Trop spontanés pour être des adultes, les trois personnages convoqués sur scène sont aussi bien trop inhibés pour être des enfants. Ils s’épuisent à répondre à l’appel et être à la hauteur de la situation : sauver le monde ! Un peu démunis, un peu ridicules, ils échouent à se transformer en super-héros. Mais ces figures extravagantes inventées au siècle dernier et qui habitent encore nos imaginaires sont-elles vraiment des modèles ?
Porté·es par le souffle des enfants et l’énergie de la danse, les trois apprenti·es sauveur·euses tentent de se relever, de se débarrasser du superflu, de faire sortir d’elleux quelque chose de plus essentiel, de plus fondamental, de plus léger aussi. Et si c’était ça le secret pour réenchanter le monde, retrouver cette fantaisie et cette liberté de l’enfance ? Convaincue de la place à donner aux paroles des enfants et à leur créativité innée, Kaori Ito chorégraphie ici son premier spectacle adressé au jeune public. Pour ce faire, elle a recueilli des confidences d’enfants en s’appuyant sur un théâtre ambulant d’origine japonaise, le Kamishibaï, théâtre de papier pour lequel elle a dessiné et écrit une histoire, lue par Denis Podalydès. La maison des secrets raconte un monde qui marche à l’envers que seuls les secrets des enfants peuvent sauver. Comme un rituel de passage, ce Kamishibaï précède la représentation du spectacle.
Un petit théâtre de Kamishibai accueille le tout jeune public rassemblé dans la "maison" du TJP de la Petite France: un lieu désormais voué à la création de spectacles "fabriqués" pour les tous jeunes acteurs-auteurs-spectateurs du théâtre "vivant". Une merveille de conte imagé où les icônes merveilleuses de Kaori Ito se succèdent et circulent comme un livre ouvert sur le monde. En voix off le conteur renverse le monde et nous éveille à la beauté des choses environnantes. Loin du guignol appuyé de notre bonne culture ce joyaux esthétique et narratif enchante et surprend: histoire de franchir les frontières et découvrir d'autres mondes...à l'envers du décor.
Suit dans la petite salle du dessous le spectacle en boite noire animé par trois conteurs-danseurs en jogging banalisé. Ils rêvent avec nous de dévoiler des secrets, ceux des enfants, enregistrés en réel qui sortent de la boite d'un vieux téléphone à cadran lumineux. Plein de verve, de punch et d'énergie, nos trois lascars férus de découvertes, curieux, s'adonnent à la danse. Un très beau solo inaugure la pièce, entre burlesque, danse d'expression et danse buto. Sans far ni caricature, le mouvement est profond, ancré, expressif. Valeska Gert ne le renierait pas. Place à l'échange avec les enfants avec "une composition" chorégraphique inventée in situ et en l'état, reprise à l'unisson par tous dans la salle. Ca marche par mimétisme et empathie naturelle. Les costumes sont multicolores et bigarrés, joyeux et fantaisistes: une mue salvatrice, chrysalide ôtée des vêtements sportifs de départ. On quitte l'uniforme pour le sauvage et beau. La danse revêt un aspect animal, au sol, à terre, vagabond et primitif. Les trois danseurs complices et fraternels. La musique les soutient et les transporte en commun pour nous régaler de rythmes et notes d'humour. Kaori Ito touche là où ça fait mouche: dans nos coeurs et rêves d'enfant, dans nos peurs retranchées ainsi partagées. Belle réussite allègre pleine d'enthousiasme et de créativité chorégraphique à l'image de ces figures fantastiques du théâtre Kamishibai ressuscité.
*CITATION TEXTE INSPIRÉE DE PINA BAUSCH
INTERPRÈTES MORGANE BONIS, BASTIEN CHARMETTE ET ADELINE FONTAINE
DIRECTION ARTISTIQUE ET CHORÉGRAPHIE KAORI ITO
COLLABORATION ARTISTIQUE GABRIEL WONG
Au TJP jusqu'au 20 AVRIL
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