mercredi 30 juin 2021

"Rencontres d'Eté de musique de chambre" ; premier concert inaugural, fertile en surprises: il ne reste qu'à se laisser conduire et séduire!

 

🎶 Lors du premier concert l'Ensemble Accroche Note accueillera les musiciens de Plage Musicale en Bangor - Académie et festival, en présence du compositeur Andrew Waggoner pour la création de son oeuvre "ll ne reste que vous… six chansons sur textes de Patrick Modiano". Ce programme mettra par ailleurs en valeur des instruments solo (toy piano, cymbalum, alto, clarinette basse), avec notamment comme invités Wilhem Latchoumia - Pianist et Aleksandra Dzenisenia.
📅 Rendez-vous le mardi 29 juin à 20h30 à l'église du Bouclier (Strasbourg) !
 
Un concert attendu, inaugural d'une petite série concoctée par l'Ensemble Accroche Note, prêt à tous les défis de propositions de découvertes de compositeurs reconnus ou à découvrir: ceux qui écrivent la musique d'aujourd'hui, autant que les "pointures" de ces écritures singulières. 
John Cage en l'occurrence, avec "Suite for Toy piano" daté de 1948 est un clin d'oeil fort à l'imagination et la diversité du compositeur. C'est Wilhem Latchoumia qui exécute cette pièce humoristique et décapante sur un piano miniature, "jouet" tel un géant face à un instrument de petite taille, pour mieux épouser de son grand corps, l'objet sonore résonant à nos oreilles comme un souvenir d'enfance, une pièce de Pascal Comelade...Tel un écolier devant sa table,tournant les pages de son cahier de devoirs, il se joue de cette gamme très limitée de tonalités, pour enchanter et faire surgir une douce nostalgie déconcertante
Suit l'oeuvre de Jean Cras "La flûte de Pan" qui réunit flûte, violon, alto,violoncelle et voix
Oeuvre somptueuse aux accents de mélodie française langoureuse, délicieux quintet alternant mouvements ensoleillés, vifs et délicieux: trois cordes, deux souffles pour un charme envoutant, une harmonie entre texte, narration et chant, bordant une musique sans heurt.La voix de Françoise Kubler, discrète interprète de ce chant bordé par la flûte véloce de Christel Rayneau.
"Inside" de Pascal Dusapin enchaine pour alto solo sous l'archet virtuose de Laurent Camatte
Archet volubile, impatient, plaintif, presque "parlé", sous la pression de "sourdines" installées sur les cordes. Effets contrastés, piqués ou étirés pour une interprétation audacieuse et envoutante.
C'est le cymbalum qui succède avec "Chop suey" de Mauro Lanza: aux baguettes fines et magiques, Aleksandra Dzenisenia: un bel instrument résonant, perlé, fin, vif et véloce sous le doigté d'une artiste singulière, touché léger déferlant sur le clavier, par "corps" habité, sans partition.Mélange savant de gouts, de saveurs, de cultures, brassées en recette alléchante de gestes de "petite cuisine" miraculeuse, cheffe au "piano"pour restaurer le public friand et gourmand de sons savoureux!
"Drei Holderlin-Gedichte" de Wolfgang Rihm pour soprano et piano : une complicité pleine de grâce entre voix tenue aux accents aigus remarquables et piano tactile sous le doigté félin de l'interprète. Beau parlé-chanté en allemand qui sied comme un gant à Françoise Kubler Des mouvements plus virulents, plus graves dans des forte prégnants pour consolider une pièce tourmentée et mystique inspirée, recueillie.
"Beyond" de Nina Senk poursuit le concert, pour clarinette basse en solo: Armand Angster fait corps avec l'instrument, tout deux debout, quasi enlacés: les sons graves, pulpeux, denses et plein de masse sonore sourde et graves s'égrènent à l'envi Costume noir enveloppant l'instrument complice, charnel, sensuel et fort séduisant à l'oreille!Envolées, ascensions vibratiles,fréquences étranges: une colonne qui vibre dans des basses multiples, chaleureuses sonorités un pilier à deux têtes.
C'est au tour de Andrew Waggoner d'enchanter la soirée avec une création sur mesure, haute couture musicale dédiée pour cet ensemble de sept musiciens à l'unisson de la découverte..."Il ne reste que nous" six chansons sur textes de Modiano.
Une oeuvre bigarrée, subtile qui borde et amplifie la musicalité des textes choisis pour leur intrigue poétique, autant que pour leur cordes sensibles.Univers nocturne et touchant de Modiano, découvert par le compositeur: une littérature très musicale en vagues puissantes, bordées d'une voix éloquente: la fluidité de l'ensemble respectant l'identité de chaque instrument repérable.La chanteuse, récitante, comme un régal de luminosité et de prolongement du récit, de la narration apportée par chacun Comme une marche puissante dans l'espace sonore, on avance, enveloppé par texte et musique, rythme martial, solennel, puis plus virulent Une création faite de multiples rencontres sonores, de parties distinctes, de pauses laissant résonner sons, vibrations à l'envi. Le compositeur, présent pour cette occasion unique ne dissimule pas son enthousiasme en dirigeant avec attention un ensemble soudé et plein de charme.



 

samedi 26 juin 2021

"Inflammation du verbe vivre": Wajdi Mouawad et son double plissé.



 Wahid, metteur en scène, double théâtral de Wajdi Mouawad, doit monter Philoctète, une des sept tragédies de Sophocle parvenues jusqu’à nous. Le décès de Robert Davreu, qui devait traduire le texte, le rend profondément triste et lui fait perdre le goût et le sens de la vie. Il décide alors de partir seul en Grèce, sur les traces du grand guerrier Philoctète, puis de rejoindre les morts dans l’Hadès, le monde obscur et intercalaire des morts-vivants. Inflammation du verbe vivre est l’histoire d’un homme qui, dans une traversée cauchemardesque au pays des ombres, retrouve contre toute attente la force d’exister.


 On vient tout juste de le quitter dans son rôle naïf et bienveillant dans" Sous le ciel d'Alice ", un film réalisé par Chloé Mazlo avec Alba Rohrwacher, et le voici à nouveau, sur scène, seul,Wajdi Mouawad, l'acteur, comédien, metteur en scène de tous les combats, politiques, poétiques, artistiques....

Seul, certes en chair et en os, projeté au pays des morts, nous les spectateurs, sans âge ni origine...Une façon bien à lui d'interroger le monde des vivants en allant fouiller la mythologie et ses héros légendaires.Mais toujours relié aux autres territoires de la Grèce, paysages cinématographiques dans lesquels il se fond, le temps d'un épisode de cette quête en solitaire sur le sens du mot "vivre". En bonne compagnie de protagonistes virtuels, comédiens et penseurs d'un vaste projet de fresque théâtrale, contesté dans sa forme par ses collaborateurs réunis à l'écran, alors que lui, circule dans ce monde virtuel avec aisance, en dialogue perpétuel avec les images. Autant de spectres et fantômes désincarnés pour entamer le dialogue. Une véritable performance d'acteur, traversant le miroir comme un passe-murailles, se glissant dans les failles, sur la brèche de l'écran tendu. C'est beau, séduisant, attirant comme autant de passages initiatiques dans d'autres mondes, étape, bivouac pour accéder à son Graal comme des marches à suivre.A la caméra, il a filmé, "film de chevet" inspiré de Robert Davreu, filmé la Grèce comme autant de paysage maritime où se fond son corps jeté dans la bataille avec les éléments: l'eau en particulier comme bain de jouvence ou gouffre sans fond.Interroger les morts, guidé par son chauffeur de taxi, pour restituer parfums, sons et impressions du pays d'Hadès, pays des ombres privées de lumière.Se jeter dans la mer pour échapper à la dette, se confronter aux sensations pour expérimenter avec courage, audace ce que vivent les autres....Un "enfer" à la grec que de se propulser dans l'obscurité.Des images projetées sur un écran de 700 fils, cordes qu'il traverse à l'envi comme rideau, brise-bise,au delà du réel. Passer de l'autre côté pour mieux nous perdre dans un labyrinthe d'épisodes, un récit morcelé qui va et vient sans cesse pour tisser une narration fantaisiste, haletante dans les plis de la vie, à la Deleuze ou Michaux."Com-pli-quer" les choses pour mieux sim-pli-quer et faire plisser les événements comme de la haute couture à fourreau plissé à la Mariano Fortuny et sa fameuse robe "delphos". Miyaké en pensée, comme un corps éventail qui s'ouvre et se ferme au gré des instants de la vie. Un être fabuleux aux prises avec les dieux pas toujours disposés à accueillir sa détresse.

Au TNS jusqu'au 2 JUILLET

vendredi 25 juin 2021

OXMO PUCCINO: lecture RAYONNANTE des "réveilleurs du soleil" dans le cadre des bibliothèques idéales à strasbourg

 


Lecture musicale de Oxmo Puccino & Edouard Ardan, “Les réveilleurs du soleil” (La Grenade/JC Lattès).
Du rap à la poésie, du jazz aux métaphores, Oxmo Puccino est devenu, en 25 ans, l'une des personnalités les plus importantes dans la musique française. C'est donc assez logiquement qu'il a continué à exploiter son talent pour l'écriture en allant plus loin et en se frottant à l'exercice du roman. 

Depuis que le soleil ne se lève plus, la vie s’éteint à petit feu. Rosie craint pour la santé de son grand-père Edmond, qui pousse des quintes de toux à arracher des séquoias. Du haut de ses treize ans, elle décide de trouver un moyen de ramener le soleil et part sur son vélo Harley à sa recherche. Mais sa bonne volonté ne suffit pas. Après avoir échoué à convaincre Noé, l’homme le plus riche du monde, de l’aider, elle se lance dans une épopée qui lui fera croiser la route de Crépuscule, un paria au grand cœur, Aube, son ange gardien, Vénus, la femme la plus belle du monde, le fameux Famos, Ilra la magicienne et son mari le Chat Cinno, Momo le pêcheur, un sonneur de cloches et même des éléphants footballeurs.
Mais qui va réussir à réveiller le soleil ?
Dans ce premier roman lumineux, Oxmo Puccino s’empare de l’énergie de la jeunesse pour pointer l’urgence écologique, la vanité de la célébrité, le vertige des passions. Avec humour, poésie et tendresse, il nous offre surtout une histoire d’amour et d’amitié, une quête initiatique entre Le Petit Prince et Tim Burton.

Il est bien là sur la scène de l'Opéra du Rhin, "roi sans carrosse" dans ce bel écrin doré! Un conte de fée pour un public nombreux, jeune, enthousiaste..Avec bonhommie, sans or-chidée, à la Boby Lapointe, le virelangue, jeu de mot et calembour au bout des lèvres. Lecteur de son ouvrage, hésitant entre "sprechgesang" et lecture simple, il oscille entre verbe et musique, entre mot et note de musique inhérente à son écriture, sobre, simple, rythmée.Son compère guitariste s'adapte à cette sobriété, cette modeste prestation, à nu, corps et âme, sans fioriture. C'est beau et émouvant et une heure durant, on bascule entre hachure rap et fluidité du texte qui se conte et se raconte à l'envi. Le soleil est de la partie, la joie et le partage d'un moment convivial, ensemble, en fratrie et hospitalité très appréciée Soleil du Nord en rappel pour illuminer nos vies retrouvées, ce vivre ensemble tant attendu, enfin et de nouveau partagé. Réveilleur, allumeur de soleil et de lumière.

A l'Opéra du Rhin le 25 JUIN 21H