vendredi 22 mars 2019

"Brother" de Marco Da Silva Ferreira : chorus line et totem sans tabou !!


Présenté avec le Point d'eau dans le cadre du Festival Extradanse

" Singulière beauté que la danse urbaine selon le chorégraphe portugais. Appartenance, affection, force extérieure et sentiment de perte, tout s’exprime depuis les corps. Brother fouille dans cette mémoire et fourmille de réminiscences (Kuduro, Pantsula, Voguing). Sonorités dites « primitives » et musique électro, gestes et costumes tissent présent et passé. Une façon, très musicale, de questionner notre rapport à la communauté. Brother ou l’effort constant de l’«être ensemble».



Un solo pour démarrer l'évocation d'une fratrie! On vient bien de quelque part en solitaire, errer sur son territoire pour flairer la danse, l'espace dans le silence: joli paradoxe en préambule d'une véritable cérémonie dédiée à l'éloge du groupe, aux louanges de la tribu, de la meute! Il danse, félin, décalé, les gestes singulièrement découpés, hachés, segmentés, liés par les ondulations en fronton, en avancées comme une architecture tectonique.
Quasi clown triste, mouvements à la "Pulcinella" avec  Nijinsky, ou gestes semi-comiques à la Chaplin: c'est magnifique et inédit!
Sur un rythme de métronome, trois, quatre danseurs s’immiscent dans son monde et relèvent le défi d'une écriture chorégraphique sur mesure, fait maison, étoffe, fibre et tissu de vêtement au diapason.Dans des lumières jaune affirmé, de belles unissons se composent: sept danseurs chaloupent, les genres de danse se mixent, se mêlent en déhanchements saccadés, secoués de tremblements architectoniques. En bleu-gris-blanc quelques démarches de biais en crabe dans des respirations communes, mènent ce bal des créatures hybrides méconnaissables; des mimiques, des adresses au public interpellent ;les visages grimés des interprètes  se jouent des embûches du mimodrame!
Des diagonales se forment en "voguing", alignements d'où pourrait jaillir un chef de tribu, parmi ces pantins déglingués, dégingandés, machinerie de corps bien remontés sur des rythmes live incandescents.Cris tribaux de ralliement pour ce "totem sans tabou" où les figures sculpturales se façonnent, vivantes, aux angles très carrés comme cette danse angulaire, tailladée, découpée dans les espaces corporels. Entrelacs et tricotage des individus qui se fondent en osmose pour mieux se diffracter et jouir d'une identité très "plastique".Des bestioles à pattes, animaux magiques tout droit sortis d'un bestiaire fantastique font figure d'enluminures; circassiennes, acrobatiques, sorties d'un grimoire ou d'un abécédaire, codex à décoder!
L'univers sonore signé Rui Lima et Sergio Martins dépote et sans cesse rythme et anime les corps, galvanisés par ces ambiances magnétiques, aimant irrésistible pour la danse appée, capturée, livrée à ces timbres et vibrations vibratiles.
Belle osmose en temps réel, pour un solo d'une femme éprise de tremblements compulsifs, très contagieux, fébriles, subtils sur le fil du tressaillement
Virtuoses, savants danseurs de formes inconnues jusqu'alors, les interprètes jubilent , en accélérés de mouvements de groupe: profils contre le vent, ils luttent, résistent au souffle, bras tendus à l'équerre, et se déforment à l'envi dans une fresque mouvante telle les nymphes de "L'après midi d'un faune".
Formes en ciseaux, envols athlétiques brassant l'air et l'espace, ils se délivrent, se lancent en courses folles, en sauts, amplitudes des bras comme des ailes de totem, d'oiseaux, libres. Parade de costumes voguing au poing, en paire ou couples étranges, en mascarade carnavalesque rituelle, les voilà réunis en défilé, en chaine solidaire, ombres portée au sol: sauvagerie oblige, très domptée cependant par les rites, faits et gestes constituants d'une communauté: un tour de tête avec un sweat -shirt, lancinant tourbillon époustouflant, dérive et déplace le corps d'un fou, dans la diagonale de ce jeu d'échec brillant
Au final les corps souples se dispersent dans la pénombres, sculptés par une lumière diffuse qui baisse et dans des vrombissements inquiétants.
Le plateau nu et blanc se repose, se calme après la tempête!
Remarquable pièce, ce "Brothers" est une ode à la communauté, fraternelle et  bruissante, à l'altérité qui soude un clan et magnétise les pulsations de vie : la danse c'est "extra-ordinaire": on le savait déjà, mais ici, c'est la confirmation de tous les possibles: fibres et vêtements sur mesure dans la démesure, loin du prêt à porter, au vif des textures entre les plis du savoir-être ensemble

Au Point d'Eau dans le cadre du Festival Extradanse, griffé Pôle Sud!
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