mercredi 19 juillet 2017

Danse au Festival d'Avignon IN : quand la danse dénonce, elle soulève les corps !

Avec les deux pièces des artistes d'origine africaine "Unwanted" et le triptyque "Tichelbé", "sans repères" et "figninto, l'oeil troué", le festival donne corps à la position politique des artistes chorégraphes engagés sur le plateau à dénoncer le pire dans la plus audacieuse démarche: danser le pire pire pour faire jaillir  le meilleur.

"Unwanted" de Dorothée Munyaneza


Le corps en miettes
C'est un manifeste de toute beauté que cette terrible évocation des viols et atteintes à la personne au Rwanda que nous soumet la chorégraphe, imprégnée, façonnée elle aussi par cette histoire; récits de femmes pour base de travail, tout ici rencontre l'humain, l'horreur, l'inimaginable Les blessures évoquées y sont déchirures et marquage à vie dans les âmes dans les corps meurtris des victimes de la barbarie.Et que deviennent ces enfants de la honte, ces mères porteuses de créatures engendrées par des tueurs....?Une femme raconte, danse dans un décor sobre, une immense image tendue à détruire pour la faire disparaître: celle d'une femme comme une icône sacrée à vénérer pour mémoire. "Faire entendre les silences et voir les cicatrices de l'Histoire" son credo est ici au cœur du sujet qui touche dans une scénographie et dramaturgie tendue, une atmosphère d'attente, de suspens tant l'horreur est proche, menaçante, hélas réalité. On sort bouleversé, sans mot ni commentaire déplacé....

Spectacle triptyque" Danse Afrique Subsaharienne"

"Tichèlbè" de Kettly Noel
Soulèvement.
Dans un décor de tôles ondulées cuivrée, elle apparaît, femme, solide, robuste, belle. Esquisse une danse lovée, fluide, extrêmement virtuose. Enfile des soutient-gorges par gageure, symbole d'un certain asservissement et ornement du corps de la femme, se fait femme objet, tentant.Femme qui rapidement se confronte à la présence d'un homme, celui avec qui commence un combat vigoureux
Elle résiste à ses avances, ne cède pas, ne plie pas: il persiste, insiste frappe les taules, rageur, atteint dans son machisme. Dans des portés très lyriques et fougueux, elle gagne, harcèle, le mène par le bout du corps.Il la crucifie la malmène, la femme jamais soumise, libre au final, ôte ses soutiens gorge, vit, sourit. Ibrahima Camar en rebelle de barricade, campée dans son personnage, sur une musique inventive, tonique comme la danse. Victoire du féminin sur le masculin , elle lui arrache le t-shirt, le frappe, se soulève et gagne en crédibilité et reconnaissance. Elle le porte comme un trophée de chasse et le message est clair!

"Sans repères" de Béatrice Kombé


Chimères
Reprise d'une oeuvre de la chorégraphe disparue, par Nadia Beugré et Nina Kipré, la pièce met en scène quatre étranges personnages, sorcières de carnaval, créatures maléfiques, chapeaux "pointus" et longues chasubles noires.
 A l'unisson commence la danse,dans une rage malicieuse, elles dissimulent une férocité grandissante qui se révèle en se dénudant, laissant apparaître des tenues plutôt sport et jambières protectrices!
Sauvagerie, violence négritude au poing, dans la révolte, elles font corpus, corps massifs sculpturaux, puissants, impressionnants de vitalité La rigueur de l'écriture chorégraphique, danse africaine parfois, danse massive, de poids sur une musique active et pertinente. Ce récit de corps féminin s'inscrit dans le cadre d'une défense avérée revendiquée pour une communauté féminine, noire, libre, libérée de assujettissement et du joug masculin.

"Finito-L’œil troué" de Salia Sanou et Seidou Boro


Retour aux sources
Reprise d'un trio emblématique, toute envergure extatique offerte aux corps canoniques de trois danseurs: cet opus ravive les mémoires et la passation des rôles opère: Aux prises avec l'espace, la chaleur, ce trio basé, inspiré par la terre, le sol, le sable, la fraternité fonctionne à plein.
Aguéris à des performances virtuoses, torses nus, les hommes, matériau brut de la danse se donnent dans des mouvements limpides et fluides. En image finale, une jatte déverse sur le danseur en bord de scène, du sable, éclairé par un faisceau lumineux, bravant l'obscurantisme, l'aveuglement, le noir.
C'est magnifique et apaisant, comme un sablier qui distillerait le temps qui passe sur les corps, les caressant doucement de leurs pépites minérales.

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