lundi 8 octobre 2018

"Partage de midi" : quand l'amour s'échine .....et ne rompt pas !



Création au TNS - Texte Paul Claudel - Scénographie et mise en scène Éric Vigner - Avec Stanislas Nordey, Alexandre Ruby, Mathurin Voltz, Jutta Johanna Weiss.

 Partage de midi est une des pièces les plus célèbres de Paul Claudel. Trois hommes et une femme sont au croisement de leur vie. Ils ont connu l’échec et se rendent en Chine dans l’espoir d’un nouveau départ. Le metteur en scène Éric Vigner retrouve dans cette œuvre toute la puissance du théâtre oriental, où s’invente un langage « sacré » pour explorer le mystère de la vie, de l'amour et de la mort. Il choisit la version de 1906, où le jeune Claudel fait de la femme qu’il a aimée une figure mythique et où il insuffle à ses personnages sa quête d’absolu.



"Un voyage initiatique, prendre le bateau pour aller vers l'inconnu" des aveux du metteur en scène.
L'oeuvre revet un caractère très dense, fervent et passionné. Les quatre personnages, durant cette traversée au long cour, rivalisent de singularité, d'identité : elle, Ysé est magistrale, forte, sensuelle dans ces trois phases du décor qui semblent la magnifier. La voir frôler le rideau de perles, immense, du second volet, tout en basculant de tout son corps dans sa robe à crinoline noire, est un moment fatal et intense qui sert la dramaturgie, juste et pertinente.
Alors que les hommes qui l'accompagnent dans cette aventure, Mesa, incarné par Stanislas Nordey, implacable amant, à la diction pondérée, rythmée par une langue puissante, lui procurent un écrin qui la révèle.
Le jeu est remarquable chez chacun d'entre eux, dosé, jamais emporté par un récit pourtant dogmatique, quasi de l'ordre du sacré. Les costumes, seyants s'alignent dans cette veine sobre et symboliste.
Le décor, en trois phases les enrobe sans les écraser, et un paon, dessiné au sol, s'enroule sous leurs pas, figure majestueuse d'un port corporel, altier et droit.Entre le parler, le parler-chanter et le chant, le texte comme au théâtre oriental distille musique et cadence, éveille la prosodie et permet un état d'écoute singulier
Pondéré, le jeu est sous le signe de la touche discrète d'un langage recherché, châtié que Claudel cultive pour nous révéler des êtres en tourment, en amour , de chair et de foi "qui crient en direction de Dieu sans obtenir de réponse".
Ce "démon de minuit", cet appel à la sensualité sourd du corps de Ysé, remarquable Jutta Johanna Weiss, vêtue d'atours sombres, rehaussés de crinoline qui tanguent sur le pont du vaisseau et voguent dans le souffle des mots.
Un singulier personnage inanimé, factice géant guette et veille sur ce microcosme dans une plasticité de carton pâte qui dénote. 
Il était une foi , un cérémonial partagé, le temps du déroulement de la pièce, pour une assemblée de spectateurs, pèlerins, fidèles et croyant à la magie du théâtre!

Au TNS jusqu'au 19 Octobre



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