"Enfant de la crise, des désirs du temps et de ses frustrations, Idiot-Syncrasy, se consacre inconditionnellement à la joie du corps. Ce duo, qui débute entre chant sarde et jumping, n’est pas au bout des défis qu’il se donne : exprimer des idées par le mouvement, la voix, le son et le design en articulant, crescendo, une action à un saut. L’audacieuse tentative, on le devine, n’est pas sans désillusion et les deux jeunes chorégraphes Urzelai et Solenas, de nous en faire partager les déboires avec jubilation."
Encore en tenue de sport, les deux danseurs.....! Mais où sont les tutus sur les pelouses?
Bref, tapis de danse tout blanc, pendrillons à l'identique, l'idiosyncrasie -tempérament propre et particulier- s'éveille en eux, en nous, une heure durant: kway, baskets et voilà deux chanteurs entonnent à cappella des mélodies folkloriques-corses ?- avec brio et maîtrise vocale.Regards salle pour ces deux escogriffes singuliers, vêtus d'une altérité qui va bientôt basculer dans la métamorphose: celle de deux pantins bondissants, remontés comme une mécanique d'horloge,; ils frétillent, les talons s'élèvent, la pointe des pieds décolle: ils sautent et sauteront encore et encore!
Rebonds, avec pour accompagnement musical, les percussions et claquettes de leurs sauts, répercutions au sol de leurs poids légers.
L'un maniaque, ôte ses vêtements en les repliant, l'autre, désordonné, toujours en sautant, se déshabille en déséquilibre, sans lâcher le tempo et l'élévation sempiternelle.
Ranger pour mieux sauter.
Tels des jumeaux, côtes à côtes, relax, les genoux flex pour mieux amortir les chocs et boire l'obstacle, les voilà embarqués dans une prestation à long cours, imperturbables, incorruptibles: que d'efforts dissimulés pour garder le tempo, la cadence, quelle dépense d'énergie pour maintenir l'attention du spectateur et la tension musculaire!
Nos deux athlètes n'ont de cesse de rebondir sur place, puis en jaillissements dans l'espace ouvert. Un peu d'apaisement et l'on se boit un peu d'eau de vie, que l'on offre au public, dans la salle, toujours épris du mouvement répétitif obsessionnel: le rebond;
Exercice circassien de concours de garçon de café.
La machine est lancée, bien huilée, bien remontée sur piles et fonctionne sans embûche. Sans grain de sable dans les rouages.
Reculades vertigineuses, gestes langoureux, l'automate et son double fait impression et mouche: corps-trampoline, un solo par ci, un duo par là, dans une endurance sidérante, ils tiennent la longueur sans faille, transpirent, et l'on est en empathie cathartique avec nos deux anti héros capables de tout. Face à face, en miroir, ils trinquent à notre santé, pied de nez aux convenances.
Leur nature a changé, ils se sont métamorphosés en bête de cirque dociles et manipulées par des forces extérieures. On n'achève pas les chevaux en danse et les sauts se stylisent en figures classiques en jetés dans l'espace à conquérir, toujours rythme en tête et en chair; Arabesques aériennes de concert, envolées, virtuoses pour ces deux performeurs hors pair. Et que ça saute encore et toujours. En silhouettes découpées, noires sur fonds blancs, en fantômes, t- shirt à leur effigie, les yeux dans le dos....Puis ils s'empoignent, se rejoignent, s’emboîtent pour ne faire qu'un, siamois, félins pour l'autre : pas de fatigue apparente, malgré cette dépense, cette perte que l'on se complaît à regarder: jusqu'où iront-ils dans l'épuisement? Comment se ressourcent-ils?
Ils se cherchent, se poursuivent, se dévisagent: fin des rebonds pour adopter toujours en rythme, d'autre figures, plus glissées: chant final dans la quasi obscurité pour clore en boucle cette prestation périlleuses à vous couper le souffle.
Un beau porté au final, quelques traces et signes d'esquives, feintes et esquisses et ils nous quittent, le torse droit, les jambes qui tricotent encore en rémanence: tout s'écroule autour d'eux dans un grand fracas alors que la machinerie des corps s'arrête en "dernier ressort" de cette course contre la montre, métronome hypnotique et ressassant inlassablement le mythe de la répétition. Le "saut" n'y laisse rien....
A Pole Sud le 29 Mars dans le cadre du festival Extradanse
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