Ghost spell song .
Janis Joplin, c'est un mythe, une pop star sulfureuse, une chanteuse, une révoltée.
Benoit Lachambre, chorégraphe canadien nous offre sa rencontre avec cette musique si évocatrice de déraillements, de voie sans issue, de voix de "garage", de beauté atypique et sans appel.
Le voilà avec 8 danseurs du ballet Cullberg pour une aventure chorégraphique inédite, une rencontre des plus alléchantes entre deux artistes, à vif, écorchés et sensuels, épris de liberté.
"Un monde de tristesse et de beauté" hante ce performeur, qui a toujours développé son adaptation à l'imprévu.Un immense travail sur la voix éraillée, vibrante de Joplin, se révèle à la lecture des corps des danseurs, traversés par les musiques de cette icône du funck, du folk, de tant de métissages musicaux La lenteur, la pesanteur de l'écriture chorégraphique souligne l'audace du créateur et de son approche fidèle de l'univers de la chanteuse.Celui pour qui le "mouvement absolu" serait "une simple respiration" évoque ce chant de sirène comme une alerte, une alarme au besoin de tendresse."trop souvent perçue comme un ennui, alors qu'elle devient pour moi, une nécessité".La physicalité , l'énergie qui sourdent des corps dansant serait sa griffe, sa marque de fabrique qu'il transmet aux danseurs du ballet de Stockholm.
Tout commence à la vue du spectateur qui s'installe en salle. Les danseurs sont là, sur le plateau, immobiles, silencieux;Vêtus de tenue de sport, sweat-shirt, cagoulés.Hip-hopeurs de banlieue, calmes avant la tempête que semble pressentir ou désirer, un public archi nombreux ce soir là au Maillon Wacken...
Un curieux dispositif scénique laisse à voir supports métalliques et boites en carton
Peu à peu le plateau s'anime, le public encore éclairé se tait. Silence, préssage de tumulte.
Dans une lenteur impressionnante chacun des danseurs cagoulés bouge et manipule des pancartes où des mots s'inscrivent:"listen", "inside"....."Ils bâtissent un mur de pancartes, s'échangent ces mots écrits.Puis surgit un trio détonnant à la danse fulgurante. Les trois escogriffes enlacés se lancent, liés, dans l'espace comme enchainés, dans une folle diagonale époustouflante. Les corps se trainent, se tiennent les uns les autres. Un sedond trio fait de même. C'est étrange, dérangeant: ils se suportent comme des béquilles qui les feraient tenir debout.La musique a surgi: c'est bien du Janis Joplin, musique, voix et paroles enflammées, rock électrique, galvanisant!
Le calme revient et comme autant de spectres, les figures incarnées se collent aux cloisons, glissent ensemble, compactées (on songe à Wili Dorner ou Sacha Waltz) dans une danse-contact, libre, douce, déliée.Toute la pièce oscille entre tentation d'hystérie et désir de lenteur, de pesanteur soutenue par les appuis, le sol qui se plait à offrir aux danseurs un terrain de jeu pour mieux ramper, se répandre, fondre. Mourir?
Peut-être, se liquéfier pour mieux rejaillir le temps d'une bribe de chanson, comme un appel au secours. Ces spectres cagoulés aux vêtements amples sont nonchalants, décontractés puis se rétractent dans une fougue et une verve hallucinante Fantômes du monde dégringolant de Janis, effondrement d'une société abimée, déchue, anges de la peste contagieuse de la drogue ou tétanie des corps contaminés, cabossés....
On songe à plein d'images dans ce spectacles superbe et rayonnant de la virtuosité des interprètes.
On reste sans voix au final, le show est trop court, la magie de la nostalgie a opéré.
Ce soir là, le public partagé, enchanté, ébranlé ou lessivé a vécu une fois de plus une expérience très physique, forte et remarquable.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire