Annette Messager: une artiste singulière, unique, investit le MAMCS de Strasbourg pour évoquer un "Continent noir", un vaste territoire consacré à plusieurs installations inédites et quelques oeuvres à découvrir en "avant-première" dans son œuvre prolixe, plus connue pour son univers de peluches fantasmées. Mais ici, elles sont quasiment absentes, justes là pour être crucifiées à l'aide de rubans millimétrés, histoires d'être dépecées, ouvertes, épinglées à nos rêves disséqués, colorées, encore quelques part vivantes lors de nos jeux d'enfants: n'en jetez peluches!
C'est d(installations dont il faut parler.
La première salles est investie par des vêtements suspendus, évidés, d'où les corps sont absents.
Autant de crysalides qui flottent dans le vent puksé par des ventilateurs bruissants dont le son et le souffle envahissent la salle.
Comme une "salle des pendus" dans les mines, comme un vestiaire de l'Opéra de Paris où les costumes descendent des cintres...
C'est fantastique et onirique: on s'y balade éperdu, pensif et charmé par tant de gr^ce évanescente et spectrale. Fantômes à la divine présence, animaux étranges, corps flottants, tutu, tissus de couleurs s'animent et prennent vie sans chair, sans textures pour les habiter.On songe au travail du chorégraphe plasticien Christian Rizzo de l'association Fragile,avec l'installation "100°/° polyester, objet dansant (n° à définir) "L'origine de ce projet "objet dansant à définir n°" vient de l'envie de pouvoir présenter une danse où le corps-matière est absent. Le chorégraphe confiait: "Je
voulais rendre visible une idée "dansante" qu'un temps de contemplation
/ hypnose amènerait à un cheminement imaginaire et/ou à une réflexion
sur l'absence… la volonté aussi de réunir mes activités principales
(mouvement, costume, son) en un seul et même projet.
L'image du vent
dans les rideaux à l'heure de la sieste,l'idée des fantômes de
chacun,le livre de Paul Virilio esthétique de la disparition,(peut-être
certains mobiles de mon enfance), m'ont accompagnés et m'accompagnent
encore aujourd'hui sur cette pièce. objet dansant à définir n°... est un
projet qui tient sur la fragilité et la simplicité de la proposition.
Il
me paraît donc important de recontextualiser objet à chaque
représentation. ainsi, l’accrochage / le temps / le déroulement / la
matière sont modifiés en fonction du lieu architectural."
« Des robes siamoises rattachées par les bras sont suspendues au-dessus d'une allée balisée de ventilateurs. Pendant que la musique électronique décolle, la paire de robes ondule au gré de l'air"...
Il y a une belle connivence entre ces deux artistes pour cette chorégraphie de l'absence!!
Puis on passe dans l'exposition aux salles consacrées à ces "Continents Noirs" univers singuliers, espaces dédiés à une architecture chaotique apocalyptique, suspendue comme autant de chauves souris au dessus de nos têtes.La tectonique de l'ensemble évoque un monde de science fiction, imaginaire à souhait où se catapultent des formes noircies, comme carbonisées et figées dans un espace temps arrêté, comme la ville de Pompéi, pétrifiée, immobilisée par une catastrophe.
Mais ici demeure une certaine sérénité, un apaisement que l'on retrouvera dans la seconde installation "Sans légende". Comme un univers lumineux où sculptures, amoncellements et alignements de cônes, de formes à la Giacometti: un chien ère dans ce monde étrangement noir, son ombre circule grâce à une sorte de lanterne magique qui tournerait pour révéler la magie d'un rêve.
"La petite série noire" vient clore le parcours de l'exposition: elle rappelle l'installation du couvent des Cordeliers à Paris, où Annette Messager mettait déjà en scène le souffle, le vent, l'apaisement. Un voile de plastique léger et transparent révèle à l'envie autant d'objets noircis comme échoués sur la plage, sur la grève. Lentement, le voile se gonfle, se tend, se détend sous la respiration de la tenture transparente. Le temps y est suspendu, la méditation peut s'y installer.
Entre autres œuvres exposées, ces balais aux masques de carnaval, ces tutus noirs comme des "cygnes noirs" en tarlatane inspirés aussi de la "Petite danseuse de quatorze ans "de Degas. Habillées de réels tissus, vivantes, ces figures au pantin, cette tombe noire entourée de tarlatane évoquent la chute, au sol, la paix, l'immobilité, le recueillement.
Annette Messager se livre ici et orchestre un parcours sombre mais jamais pessimiste ou dramatique. Une scénographie nous guide dans son univers, "miroir aux alouettes" sans jamais nous éconduire où nous égarer.Les oiseaux sont là aussi comme une menace, planant au dessus de nos t^tes.Mais le charme et la poésie du tout nous font voyager hors du temps dans des territoires à explorer comme des pionniers à la recherche de mystères à déflorer.
Messagère du vent, ancrée dans le noir d'un tracé ferme appuyé, l'artiste navigue à l'envi dans un monde extra-ordinaire.
jeudi 11 octobre 2012
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