samedi 30 mars 2019

"Idiot syncrasy" Igor et Moreno.... sont pris d' assauts. Le sot l'y laisse sur trampoline !



"Enfant de la crise, des désirs du temps et de ses frustrations, Idiot-Syncrasy, se consacre inconditionnellement à la joie du corps. Ce duo, qui débute entre chant sarde et jumping, n’est pas au bout des défis qu’il se donne : exprimer des idées par le mouvement, la voix, le son et le design en articulant, crescendo, une action à un saut. L’audacieuse tentative, on le devine, n’est pas sans désillusion et les deux jeunes chorégraphes Urzelai et Solenas, de nous en faire partager les déboires avec jubilation."


Encore en tenue de sport, les deux danseurs.....! Mais où sont les tutus sur les pelouses?






Bref, tapis de danse tout blanc, pendrillons à l'identique, l'idiosyncrasie -tempérament propre et particulier- s'éveille en eux, en nous, une heure durant: kway, baskets et voilà deux chanteurs entonnent à cappella des mélodies folkloriques-corses ?- avec brio et maîtrise vocale.Regards salle pour ces deux escogriffes singuliers, vêtus d'une altérité qui va bientôt basculer dans la métamorphose: celle de deux pantins bondissants, remontés comme une mécanique d'horloge,; ils frétillent, les talons s'élèvent, la pointe des pieds décolle: ils sautent et sauteront encore et encore!
Rebonds, avec pour accompagnement musical, les percussions et claquettes de leurs sauts, répercutions au sol de leurs poids légers.
L'un maniaque, ôte ses vêtements en les repliant, l'autre, désordonné, toujours en sautant, se déshabille en déséquilibre, sans lâcher le tempo et l'élévation sempiternelle.
Ranger pour mieux sauter.
Tels des jumeaux, côtes à côtes, relax, les genoux flex pour mieux amortir les chocs et boire l'obstacle, les voilà embarqués dans une prestation à long cours, imperturbables, incorruptibles: que d'efforts dissimulés pour garder le tempo, la cadence, quelle dépense d'énergie pour maintenir l'attention du spectateur et la tension musculaire!
Nos deux athlètes n'ont de cesse de rebondir sur place, puis en jaillissements dans l'espace ouvert. Un peu d'apaisement et l'on se boit un peu d'eau de vie, que l'on offre au public, dans la salle, toujours épris du mouvement répétitif obsessionnel: le rebond;
Exercice circassien de concours de garçon de café.
La machine est lancée, bien huilée, bien remontée sur piles et fonctionne sans embûche. Sans grain de sable dans les rouages.
Reculades vertigineuses, gestes langoureux, l'automate et son double fait impression et mouche: corps-trampoline, un solo par ci, un duo par là, dans une endurance sidérante, ils tiennent la longueur sans faille, transpirent, et l'on est en empathie cathartique avec nos deux anti héros capables de tout. Face à face, en miroir, ils trinquent à notre santé, pied de nez aux convenances.
Leur nature a changé, ils se sont métamorphosés en bête de cirque dociles et manipulées par des forces extérieures. On n'achève pas les chevaux en danse et les sauts se stylisent en figures classiques en jetés dans l'espace à conquérir, toujours rythme en tête et en chair; Arabesques aériennes de concert, envolées, virtuoses pour ces deux performeurs hors pair. Et que ça saute encore et toujours. En silhouettes découpées, noires sur fonds blancs, en fantômes, t- shirt à leur effigie, les yeux dans le dos....Puis ils s'empoignent, se rejoignent, s’emboîtent pour ne faire qu'un, siamois, félins pour l'autre : pas de fatigue apparente, malgré cette dépense, cette perte que l'on se complaît à regarder: jusqu'où iront-ils dans l'épuisement? Comment se ressourcent-ils?
Ils se cherchent, se poursuivent, se dévisagent: fin des rebonds pour adopter toujours en rythme, d'autre figures, plus glissées: chant final dans la quasi obscurité pour clore en boucle cette prestation périlleuses à vous couper le souffle.
Un beau porté au final, quelques traces et signes d'esquives, feintes et esquisses et ils nous quittent, le torse droit, les jambes qui tricotent encore en rémanence: tout s'écroule autour d'eux dans un grand fracas alors que la machinerie des corps s'arrête en "dernier ressort" de cette course contre la montre, métronome hypnotique et ressassant inlassablement le mythe de la répétition. Le "saut" n'y laisse rien....

A Pole Sud le 29 Mars dans le cadre du festival Extradanse



vendredi 29 mars 2019

"Accusations" par C° WArd/waRD : Ann Van den Broek : le verdict est bon: acquittés!


En anglais surtitre en français 
"Pièce de groupe d'un nouveau genre inspirée par la lecture d'Introspection de Peter Handke, Accusations, prend la forme d'une course de relais hypnotique. Cette étrange sorte de machine humaine donne voix aux interprètes, multipliant les points de vue sur les zones d’ombre de nos humanités. Du texte de l'auteur autrichien, il ne reste que l'essence et la répétition. Entre énergie et humour noir, concert et installation vidéo, la danse de Ann Van den Broek déplace les frontières du théâtre." I.F.

Noir: plateau, costumes, noir et blanc pour les images vidéo différées ou en direct: le ton est donné pour ce sempiternel défilé, marqué au sol par un carré lumineux, néons obligent et un trajet comme sur un podium de défilé: une routine ensorcelante, médusante où huit danseurs, hommes, femmes à parité, se meuvent en alternance
Elle, la chorégraphe fait les préliminaires de ce show érotique;
Bruits de pas, chacun prend position à la queuleuleu et donne une image très singulière de lui-même; tous différents, gabardines ou collants noirs moulants dans des matières au noir scintillants, presque cuir ou plastique.Les attitudes, poses ou postures ponctuées par un lancinant frappement de la musique en live Au barreau des "accusés", chacun argumente, gestes et postures au poing dans un beau parlé gestuel très personnel: on se défend avec agilité et intelligence! Accusé, levez-vous! Relevez-vous !
"Je n'ai pas réussi à " entonne la chef de rang, mi gothique, mi punk et voilà le résultat
Une litanie obsédante qui fait froid dans le dos, un défilé en cadence où l'on frappe, souffle sur les micros, où l'on crie ou s'arrête en poses languissantes, sensuelles. Les visages animés de mimiques discrètes, maquillés, les yeux pétillants. Plaintes orgasmiques : comme une marche martiale, ponctuée par un métronome omniprésent, dictateur du rythme.Reptations animales, toujours dans le sens des aiguilles d'une montre pour les danseurs-acteurs de ce show quasi fantastique. La caméra en contre-plongée fait des plans rapprochés, mouvants de cette faune étrange : bruitages incandescents de folie contagieuse.Sur le ban de ces "accusés", justice se fait, éloquence et plaidoyer des gestes à l'appui!

On est à la Fashion Week, presque chez Victor et Rolf, dans un style néerlandais minimaliste, loufoque et perturbant. Révolution de podium, de matières, de lumières pour cette danse sans transe mais bardée de magnétisme Hitchcockien!
On regarde sur l'écran, ces bestioles humaines défiler une à une, on scrute les expressions avec avidité, excité , titillé par le rythme incessant qui borde l'action.Ca passe et ça repasse, va et vient oppressant, hypnotique: les chauve souris de ce bestiaire mi homme mi animal, réveillent les flux et tendances au mystère.Comme un cortège funèbre, joyeux, burlesque qui n'en finirait pas de faire des pieds de nez à la camarde!
Sur l'étroitesse d'un simulacre de podium.



La marche est répétitive, à chaque fois s'y ajoute un infime détail de mouvement différent: les têtes se cassent le cou, les bras ou hanches ondulent, les regards fascinent .
En secousses, en ébranlements directionnels, à l'unisson parfois, ce petit monde avance, tribu exécutant son rituel païen, sans foi ni religion, mais avec partage et intelligence de ce qui peur "relier". Des voix enregistrées se superposent dans un brouhaha démentiel et l'on se surprend à adhérer à cette ambiance, atmosphère noire de polar punk où l'outre noir comme sur une toile de Soulages fait rebondir fantasme, espace et profondeur des abysses de l'absence de couleur.
Noir c'est noir, il y a de l'espoir dans cette micro société où tension et concentration peuvent s'infléchir en un petit décalé, une chute ou un chassé-croisé de regards.
Accusés, vous êtes "acquittés" !

Au Théâtre de Hautepierre le 29 Mars
Dans le cadre du festival Extradanse, initié par Pôle Sud CDCN

mercredi 27 mars 2019

"Les diablogues" de Roland Dubillard: Un duo nez à nez, d'enfer !

Roland Dubillard (1923-2011), Molière du meilleur auteur pour cette pièce en 2008, se situe dans la lignée des grands auteurs surréalistes français (Jean Tardieu, Jean-Michel Ribes, Roland Topor).
3Il joue avec les mots, les êtres et les situations incongrues dans lesquelles il les place. Dans cette pièce qui est son œuvre phare, il crée une suite de rencontres inattendues dont l’absurdité des propos suscite le rire immédiat.Autant un exercice littéraire comique qu’un duo de clowns fragiles, de clowns du verbe, « Les Diablogues » mettent en jeu deux personnages, Un et Deux, dans la dérision de leurs obsessions : une respiration comique de laquelle s’exhalent des parfums d’amour, de gravité, de poésie.Parés de l’innocence des personnages beckettiens, du goût du verbe classique et de l’amour de la comédie, entre tendresse et pudeur, les deux personnages apparaissent dans un dénuement les rendant aussi vulnérables que têtus, mais toujours profondément humains et terriblement drôles !3
Christophe Feltz, comédien, metteur en scène, mars 2019

Ca démarre sur les chapeaux de roues ce soir là au Café Brant: les deux compères s'attaquent à Freud pour cette "symphonie en levrette" qu'ils auraient aimé écrire, dans la plus belle des dérision à propos de la psychanalyse lacanienne! 
Et "hop" on plonge avec eux, ou plutôt sans eux, ces deux poltrons polémiqueurs et empêcheurs de tourner en rond...En slip ou en caleçon, dans des gerbes de plouf, c'est comme ça qu'on les aime: Dubillard comme muse et inspirateur de connivence joyeuse et absurde en diable! Leur nez n'est pas "boucher" et c'est bien nez à nez qu'ils s'affrontent, bien nés.
D'un ministre de la culture on retient une tête d'andouille et une envie de "décentraliser" la culture dans des "maisons" dans le Centre, le massif central! Excellentes "remorques" tout du long sur les "centres" culturels délocalisés.
Un petit tour chez les métèques histoire de causer de la légion d'honneur: on glisse d'un univers à l'autre à l'envi, les propos se dérobent au profits d'autres sujets qui refont surface quelques sketches après...Les deux comédiens s'agacent, se contredisent ou se complètent, se dérangent et s'importunent pour leur plus grand plaisir et le nôtre.
Un jeu de "ping-ping" taping-tapong avec une cousine Paulette à partager, Arlésienne fantôme: c'est bien rythmé, absurde et surréaliste à souhait.
 Alors on va "décrocher la timbale" avec le dialogue d'un jeu télévisuel ridicule et stupide à souhait où le joueur anti héros gagne toutes les questions à son unique sujet!
La mémoire questionne un spectateur du théâtre Français: les voilà en tragédiens émérites, caricature légère de Corneille ou Racine.
Au tour de Beethoven d'écrire en étant sourd ce qui n'est pas paradoxal, puisque l'un d'entre nos deux compères se bouche les oreilles pour coucher les mots sur le papier
La langue de Dubillard est piégée, pleine d'embûches, de nids de poule et de trottoirs non sécurisés ni stabilisés. Plus de balises ni de marquage sur la chaussée déformée!C'est fin, drôle et distancé, subtil, sur la corde raide toujours.
Des "si" et des "non" en cascade histoire de se contredire en avançant toujours sans patiner dans le vide. Dialogues féroces de salles gosses, fiers de leur papa, qui font du hachi de zizi et vont pleurer dans les jupes de leurs mamans...
Comme des "cadavres exquis" la plume de Dubillard s'entrechoque, se contrarie sans cesse, sans apparemment ni queue ni tête mais avec beaucoup de malice ingénue.
Un excellent moment en bonne compagnie: Christophe Feltz et  Luc Schillinger au mieux de leur forme;
Au café Brant le 27 Mars