lundi 22 juillet 2019

Le cabaret dansé, chanté dans Avignon Le Off 2019: une bonne cuvée !


"Maurice et la Miss" de la compagnie Sans Lézard
Complices, amis ennemis .....
Patrick Chayriguès en Maurice Chevalier, Hélène Morguen en Mistinguett font tout le charme de cette évocation des amours tumultueuses des deux grands du music hall! On y suit et y apprend plein de détails croustillants sur leur rencontre, leur ascension, leurs querelles ou jalousies, leurs déboires ou leur succès partagés ou contrariés!
C'est vif et gai, truculent et bien mené, aux côtés de Louis Caratini au piano et Stéphane Diarra à la contrebasse. C'est rondement orchestré, dans un rythme tonitruant à l'image de ces deux héros de la chanson et de la danses.Dans une mise en scène de Laurence Causse, pleine de trouvailles de paillettes, de boas et de plumes: on en repart sur les "chapeaux de roue", canotier et bas résilles au poing !
Au Théâtre des Corps Saints


"Louise Weber dite La goulue"
Sans avaler des couleuvres!
Delphine Grandsart est cette femme incontournable du paysage parisien du début de siècle: femme ravagée au début du spectacle, finie et rapiécée dont on va remonter le destin , le cours de sa vie au fur et à mesure. Découvrant la gouaille, la verve, les frou-frous et le charme de celle qui a su faire vibrer le tout Paris, le Moulin Rouge, le coeur de bien des hommes! La voix à peine éraillée, le ton juste ce qu'il faut de "titi parisien" pour une comédie musicale enjouée et sensible.
L'interprétation de la comédienne est remarquable, sans fausse note ni incitation à une quelconque vulgarité: c'est bien campé, solide, déterminé et convaincant: Louise Weber se livre et se délivre dans un solo accompagnée par Matthieu Michard à l'accordéon, dans une mise en scène de Delphine Gustau pleine de charme, de nostalgie et de poésie ravageuse!
Au Roseau espace Teinturiers

"Montmartre, la Belle Epoque"
Fantaisie satierik pour piano et deux bouches
Satie's faction! Satirique!
Un comédien, Jean Noel Dubois, Phoenix arts productions, campe un Satie, stylé, distingué, sarcastique et convaincant, soliste tenant la scène avec l'aide de sa complice Ludmilla Guilmault : tous deux attelés au piano, à quatre mains dans un show habile, malin et satirique. Le personnage principal tirant la couverture à lui, trublion de la composition, habile manipulateur des mots, des titres des morceaux de choix d'une musique décapante, déroutante, audacieuse. Une belle rencontre d'esprits et de charme, très "classe" avec des clins d'oeil participatifs bien venus à l'égard du public!
Au théâtre de l'Ambigu

La danse au Théâtre Golovine: Avignon, le off renforce la qualité dans la diversité


Avec "J'habite une blessure sacrée" de Max Diakok, compagnie Boukousou, c'est à un solo plein d'inspiration en hommage aux massacres de civils perpétrés en Guadeloupe par les forces de l'ordre, en "souvenir" de Thomas Sankara chef d'état burkinabé tué en 1987...Une danse furieuse, révoltée, agitée de soubresauts, de mouvements douloureux et sous-tendus par l'angoisse et l'oppression. De belles volutes, du sentiment dans cette distance aussi qui touche et émeut: le danseur s'y perd corps et âme et communique son aversion pour la cruauté du monde.Des projections d'images vidéo en contrepoint, paysages de couleurs ou effigie du danseur viennent répondre en dialogue à la danse live. Beau tableau mouvant de traces et signes magnétiques!


"Vendetta" de Link Berthomieux, dansé par Link Le Neil est aussi un solo plein de tendresse pour "la famille", évoquée comme une plante maléfique et toxique, mais qu'il a su fuir pour se construire. Une façon de danser sa liberté conquise, bel hommage au corps affranchi de la dépendance, danse illuminée par une réconciliation possible entre blessures et réparations.


"L'ambition d'être tendre" de Christophe Garcia , compagnie La Parenthèse,est un moment de pur bonheur, la danse en trio, encadrée par deux musiciens, Benjamin Melia et Guillaume Rigaud au fifre,  au tambourin et oh, merveille, à la cornemuse! Les souffles des danseurs croisent ceux des interprètes musiciens pour façonner une danse, vivante, percutante et emprunte de joie et de simplicité.Sur un sol en terre de Sienne rougeoyante, les corps glissent, se croisent et se rencontre à l'envie. Un moment de félicité, douce et tranquille que rien ne vient déranger, encadré par la complicité de la musique vivante patrimoniale de la Méditerranée !


"Rodéo" de la compagnie Apart, Yannick Siméon et Jérémy Silvetti est un bijou du "genre": genre traité dans tous ces états amoureux, entre deux hommes malins, complices, charmants et touchants dans l'évocation de leur tendresse, affection et passion masculine. Un duo plein de rebondissements amoureux où les corps se chahutent, s'écartent pour mieux se rejoindre, se disputer la scène, le succès ou la discrétion. Le charme foudroyant des deux danseurs nous fait pénétrer dans leur univers désopilant ou l'empathie fonctionne à fond. Une réussite de mise en scène et d'interprétation où s'envoyer en l'air est un délice partagé!


"Forward-Into outside" de la Beaver Dam Compagny de Edouard Hue, est la pièce maitresse de la programmation chez Golovine.
Un solo solaire, félin, interprété par  Edouard Hue lui-même donne le ton:gracieux phénomène, danseur évoluant sous des effets stroboscopiques ou dans un halo de lumière unique, il chemine corps baissé, scrutant le sol, leste, agile dans des sauts d'envergure, des glissades, des fractures étonnantes.
Pour la seconde pièce, cinq danseurs s’attellent à tisser enchevêtrements, contacts, mouvements à l'unisson ou solos pour tisser une mouvance singulière et forte.Du flegme, de la lassitude, des pulsations de dépense ou de rage, une qualité gestuelle inouïe, des tremblements font vibrer les corps dansants à l'envi.Du beau travail sur les pieds, orteils en éventail saisissants, jeu de jambes et talons électrisants, pas de bourrée et pieds flex, rythmes et percussions corporelles au chapitre. Danse alanguie, étirée, très contrastée en contrepoint.Un beau solo entouré par les quatre autres complices, la contagion de la fluidité fait mouche, en déploiement de lianes dansantes.Une danse binaire, mécanique en quintette, extatique encouragée par les autres. Une chaine qui se meut et se déploie  tournant sur elle-même évoque le collectif qui tourne rond et fonctionne à l'unisson.
Du bel ouvrage très convaincant!


"One More?" de Odile Gheysens, compagnie in SENSO
Et pour la fin du voyage, un petit tour par le tango contemporain, simple et belle évocation d'une gestuelle sensuelle interprétée par quatre danseurs bien vitaminés, inspirés par les musiques si évocatrices de proximité corporelle, de sensibilité à fleur de peau, hors des cadres, des codes et des normes de cette danse si souvent frelatée !

dimanche 21 juillet 2019

"Comme un trio" de Jean Claude Gallotta dans Avignon Off: "bonjour allégresse" !


Un trio d'après "Bonjour tristesse" de Françoise Sagan, visité par Gallotta ça ne se refuse pas!
Alors à la Scierie, nouveau lieu du off, à potron minet, c'est à un petit cérémonial amoureux que l'on assiste,ému, touché par cette gestuelle sans pareille, celle de "Daphnis et Chloé", celle des "Louves et Pandora", celle qui rappelle que seul un geste peut faire signe...
Un signe de grace, un clin d'oeil à une écriture volubile, futile, éléganCe et parfois narquoise...Un homme, deux femmes, un duo-trio complexe et naturel à la fois qui se dispute l'espace, qui s'étreint, qui s'attrape en prises en esquives en circonvolutions merveilleuses. La voix de Gallotta évoque Sagan, ou nous confie quelques bribes de phrases, en phase avec une "dramaturgie" de l’indicible, de l’inattendu, de l’Inouï. De la danse distillée par l'énergie des corps expressifs, pétris de musicalité, de sensibilité, à fleur de prises toujours.Alternance des solos, duos, trio, selon les époques de ces amours graciles, capricieux ou dociles. Cette tendresse, cette violence aussi dans les fugues, courses ou déchirements des corps. Séparations, réparations, insouciance ou gravité. Sagan devrait se réjouir de cette visite incongrue dans son oeuvre, de cette brèche, passage discret et fugace dans son espace textuel et poétique.Comme une faille entrebâillée qui laisse deviner le flux et le reflux de la brise légère d'un vent caressant les corps qui se relèvent toujours de leurs aventures amoureuses !