samedi 17 mars 2018

Lecture du Pavillon d'Or et regard sur la création musicale contemporaine japonaise n° 1 : "Begaie" !

"Bégaie !!!"
Dans la cadre du festival Arsmondo, dédié au Japon, l'Opéra du Rhin présentait une "lecture du Pavillon d'or et un regard sur la création musicale contemporaine japonaise." (Hosokawa - Mayuzumi – Takemitsu - Yuasa – Zender)
Ce concert-lecture avec des extraits du Pavillon d’or de Mishima lus par Stanislas Nordey (acteur, metteur en scène et directeur du TNS) fut un événement marquant.
L'Ensemble Saito présentait cinq pièces en regard aux cinq choix de lecture, en alternance et en grande "correspondance" baudelairienne.
Au "premier chapitre", commence l'histoire ce ce "bonze bèque, qui se "débat comme un oiseau en proie à la glue et ne peut ouvrir le bec.Sans contact avec le monde extérieur, il souffre de ce handicap et les sons lui échappent. Cette langue très "sonore" du texte enrichit le ton du récit où se plonge le comédien-lecteur.Que disparaissent tout les témoins de cette tare, de la honte qu'il ressent ainsi fait de sa "bouche" d'où rien ne sort !
La pièce musicale de Hans Zender, Lo-Shu VI / 5 Haikus (flûte et violoncelle) fait suite au récit en longues tenues des deux instruments, en ponctuations de rythmes dans une belle osmose.Douceur des vibrations des cordes, piquées, frappées, pincées qui résonnent en écho de la flûte: souffle cinglant, percutant en accents préssés dans l'urgence de de rudes montées en puissance.Touches légères de vent.
Retour au texte, à l'évocation du père puis  revient le temps de  la musique, celle de 
 Toshiro Mayuzumi, Bunraku (violoncelle) : une intrusion en solo pour une oeuvre riche en staccati brefs, bruts, en gammes saccadées. Très oriental et sensuel.L'intervention fougueuse de l'archet en pizzicati et frottés dans les graves suggère une ambiance étrange.
Retour à  l'intervention parlée où le texte prend toute sa dimension sensuelle et érotique: des seins tous blancs, de la neige, des paysages fort bien décrits ou évoqués. Le Pavillon d'Or comme berceau de toutes les intrigues, comme architectures envahissante, omniprésente pour notre héros subjugué.Par le personnage puissant, hiératique, immobile qui prend ainsi corps 

L'oeuvre de Jooji Yuasa, Cosmos Haptic (piano) résonne, percutante en écho au texte. La reprise d'un thème, décliné à l'envi, quelques notes isolées, interrompues, dessinent une ambiance chaotique ou douce, très contrastée. La musique, ferme, volontaire, déterminée, assurée retentit Quelques divagations, courses, et l'on progresse, avance sur un chemin que l'on défriche, glorieux, résonnant.

Stanislas Nordey nous revient, pour "bafouiller" "bouche bée", et nous conte son apprentissage de la flûte, l'art de tenir l'instrument et de faire naître ce son divin, affaire de technique: les "pieds bots" de sa rencontre, les deux handicaps réunis, se parlent, se comprennent. S'annulent avec ses propos sur la musique.
On enchaîne sur le morceau de  Toshio Hosokawa, SEN I (flûte): solo magnétique et virtuose, vent sifflant, ascendant, allègre et vive composition, égrenée de voyelles, agitations et mugissements qui sourdent de l'instrument...Comme autant de respirations, comme dans un combat, une lutte. Quelques caresses du sons du bout des lèvres, puis des rafales de souffle: à vous le couper !
Retour ultime du lecteur-conteur pour clore sur la musicalité de ce Pavillon d'or qui occupe tout le texte par sa présence impérative et obsessionnelle qui revient toujours à la surface Objet de toutes les passions et interrogations du héros : tuer ses pairs pour se libérer et vivre dans la beauté de la muse de la musique: ce pavillon d'Or assurément, temple d'or, fief des orpailleurs en quête de beauté., d'érotismec;
Pour clore la soirée, la pièce de Toru Takemitsu, Orion (piano et violoncelle) fait suite et couronne le tout.Sons langoureux, étirés dans l'espace, petites notes fines du piano, ambiance menaçante, grondements des frappes du piano. Un duo de rêve, très onirique et flamboyant, dans des forte puissants, submergeants. Le temps y est suspendu, étiré, prolongé; de beaux passages nostalgiques et fougueux pour dessiner des paysages subtils. Puis un appel à la mort, dans l'épuisement qui éteint ainsi ce spectacle audacieux: correspondance intime entre texte et musique qui s'appellent et se répondent trois heures durant: une performance singulière, une rencontre fort réussie entre la voix du comédien et tous les passages évoquant l'émission du son, la place de la Musique dans ce pavillon doré de rêve!

A l'Opéra du Rhin le vendredi 23 Mars

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