mercredi 15 mai 2019

"Le colonel des zouaves" : un lapin agile, coureur de jupons!


"Le Colonel des Zouaves est un roman d'Olivier Cadiot paru en 1997 et mis en scène par Ludovic Lagarde. Seul en scène, Laurent Poitrenaux fait naître le monde intérieur de Robinson − majordome habité par l'obsession de la perfection. Non seulement il ne se révolte pas contre son asservissement, mais il s'acharne à le rendre toujours plus subtil et raffiné. Assailli d'images et de fantasmes insensés, il s'invente des missions et chaque geste, chaque parole entendue, le fait basculer secrètement dans un monde délirant, dont il se vit comme le héros. Ce spectacle a été fondateur de vingt ans de collaboration entre ces trois artistes sur la figure de Robinson, jusqu'à Providence, présenté au TNS en 2017."

Il faut la vivre, plus d'une heure durant, cette empathie avec le comédien, si proche du spectateur, dans un décor tout de gris, à la manière de son costume, sorte d'uniforme seyant, les cheveux gominés, plaqués,raie au milieu, le visage blafard.
Curieux personnage, héros d'un monologue, soliloque étrange où les mots sont dits, éructés, prononcés avec tout le brio des contrastes, modulations qu'inspire le texte truculent d'Oivier Cadio.
Les gestes sont précis, comme enluminés par un phrasé chorégraphique qui borde la syntaxe textuelle: grammaire des gestes à la Odile Duboc qui en signait à l'origine la mise en mouvement, la chorégraphie des pleins et des vides, la grâce de l'abandon autant que de la maitrise
Jamais de mimiques ni de mime, mais une évocation feutrée et lisse des espaces corporels à dessiner, à vivre, à calligraphier sur la scène.
Autant de personnages, autant de postures, attitudes ou pauses.
Du coureur de fond, au dépeceur de lapin, du serveur de café, funambule et orpailleur de l'équilibre instable, on se régale à deviner les personnages, à les atteindre grâce à l'évocation très physique de leur présence, verbale, charnelle. Il flotte et s'envole, silhouette découpée dans le noir, il conjure le sort de ces êtres cyniques, au verbe sans concession, à la verve littéraire sans gêne ni obstacle au bon gout , à la bienséance bafouée. Un miroir réfléchissant comme rideau de scène, des éclairages, tantôt douche, tantôt subtils contours du corps du comédien-danseur, et c'est le débit de la voix qui charme séduit, heurte.
Un écho, burlesque rémanence, vibrations sonores étranges, vient doubler les effets de voix. Pour créer toutes sortes d'ambiances, spatiales, sonores, pour amplifier le dramatique; le drôlatique  de cette espèce humaine sarcastique, vénéneuse ou simplement humaine.
Poitrenaux en homme suspect de bien faire, sans une fausse note pour une performance, respirée, aux mains et bras si éloquents que la langue de Cadio n'a jamais autant été accompagnée par une musicalité, un rythme physique si perspicace
Il fait le "zouave" sans lasser, figure quasi sculptée comme les attitudes des vierges folles ou chimères des cathédrales englouties!


Au TNS jusqu'au 24 Mai






Texte Olivier Cadiot
Mise en scène et scénographie Ludovic Lagarde
Avec Laurent Poitrenaux
Musique Gilles Grand
Lumière Sébastien Michaud
Costumes Virginie et Jean-Jacques Weil
Avec la participation artistique de Odile Duboc
Coproduction CDDB Théâtre de Lorient – Centre dramatique national, Le Carreau – Scène nationale de Forbach
Avec le soutien de La Comédie de Reims – Centre dramatique national

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