jeudi 6 juin 2019

"Cabane" : à vos palettes!

Hôjô-Ki "Notes de ma cabane moine" D’après Kamo No Chomei.
Production et création Pôle Culturel Le Diapason. 
"Quand je me suis installé ici, je pensais que ce serait tout à fait transitoire, et voilà déjà cinq années ont passé. Ma demeure transitoire a vieilli elle aussi au point qu’à l’auvent une couche épaisse de feuilles mortes s’est accumulée et que les bois des fondations sont couvertes de mousse. A l’occasion, des nouvelles de la capitale m’arrivent d’elles-mêmes, et depuis que je me suis retiré dans cette montagne, bien des personnages nobles sont morts ; à plus forte raison innombrables sont les pauvres gens sans titres qui ont disparu dans cet intervalle de temps. Qui sait, de plus, le nombre de maisons détruites par les fréquents incendies ? Ma baraque provisoire est la seule à demeurer hors de tout souci".
Récit autobiographique d’une limpide simplicité, "mémorial plein de fraîcheur et de sentiment que l’on pourrait comparer aux livres de l’Américain Thoreau", comme l’a décrit CLAUDEL, les Notes de ma cabane de moine, rédigées en 1212, s’ouvrent par le constat de l’universelle précarité de la vie humaine.

Il erre déjà sur scène dans l'obscurité où l'on devine un décor de débâcle, palettes de bois entassées à la Kawamata, débris jonchant le sol, atmosphère d'après tempête, le calme revenu
kawamata

Dans le noir une voix off démarre le récit, ponctuée de sons de crayons griffonnant, de percussions de la main de l'artiste-plasticienne que l'on découvre, plein feux au fur et à mesure. Sur un écran en fond de scène, les graffitis, les lignes se forment crayonnant des sommets de montagne, en autant de traces, lignes, points. Alors que le récitant, assis à sa table conte l'histoire des pensées d'un homme ravagé par l'âge, le temps mais porté par la poésie d'un texte magnifique sur la précarité, le cataclysme, la tempête qui à décimé son paysage, mental autant que physique, géographique. 
A cette lecture répondent en direct dessins et musique pour ourler de leurs énergies sonores et visuelles, ce cataclysme évoqué qui frappe le pays et l'âme d'un vieillard
campé par Frédéric Solunto, juste ce qu'il faut dans l'évocation de l'effondrement physique, de la déchéance irrévocable d'un homme blessé par le sort. Égaré, hésitant, chancelant. Au graphisme, c'est CatL Meyer qui s'y colle, en kimono de geisha, sobre présence, debout devant son pupitre, puis invisible, traçant sur un paravent fictif de sa main surdimensionnée les à-coups, chocs et moments de grâce de ces mots. Paroles chargées de dramatiques instants de vie, de réflexions alors qu'un oud en silhouette, ombres chinoises,égrène ses sonorités dramatiques en autant de plaintes discrètes. La musique reprend le dessus avec l'oud de Nicolas Beck qui vibre aux sons de la voix du comédien-lecteur. Il hésite, se reprend ou cavale au galop pour accélérer sa chute ou son passage dans l'au-delà.
Personnage malveillant, acariâtre ou simplement témoin de ces catastrophes climatiques qui nous renvoient à notre propre position dans l'espace et le temps.
Cabanes évoquées par ce "sage" celles qu'il affectionne et qui ne sont plus que ruines ou tas de palettes, de lattes de bois.
Cabanes pour se réfugier, échapper au tsunami, à la conquête de l'homme sur la nature qui se déchaîne pour se soulever, protester; La rage des coups de pinceaux pour encore souligner cette défaite, cette embuscade qui mène à la mort, à la vie?
La mise en scène de Stéphane Litolff approfondit simplement ces états de corps dans l'espace ravagé. Une estrade se bâtit, tremplin de fortune, architecture de survie à la Shigeru Ban ou scène de tous ces malheurs confondus où des fleurs, des arbres resurgissent, en images, en panneaux lumineux laissant filtrer la lumière promise.
Silhouette-arbre, marionette manipulée...

SHIGERU BAN


Les mains de la plasticienne maculées de rouge, froissent une toile virtuelle, de sang tachée....Percussions de ses gestes en autant de petites touches de graphisme alors que l'homme solitaire et sa maison démontable pour éternel nomade, s'échine à raconter ce monde qui bascule avec lui.
Ou se tenir si ce n'est aux murs provisoires comme Charlot dans "La ruée vers l'or"..
Un peu de gestuelles zen pour notre anti- héros qui sombre sur son paquebot immobile devant une toile expressionniste,aux noirs appuyés...
Serions- nous chez Laban ou Wigmann, dansant le tragique, la peur, la guerre, l’effroi avec ses tons oscillant du rose fleuri, au noir tendu, grave.

Au diapason à Vendenheim les  5 et 6 Juin

Mise en scène et scénographie : Stéphane LITOLFF – avec Frédéric SOLUNTO : jeu, Nicolas BECK : musique et CatL MEYER, dessin en direct et décors. Création lumière, son et vidéo: Yann SCHWOB- Photos : WAYNE D’OZ- Costumes : Valérie DURAND


cabane de Buren !
cabane marie amélie germain
cabane rue des fourmis waydelich raymond

1 commentaires:

Unknown a dit…

Il est très beau ton texte et il fait le tour de toutes les émotions provoquées par la pluridisciplinarité des dispositifs : lecture, jeu graphisme, musique, silhouette en ombre  «chinoise » . Choix sensible et profond de Stéphane. Un bel ensemble.

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