Comme toujours dans ses spectacles, Serge Aimé Coulibaly se penche sur la société contemporaine, sur les conflits qui la traversent, sur la place qu’y occupe l’individu. Dans Wakatt, un mot qui signifie « notre époque », c’est plus particulièrement notre peur de l’Autre qu’il interroge dans son langage chorégraphique énergique et généreux.
À l’heure où grandissent partout les systèmes xénophobes et les réflexes identitaires, sommes-nous condamné·e·s à réagir instinctivement avec méfiance face à celui que nous ne connaissons pas ? En quoi y sommes-nous conditionné·e·s ? Accompagné·e·s par le trio du Magic Malik Orchestra, au pied d’un rocher et sur un sol organique qui rappelle la terre, les interprètes développent une chorégraphie qui emprunte autant à la tradition qu’au contemporain. Dans le droit fil de l’art engagé, mêlant l’intime et le politique, qui le caractérise, le chorégraphe belge d’origine burkinabé célèbre ici l’altérité et affirme avec force notre liberté et notre capacité à dépasser nos peurs.
Soleil en découpe sur le fond de scène, champ de bataille en ligne de mire, les corps qui jonchent le sol..Le tableau se répète et sort d'un terreau de scories noires, un homme qui n'aura de cesse que de s'ébrouer violemment, faisant voler ces morceaux ou paillettes de terre noire volcanique: comme ces corps qui vont s'agiter devant nous plus d'une heure durant. D'abord statiques silhouettes costumées de couleurs chaudes, de vêtements d’apparat. Pour quelle cérémonie, quelle démonstration de savoir faire virtuose? Un florilège de courses, roulades, déflagrations de corps jetés dans la bataille...Mais sans émotions ni sens dans d’ennuyeuses reprises sempiternelles de gestes saccadés, mécanique infernale lancée pour ne jamais atterrir. Un rocher doré tient l'avant-scène, alors que le trio de musiciens semble envahir le plateau de décibels monocordes, lassants et sans relief. Un solo à terre, vrillé, aspergeant de débris noirs les personnages hiératiques, fait cependant mouche. Rage, révolte, soulèvement ou simple expression de solitude et de violence faite à l'autre..Car les rencontres sont teintées d'hésitation, de haine ou d'attirance malveillante: l'autre, ce "loup" pour l'homme réagit au coeur du propos comme un leitmotiv d'expression de la fuite, du recul. Possession, transes, zizanie à l'envi sur le plateau peuplé de cette horde de dix danseurs: chacun pour soi dans des battements de coeur qui ne réussissent pas à les fédérer. Un solo de chant, désarticulé au sommet du rocher comme une plainte, un appel, une rogation vaine. Un quatuor dans le silence retrouvé, roulades, sauts, bruit des pieds qui frappent le sol: on revient à de la danse primitive, primaire avec soulagement. En apnée ou à perdre haleine, les sursauts de la danse épuisent leur chapitre et le spectateur, lassé de la redondance des propos dansés. Un seul et unique moment magique quand une des danseuse , Marion Alzieu,traverse la scène à la Pina Bausch, errant, cherchant ses repères dans une gestuelle virtuose et unique de tout son corps engagé dans le mouvement qui suit les pans de sa robe... Un homme-monstre, sauvage, de carnaval costumé à la Charles Fréger fait son apparition, esquissant quelques pas maléfiques, beaucoup de personnages propulsés sur scène en mouvements communs ou singuliers, ne font pas une chorégraphie enthousiasmante... L'ascension du rocher, sa métamorphose en immense termitière mouvante sont idées reçues et "déjà vues". Transe en danse et autres gesticulations qui multiplient les points de vue pour mieux s'y perdre simultanément...Que conclure sinon que l'ennui nait de la redite et de la vacuité d'une proposition au demeurant fort généreuse et pertinente: même pas peur, même pas d'empathie avec cette tribu éclectique qui ne parvient pas à se défaire de la musique omniprésente de Magic Malik qui tient le haut du pavé sans tenir compte du quadrillage de la rue, du trottoir où se meuvent en vain les acteurs de cette fresque indigeste.L'engagement et la dynamique ne pouvant faire office de "pardon" à cet opus vivendi fait de rabâchages.
charles fréger |
La compagnie Faso Danse Théâtre a été fondée en 2002 par Serge Aimé Coulibaly.
Dans toutes ses créations, dix à ce jour, le chorégraphe burkinabé,
installé à Bruxelles, explore des thèmes complexes dans le but
d’impulser une véritable dynamique positive.
Son inspiration est enracinée dans la culture africaine et son art est
engagé dans le besoin d'une danse contemporaine, puissante, ancrée dans
l'émotion mais toujours porteuse de réflexion et d'espoir. Il a
développé un processus créatif qui part du principe de la dualité.
Chaque mouvement qui traverse le corps a un contraire. Chaque forme
d'énergie est accompagnée d'une seconde forme. Cela amène le corps et
l'esprit dans un état où l'intuition et l'urgence prennent le dessus.
Son langage fort est universel, il est invité dans le monde entier avec
ses différentes créations (Nuit blanche à Ouagadougou, Kalakuta Republik, Kirina…).
témoignages:
"Tout à fait d’accord ! J’y ai même senti une certaine paresse, de la confusion sur le sens. L’hyperlaxité de certains danseurs finit par lasser. Quelques beaux moments qui ne masquent pas l’ennui et -ce n’est que mon point de vue- des costumes dont le sens m’a échappé mais pas la laideur.Un peu de beauté ne nuirait pas.C’est pour moi l’exemple même d’un artiste trop adulé que son succès initial oblige à un travail qui manque de temps, de recul et « d’infusion ». Le public ne s’y trompa pas et les applaudissements juste polis" .
"Je connais en revanche très bien Magik Malik (depuis 20 ans)avec qui j’ai pu échanger car je le considère comme le virtuose actuel de la flute traversière dans le monde du jazz contemporain.Ce n’est pas seulement un musicien brillant et atypique mais également un humaniste ,je l’apprécie énormément .Je lui ai demandé en discutant « comment tu fais pour ne pas être épuisé car tu as tout donné la? Il a dit « Je le suis « je le trouve généreux et je pense qu’avec ses musiciens ils ont largement contribué à porter en partie ce spectacle ."
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