vendredi 1 mars 2019

"Le geste emprunté" de Anne Creissels



Corps contraints, postures forcées, attributs ostentatoires, mécanique implacable, débordements pathologiques : autant de symptômes d'une assignation du corps. Empêchés, limités, ces gestes sont en même temps traversés de désir, car derrière l'oppression, la confrontation à un idéal ou encore l'incorporation des codes, la violence sourde, la résistance s'engage et des subjectivités tendent à s'exprimer. L'art donne à voir les ficelles du corps, interrogeant par là sa prétendue nature et révélant ses identités multiples, sa capacité transformatrice. Ces corps artificiels répondent à l'idéologie prégnante du corps contraint dans laquelle celui-ci - et particulièrement celui de la femme - se voit bien souvent réifié. Corps mécanique, automate : ils dialoguent avec de nombreuses figures tant présentes dans le domaine de la littérature, de la danse ou même des arts plastiques. À quels mythes de la grâce, de la contrainte et de l'altérité « ces gestes empruntés » font-ils écho ? En quoi ces mythes hantent-ils les figures contemporaines ? Ne mènent- elles pas, en retour, à interroger le mythe et à entrevoir, derrière son dessein normatif, son potentiel subversif ? C'est en proposant un savant dialogue entre Aby Warburg et Marcel Mauss qu'Anne Creissels étudie le geste comme un vecteur privilégié d'identité, liés aux attentes sociales, politiques, aux idéologies, au pouvoir, à des mythes et à des fantasmes. Son approche diachronique et transdisciplinaire concilie héritage et contemporanéité, traditions et modernités, à travers des figures parfois grotesques, d'autres fois sublimes, mais toujours poétiques, à l'image du point de départ de cet essai, Der Eintänzer (1978) de Rebecca Horn. 

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