vendredi 4 novembre 2016

"Le temps et la chambre": l'esprit des lieux


Alain Françon met en scène au TNS , le texte de Botho Strauss traduit par Michel Vinaver dans un décor qui est le sujet, le lieu de tous les ébats absurdes d'une petite population bigarrée très attachante.
Le lieu, le temps de converser et d'agir, le temps d'un spectacle captivant qui ne laisse pas indifférent tant le rythme, le tempo du "récit" y sont manipulés de façon savante et mesurée
Jusqu'au moindre geste des doigts, jusqu’aux poses chorégraphiques, arrêts sur image miraculeuses.
Alors le suspens, l'absurde opèrent à la vue et à l'écoute de ses destins qui se croisent, en couple souvent, complices ou déchirés, amants ou aimants détestés, femme sauvée des flammes ou héros de pacotille
La population de cette "chambre" très changeante, est multiforme, polissonne, poly- sonne, polychrome et multi- directionnelle! Qui donc est cette "chambre" berceau des intrigues qui se métamorphose à chaque étape ascensionnelle: en salon mondain et bourgeois, couleur grenade, boisée sombre, baie vitrée où filtre des lueurs incertaines ou très vives?


Une colonne au centre du décor qui parle, deux fauteuils club qui se déplacent au gré des situations et vivent en réceptacle, les aventures fumeuses des protagonistes, une femme qui détourne le temps et falsifie les événements prédestinés: où va-t-on dans cette antre maudite, matrice de tant d'aventures avortées, décalées, passionnées ou humiliantes? Une chambre qui devient salle d'attente où s'étripent des postulants à un entretien de débauche, un appartement à échanger, un salon , une alcôve d'amour baudelairienne, un halle d'accueil d'un grand hôtel, un atelier d'artiste raté?
Décor digne d'une oeuvre de David Hopper,lumineuse, rasante, feutrée, mystétrieuse, énigmatique...
Tout le voyage entrevu par le trou de serrure de l'antichambre, qui elle aussi se métamorphose au fil du déroulement de ses tableaux successifs qui s’entrelacent si bien comme les maillons d'une chaîne irréversiblement tendue entre les hommes et leur destin.
Fatalisme, déterminisme? Non la liberté d'agir pour les femmes surtout semble opérer et laisse le temps libre à cette "chambre" claire, chambre noire, de tout genre et de toute espèce!
Les acteurs s'y glissent aisément, Jacques Weber en Julius désabusé, Gilles Privat en Olaf impatient ou fataliste, Dominique Valadié, provocante, agaçante "collègue"
Musique au poing, la pièce navigue entre absurde et provocation, interdits et règles transgressées dans la beauté et l'efficacité d'un décor-acteur, présent, matrice et berceau d'actions palimpsestes d'un théâtre de la cruauté, mesurée!
au TNS jusqu'au 18 Novembre

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