Les lumières dans la salle s’éteignent. On tourne. Action ! Les doigts cabriolent dans un merveilleux décor miniature, les caméras voltigent et dansent, une voix raconte. Le cinéaste Jaco Van Dormael (Toto le héros) et la chorégraphe Michèle Anne De Mey réalisent un film en direct, sous nos yeux.
Cold Blood est un voyage poétique peuplé de Fingerspitzengefühl (doigté) et d’inventions visuelles époustouflantes. S’amusant des rapports d’échelle, les mains dansent dans les maquettes de cinéma alors que nous découvrons en même temps une autre histoire, un hors-champ grandeur nature que l’écran éclaire, un road movie au hasard de sept destins, comme observés par un ange bienveillant. Le spectacle explore le minusculement petit, arpente des nano-mondes où la vie s’observe à travers un kaléidoscope"
Dans des décors lilliputiens, les mains s’enlacent et se délassent, se touchent et s’en vont, reviennent avant de s’évanouir pour de bon. Un voyage où chaque spectateur plonge dans des sensations éphémères qui s’avèrent inoubliables."
Et que la mort est belle! Mort aux trousses, main dans la main avec la camarde, nous voici embarqués pour un voyage aux enfers ou au paradis, avec Orphée et Euridice: surtout ne vous retournez pas, et comptez jusqu'à trois pour pénétrer le pays du rêve: et pourtant vous êtes bien éveillé !
On est sur scène, dans un studio de cinéma: travelling décor, caméra louma...Silence, moteur, ç a tourne! Alors on assiste en direct à ce qui se trame derrière le miroir, regard ob-scène sur l'envers du décor: la fabrique des images opère en présence de onze techniciens, à vue qui comme des manipulateurs de marionnette vont faire surgir le mouvement sur l'écran en devant de scène: la magie de Robert le Diable! Car si magie et cinéma se rencontre c'est bien ici, déployé dans une fantaisie et une audace étonnante, une poésie tonitruante. Deux petits doigts de la main et le tour est joué: évocation de la comédie musicale, avec comme ballerines pour Ginger Rogers, deux dés à coudre: (qu'il est loin le pays ra plat plat de Bla-bla Land !) Dans une tonalité d'humour décalé, le texte signé Thomas Gunzig, nous guide, nous conduit sur le chemin de petites morts successives, sept en tout qui iront du torride jeu de pole dance, au lavage d'une voiture fantasmée, d'une évocation de Pina Bausch, tâtonnant l'espace, aveugle de Café Muller à travers un décor de vitrage, au Boléro de Ravel de Béjart, incarné par plein de petits doigts avides du danseur plein de doigté !
Les décors: autant de petites scène préparées qui s’enchaînent comme pour un plan séquence ou tout est prêt à l'avance! Virtuosité et performance de ces morts en direct, où l'exigence du rythme est fulgurante, à vous couper le souffle. Dans les studios de tournage, l'équipe s'affaire et se met en péril, la danse transcende le mouvement: qu'elle soit celle des corps ou des doigts, Michèle Anne de Mey s'y révèle une fois de plus, musicienne hors pair, reine de la mise en espace, poète pataphysisienne de l'objet surréaliste qui donne en surdimension toute sa magie.
Les choix musicaux ravissent et nous capturent vers des souvenirs nostalgiques, de Nina Simone à "Sag warum", on plane, on survole le destin et l'univers en avion dans les nuages de fumigènes: tout "opère" à merveille et quand la séance se termine on attend le générique de fin: le rideau tombe sur cet opéra, savant opus de savoir faire et d'imagination débridée. "Cold Blood"ou l'enfer du décor pour un paradis pas perdu où le rêve s'achève: on compte 1 2 3 et l'on retourne chez soi pour continuer le rêve, fermer les yeux cette fois devant tant de grâce !
On songe aux travaux du photographe Frank Kunert "Wunderland"sur les mises en scène d'architecture, exposant ses maquettes et les résultats photographiques bluffant, des paysages en ressortant !
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