jeudi 10 avril 2014

"Rayahzone": les frères Thabet se rencontrent! Nous rencontrent!

Avec leur première création commune, Ali et Hèdi Thabet opèrent à vif dans et au cœur d'un sujet délicat: bien que cela ne soit pas l'idée première de l'envie de narration, celle qui saute aux yeux du spectateur, c'est la beauté et la singularité des corps qui s'exposent à nous. En particulier celui de Hèdi Thabet:l'usage d'une jambe lui fait défaut, mais pas "cruellement" comme on dira dans un parler compatissant!
Ce handicap lui fait franchir des montagnes,lui, circassien, jongleur de toute sa peau!
D'abord dans ce décor de cour de casbah, il fait irruption, masqué d'un crâne d'animal, affublé de ses deux béquilles, ces "cannes anglaises" en aucun cas maquillées en accessoire de scène.Et il évolue en compagnie de ses deux compères, à l'aise, avec cinq appuis qui lui font inventer une gestuelle prolongée, avec ses membres antérieurs prothésiques.Sauts, figures libres, acrobatiques, portés, rien ne lui échappe pour affronter l'espace, la pesanteur et les corps des autres dans une danse contact brillante, athlétique, virtuose. Performance? Certes mais tout ce discours préliminaire s'éfface au profit de l'abandon de ces béquilles pour arriver à la liberté de son propre corps.
Le décor, mur et porte, palissades, échafaudage est un beau tremplin d'inventivité: vertiges garantis, sensations de danger...Immédiats!
Là réside la beauté du geste, les appuis réinventés,la fluidité des prises de corps, le gout du risque, les sauts, les clins d’œils circassiens à ses deux comparses qui le soulèvent, l'emportent, le ravissent!
Tandis que cinq chanteurs, percussionnistes psalmodient des litanies soufies, hypnotiques....Pour mieux nous plonger dans une cour du miracle, un bain de jouvence de gaieté, où chacun se surpasse pour communiquer, rencontrer, vivre et jouir de toutes les facultés requises pour danser, à tout prix, de tout corps.
Vivre avec la "fiancée", mourir avec la "femme" qui emporte ses secrets dans la nuit des temps.
La Tunisie embaume l'encens, inondée de musique de rythmes, de voix qui murmurent ou éclatent , vibrent à l'unisson.Et ce soir là à Pôle Sud à Strasbourg, le public fait corps dans une belle ovation, chaleureuse, conquise, instruite!Plus que jamais, sollicité pour réfléchir, briser ses aprioris, s'étonner encore de tout ce qu'il ne connaissait pas jusqu'alors!

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