Danseuse ange suspension photo: J.L.Hess
« PUSH » : Du grand art chorégraphique Quand Sylvie Guillem, au summum de sa carrière, interprète librement les chorégraphies faites pour elle, sur mesure, par Russell Maliphant, la danse prend toute sa dimension d’intensité et de trouble, entre exécution sacrée et acte rituel, entre interprétation sublime et événement unique. Cette soirée composée de quatre pièces, toutes chorégraphiées par Russell Maliphant réserve bien des sensations de vertige et de virtuosité. Trois soli et un duo pour ces deux monstres sacrés de la scène chorégraphique. De Sylvie Guillem on retient qu’elle fut l’une des interprètes fétiches de Noureev, le célèbre danseur russe alors directeur artistique de l’Opéra de Paris (1984). Il lui offre l’opportunité d’affirmer son talent et sa personnalité, à 19 ans alors tout juste nommée danseuse Etoile. Elle dansera à ses côtés Le Lac des Cygnes, Giselle, Cendrillon, Kitri et Raymonda. Après avoir travaillé pour Balanchine et Maurice Béjart (pour qui elle danse le Boléro et le Sacre du Printemps), c’est Jérôme Robbins et Robert Wilson qui la demandent ainsi que William Forsythe qui lui offre le rôle principal dans « In the Middle, Somewhat Elevated » en 1987 à l’Opéra de Paris. Pour Sylvie Guillem, il s’agit d’un exercice salutaire qui l’amène à dévoiler de nouvelles facettes de son talent. Libérée du carcan de la danse classique, elle révèle sa capacité à interpréter un répertoire plus contemporain: elle débride son énergie, joue avec les déséquilibres et révèle sa prodigieuse souplesse. Quand l’étoile file vers Londres où elle devient l’artiste invitée principale du Royal Ballett, c’est pour mieux voler de ses propres ailes et définir ses choix. Outre le répertoire classique, elle manifeste également un réel intérêt pour la danse contemporaine en interprétant des chorégraphies qui lui permettent d’exprimer son originalité et son sens de la provocation: dans « Herman Scherman » de William Forsythe, avec la « Carmen » de Mats Eck…. et la voici à présent aux mains de Russell Maliphant. « Solo » ouvre le bal sur une musique de Carla Montoya et démontre s’il le fallait encore que Sylvie Guillem se frotte à tous les genres, ose toutes les techniques pour mieux les sublimer et les faire oublier. « J’ai plaisir à faire ce que je ne sais pas faire » avoue-t-elle avec modestie autant que fierté. C’est bien ce qu’a décelé en elle le chorégraphe britannique Russell Maliphant qui dès 2005 lui dédie un solo « Two » et un trio avec William Trevitt et Michael Nunn « Broken Fall ».Une révélation tant les deux artistes semblent faits l’un pour l’autre dans une complicité et une connivence artistique sans heurts et toute en surprise mutuelle. « Shift », le deuxième solo de la soirée est dansé par Russell Maliphant sur une musique de Shirley Thompson: un solo plein de subtilité, très « masculin » en regard à la féminité intrinsèque de Sylvie Guillem. Avec« Two »on retrouve la force et le lyrisme de Guillem, magistralement éclairés par une architecture lumineuse qui nous la dissimule ou la révèle à l’envi. La danse s’y fait sculpture du corps, matière première à pétrir pour sublimer le corps exceptionnel de la danseuse. Les métamorphoses s’y succèdent comme par magie dans les ombres révélées de sa musculature très particulière et dessinée par les faisceaux lumineux. Enfin, le bouquet final « Push » réunit les deux stars filantes sur une musique d’Andy Cowton. Là, le souffle du spectateur est coupé, dans une apnée salvatrice qui oscille entre hypnose et rapt. La danse y rayonne de bonheur et de virtuosité dans une sobriété digne des plus grands interprètes. Russell Maliphant dégage un véritable talent d’écrivain de la danse, mêlant ingéniosité dans la gestuelle et créant pour Sylvie Guillem, des figures et postures inouïes, des attitudes inédites, des torsions gymniques invraisemblables, véritable nouvel abécédaire, glossaire d’un langage toujours réinventé. Du très bel ouvrage de grand couturier de la danse, taillant du sur mesure pour un monstre sacré en sempiternelle mutation. La « Guillem » se prête au jeu avec une extrême générosité, une féroce curiosité de tout ce qui est neuf à se mettre sur la peau ! Geneviève Charras « Push » au Grand Théâtre les 29 et 30 Mars à 20H
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