécence,obscénité du regard qui va derrière le miroir ou le rideau, découvrir les plus beaux fantasmes du désir. On songe à "Liqueur de chair" et à son onctueux parfums de plaisir avoué et assumé par des corps habités de saveurs et de senteurs indicibles.
La lumière signée Cécile Giovancilli-Vissière est de toute beauté: discrète, évolutive, mouvementée et volubile. Les corps y sont sculptés, et renvoient une luminosité précieuse, ciselée à l'extrême.
L'atmosphère est campée: c'est dans une belle nuit, ô nuit d'amour sourit à nos ivresses" (la Barcarolle) que nous entraine cette évocation de l'Orient
La chorégraphie enchaine ses tableaux, évoquant à chaque fois comme un autre chapitre de ce manifeste de l'humanité.
Sur quatre tapis, les danseurs évoluent en tanguant comme dans une embarcation imaginaire. Les mouvements épousent les rythmes d'une musique des plus réussie, crée conjointement par Natacha Atlas et Samy Bishal, dont les origines orientales révèlent une justesse de ton et d'inventivité hors pair
Même sur les airs empruntés à la soul music de James Brown - "It's A Man's, Man's, Man's World" - les ondulations érotiques, stylisées "cabaret revue strip-tease" des danseuses gainées de bottines rouges et tenues sexy font mouche. Les costumes signés du styliste légendaire Azzedine Alaïa, soulignent discrètement la couleur, le plissé, les volutes de la danse et des tissus qui ondulent, laissent apparaitre et disparaitre les détours du corps. Les hommes aussi se livrent à un show voluptueux et très évocateur de sexe et d'attitudes connotées entre pornographie et désir, entre sensualité et audaces non dissimulée, de postures et signes crus et osés contre "la bonne réputation" ou renommée. La danse ne serait-elle pas aussi cette "muse de mauvaise réputation"?

Duos et trios confirment cette écriture à la fois brutale, hachée, tétanique des gestes d'Angelin Preljocaj, cette dureté sans concession pour le corps et la calligraphie engendrée ainsi dans l'espace. La fulgurance aussi est de mise, autant que la délectation pour le geste suave, délicat, tactile.
La scénographie signée Constance Guisset souligne par sa droiture, ses angles tectoniques un aspect de l'architecture orientale toute d'arche, moucharabié, coupole et découpage ajouré, se jouant des torsades avec les arabesques des corps des danseuses. Tout un vocabulaire, glossaire des mots de la danse et de l'architecture qui renvoie à l'univers fantasmé de l'Orient. Mais dans ces torsades où les danseuses se lovent, s'agit-il de prison, de toiles d'araignée, de soumission ou chaines d'esclaves?
Comme ces corps-amphore, images de parturientes ou évocation de vasques accueillant l’Élixir divin des dieux? Tout concourt à,"dés-orienter" le spectateur, à le propulser hors du temps et d'une fable archi-connue où Shéhérazade s'empare des voiles et obéit à une féminine condition d'esclave.
Le "métier d'homme" est une destinée, une réconciliation avec le monde troublé et chaotique, et Shéhérazade ne pouvait pas mieux que de se livrer aux mains et à la pensée en mouvements de Angelin Preljocaj... Pour mieux se "délivrer" d'une icône galvaudée, d'une fable archi revisitée.


"Les Nuits": une galerie de tableaux de maître dans le répertoire toujours en devenir d'un chorégraphe qui lui aussi touche du pinceau avec élégance et talent.
Serait-il aussi cet écrivain du corps, celui que chante Pascal Quignard dans "L'origine de la danse", ce plasticien du désir , ange ou démon , facteur de nos rêves les plus mystérieux?

Ce spectacle, présenté en première mondiale au Grand Théâtre d'Aix en Provence dans le cadre de "Marseille-Provence 2013", Capitale Européenne de la Culture et coproduit entre autre partenaires par Le Théâtre National de Chaillot Paris et le Festival Montpellier Danse 2013, a trouvé auprès du public un franc succès et un enthousiasme non dissimulé.