« SO-BO-GEN-ZO »: restez zen !
Zen attitude
Pour cette performance inédite, Josef Nadj , artiste multi-directionnel réunit un petit panel d’artistes qui se mettent en péril constant pour incarner méditation et univers japonais sans l’ombre d’un hermétisme. Contemplation garantie!
De culture hongroise, né à Kanjiza, en Vojvodine, dans l’actuelle Serbie, Josef Nadj arrive à Paris au début des années 1980. Il y découvre la danse et fonde sa propre compagnie en 1986, «le Théâtre Jel».Inspiré des souvenirs de son village natal, son premier spectacle «Canard Pékinois» pose les jalons d’une œuvre aujourd’hui internationalement reconnue. L’œuvre d’un alchimiste de la scène qui marie comme nul autre le geste, la musique et les arts visuels, tout en laissant infuser dans les corps la puissance d’évocation de la littérature. Parallèlement à ses chorégraphies, Josef Nadj dessine, peint, photographie, sculpte. Son œuvre plastique est aussi riche que celle qu’il destine au plateau. On y retrouve ce qui fait l’originalité puissante de son univers scénique, entre danse et théâtre, ces visions en constante métamorphose où les objets, les corps, les gestes semblent à la fois très anciens et inédits, tragiques et burlesques, mis en mouvement par le souffle de la poésie et de l’ironie. L’actuel directeur du Centre Chorégraphique d’Orléans a souvent été l’invité du festival d’Avignon dont il fut l’artiste associé en 2006, donnant «Asobu» et «Paso Doble».Dernièrement avec «Les Corbeaux», il livrait en Avignon, une performance plastique et musicale en compagnie d’Akosh S.qui stupéfiât par l’audace de l’engagement physique du peintre-chorégraphie doublement investi dans le geste pictural et dansé, sur des musiques improvisées!
Quatuor pour deux danseurs chorégraphes et deux musiciens improvisateurs, «Sho-Bo-Gen-Zo» se réfère à l’histoire du Japon. «La vraie loi, trésor de l’œil» se revendique de l’œuvre du maître Dogen qui fonda au XIIIème siècle l’école sôtô du zen. Un texte passé au crible du langage corporel qui donne naissance à la première image du spectacle: l’apparition d’un samouraï en armure curieusement interprété par une femme. Une vision excessive du Japon d’autrefois est campée sur le plateau. Un continent, l’empire du soleil levant va se rêver devant nous, comme présence de l’ici et maintenant, philosophie revendiquée par l’attitude zen. Entre le présent et un ailleurs lointain, l’ambiance onirique de cet univers extrêmement étrange dessine les contours de cette performance unique musique-danse.
Accompagné de la contrebassiste Joelle Léandre et du poly-instrumentiste Akosh S., Joseph Nadj se fraie un chemin complexe dans l’espace en compagnie de Cécile Loyer, en duo chorégraphié, le temps de six tableaux, comme autant de saynètes composées pour l’occasion, architecturant espace et temps à la manière d’une œuvre hybride, fragile. L’emboitement des séquences, qui s’articulent comme des poupées gigognes, enchâssées et modulables, fait qu’on y circule comme à l’intérieur d’une méditation. Ici et nulle part ailleurs, dans le temps présent, le flux et le reflux du geste dansé, recueilli, éphémère aussi. Les corps seuls nous parlent, sans mot, sans parole pour plonger dans ces formes scéniques proches des miniatures Koan, dont la fonction traditionnelle est d’éclairer sans le verbe, ni l’expression commune de la parole.
Tel un recueil de miniatures enluminées sobrement, les gestes composent un glossaire inédit, inouï de petits mouvements précis, brefs, concis, à la facture proche de l’orfèvrerie. Les sons se mêlent aux images et Nadj, en plasticien aguerri depuis ses expériences ave Miquel Barcelo, trace à l’encre de chine des signes, volutes, courbes et autres traces comme une calligraphie réinventée, métamorphosée par le geste dansé qui les initie. Danseur, peintre, performeur hors pair, Nadj s’impose comme un écrivain nouvelliste de la danse, compose des partitions corporelles rehaussées par la musique improvisée, désormais compagne incontournable de son processus de création. Les quatre protagonistes de cette intervention performative se donnent dans l’instant, chacun puissant et inventif, puisant au plus profond l’énergie nécessaire et salutaire à leur art respectif. Sans jamais emprunter à l’autre la spécificité de sa discipline. Zen, certes, mais jamais obscure ni inaccessible, leur trajectoire est commune et délivre une compréhension du monde, simple, sans sophistication ni maniérisme. « Faire sien le monde » et le partager, sans jamais expliquer mais en communiquant l’essence d’une attitude de vie, qui frôle sans cesse l’art et la manière d’être au monde. Sobre, présent, actif et contemplatif à la fois. Passeurs, transmetteurs de valeurs ancestrales, traditionnelles et si contemporaines à la fois !
Inspiré et s’appuyant sur les textes de Dogen, ensemble ils rendent visibles par leurs tableaux successifs, l’univers du zen, lui restitue les sons et le souffle de la vie immédiate. Œuvre en chantier, le spectacle se présente en l’état d’une forme en devenir, comme l’œuvre littéraire du maitre zen. Il creuse le texte, le morcelle plus encore pour en faire surgir la voix de l’auteur et son questionnement obsédant sur la nature humaine et la marche inexorable du destin. Avec son style alchimique: l’art de faire apparaitre et disparaitre corps et objets, l’art de créer des images fortes et inoubliables…. Paysage d’une destinée irréversible, le spectacle résonne comme une légende et pose au premier chef la question de la détermination, du destin. Mimiques, gestuelle proche d’un théâtre du mouvement dansé, la pièce est riche de textures et de sensualité. Les quatre personnages baignent dans une fiction, proche de la réalité enluminée cependant de la poésie triviale d’une composition mordante à souhait. Nadj excelle dans la narration à travers les corps et nous rappelle que la danse n’est autre qu’incarnation des sensations et pensées pour faire avancer les propos artistiques sur le monde.
Geneviève Charras
« Sho-Bo-Gen-Zo » à Pôle Sud les 1, 2, 3 et 4 Février 2011.
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