Verre de l'amitié partagé, salle comble pour l'inauguration à la bonne franquette du festival Extradanse....
En préambule, prologue, amuse bouche,un montage d' une savante sélection de comédies musicales tourne en boucle dans la Dansothèque...Un régal très apéritif !
C'est parti pour un marathon salutaire avec la pièce de Pere Faura: "Sweet Tyranny"
Il y a comme un désir de provocation ou de paradoxe dans cet intitulé: on comprendra vite avec le déroulé des péripéties qu'il s'agit bien ici d'un tyran à la tête d'une compagnie de danse esclavagiste...D'emblée le "patriarche-patron"apparaît en salle, se frayant un chemin parmi les fauteuils des spectateurs sous un halo de projecteur, phare, torche poursuite braquée sur lui.
Ce sera la star d'un soir, habillé en footballeur, la boule magique à facette d'une boite de nuit, pour ballon! Il cause: il évoque l’exiguïté des petites salles de représentation où il a fait ses débuts: entravé, confiné, comme "chez lui", cocooning dont il se souvient avec nostalgie: la proximité le hante et il cherche à la retrouver.
Sa philosophie: celle du chiffre Huit que l'on retrouve en danse, dans la métrique de la musique, dans "le huit et l'infini"! Une valse à huit temps? Apparaissent un à un les danseurs de sa troupe, qu'il présente devant deux écrans cinéma qui distillent des images de comédies musicales en rapport avec les filiations chorégraphiques du disco.
C'est un rappel, un retour aux sources des "grands" de Fame, Chorus Line" et autres bijoux du genre. Mais en dénonçant les rouages de cette fabrique de chair à danser, Faura touche et titille, va là où ça blesse et où ça fait mal. Cette danse performance, physique, éprouvante où l'on achève bien les chevaux.
Les danseurs "travaillent pour lui" et cela semble une économie de marché saine et normale. Kitch addict, féru de cette culture populaire, la danse est pour lui objet vernaculaire et il la traite comme telle: des images de travail à la chaine, d'usine, parcourent les écrans, alors que, déchaînés, les interprètes s’adonnent à leur gestuelle mimétique de ces années folles de disco! En leader et chef de tribu, Pere Paura lève le doigt à la Travolta, signifiant son appartenance au clan et sa supériorité hiérarchique. Flashdance au poing! Un striptease comme alibi de la danse contemporaine, et le voilà reparti sur une autre planète sexy en diable: il parle beaucoup, les surtitrages traduisent et l'on a peine du coup à regarder la danse...Prolixe, voluble, beau parleur, Faura donne trop à voir et entendre et l'on perd le fil.
Hooligan de la danse, il rêve de remplir les stades comme au foot, tel un Léon Zitrone, il commente allègrement ses faits et gestes et le comique et burlesque qui en sourdent demeurent délicieux et savoureux. Une cène culte de danse de couple, hétérosexuel, digne d'un concours de haut niveau, dénonce le sexisme. Et la critique du théâtre "participatif" bat son plein quand les danseurs invitent à reproduire les gestes cultes d'une "macaréna" disco!
Des images de brigades et bataillons militaires trahissent la tyrannie de ces danses, en alignement effaçant identité et personnalité des danseurs. Le politique est fort et présent dans cette mise à nu d'un style, d'une époque où concurrence, et arbitrage de pouvoir abusif gèrent le monde du spectacle hollywoodien.
La danse au travail, au "martyr", c'est l'usine et Faura en patron, chef de service brille par son égocentrisme et narcissisme. De très beaux éclairages disco, pour la longue séquence finale, sorte de résumé compacté des danses de cet acabit, inondent le plateau On bascule en discothèque après avoir visité les coulisses de cette fabrique industrieuse de la danse.
On aimerait inverser le rapport scène-public pour monter chalouper sur le plateau avec ses "précaires " du spectacle, évoluant sur un sol jonché de verres en plastique non dégradables. Des images simultanées de ladies sexy, doublant en caricature, ces danseurs assoiffées de rythmes et d'évasion salutaire mais fallacieuses.
Travolta en icône et figure de proue, Faura dénonce irrévérencieux le snobbishness et se fond dans son personnage de manager tyrannique: à venir saluer seul, gardant la vedette, star d'un soir et occultant la présence de ses "esclaves" du turbin: on ne pourra pas saluer l'équipe au complet". Il assume et là, le public comprend la densité du titre de la pièce "Sweet Tyranny" en réclamant l'apparition des interprètes qui n'auront pas le droit de citée, ni d'être cités, numéros et bêtes de scène à concours!
Beau travail de dénonciation et de mise en "boite" de ce phénomène "disco"!
A Pôle Sud le mardi 19 Mars
Dans le cadre du Festival Extradanse.
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