dimanche 26 septembre 2021

"La cosmologie fécale chez le vombat": l'apéri-cube comme matrimoine mondial!

 


Une conférence de Vinciane Despret contanimée à partir de son texte « La cosmologie fécale chez le wombat commun (vombatus ursinus) et le wombat à nez poilu (lasiorhinus latifrons) »
(Autobiographie d’un poulpe et autres récits d’anticipation, Actes Sud, 2021).

Les animaux ont-ils une littérature, une philosophie, une religion ? Sont-ils architectes de leur environnement ? Pour tenter de répondre à ces questions, Vinciane Despret s’est intéressée au wombat et à son extraordinaire particularité : le marsupial est l’auteur de productions fécales cubiques. Le phénomène a fasciné des générations de scientifiques, mais jusqu’à ce jour, personne n’en avait encore saisi la teneur symbolique. Sur scène, la philosophe et les artistes qui l’accompagnent démontrent par le biais des disciplines fictionnelles de la thérolinguistique et de la théroarchitecture que de tels artefacts participent d’un mode expressif, voire d’une cosmologie et d’un réseau de solidarité chez l’animal.

A la table des conférenciers, on s'affaire; une cheffe cuisinière découpe des petits cubes de légumes, un autre dessine les contours des lieux et des êtres qui le peuplent. La conférencière entre en scène par annonce officielle. Stéphane Roth de sa voix timbrée et chaleureuse lui ouvre la voie...Commence une longue et belle histoire, scandée, ramassée, dense sur les mœurs des animaux, revus et corrigés sous des auspices intelligents et peu orthodoxes: considérer l'animal et ses productions -fécales entre autres-comme un artiste, un bâtisseur d'empires singuliers. Chose assumée à travers ce récit sur "le caca cubique prosaïque" du vombat, animal hors du commun, architecte de l'urgence, fabricant de murs protecteurs ou simplement esthétiques pour bâtir sur le terreau fertile de l'imagination. Une heure durant, la conférencière s'ingénie à démonter et défaire les ficelles des conventions, l'éplucheuse de petits légumes au "piano" offre à un officiant l'opportunité de construire l'objet non identifié d'un festin en forme de tour de Pise cubique, visible in fine à la sortie dans une vitrine...Le côlon est à l'honneur, les crottes, le trou de balle et autres orifices, autre que la sempiternelle "bouche" à nourrir et émettre du son! Polyphonie narrative, plus que "musique", la conférence prend la forme d'une agora, d'un forum démocratique sur le sujet troublant des cubes fécaux des selles du vombat!Lamartine et son "lac", Rimbaud et son dormeur du val comme autant de poésie de référence pour démonter la supériorité poétique de ses déjections écrites. Par l'homme, pas par l'animal qui sait pourtant émettre expressivité et inventivité stylistique: les cubes des fèces fabriqués par les wombats sont briques et matériaux de construction murale!C'est drôle et décalé, scientifique autant que fantaisiste, désopilant et plein d’allant: on est suspendu aux lèvres de "la lectrice", vive et tonitruante. Tandis que François Génot "illustre" à sa manière les faits et gestes de l'action en cour, croque silhouettes d'animaux sous-titrées avec fantaisie et absurdité!.Des situations cocasses, des danseurs graphiques dessinés et offerts à l'issue du "spectacle-performance", en pièce collector! Une géopolitique scatologique porteuse de récits croustillants et de pulsion créatrice.La cartographie de cette "cène" à cinq larrons drôlatiques et travailleurs, est l'heure du leurre, du fantasme, de la supercherie et de l'affabulation qui  sonne!Vrai ou faux discours, cette conférence non gesticulée mais très posée doctement, est digne des plus belles productions du "genre" Voire celles de David Wahl sur le cochon dans "le sale discours" et autres thématiques sociologiquement incorrectes et indisciplinaires...La soirée se termine autour d'un verre, histoire de confier à l'autre le temps d'un échange "apéri-cube" en forme de déjection de wombat et de pensée molle ou bien dure selon ce que l'on a digéré des "discours"!

conférence Vinciane Despret
contanimation Denicolai & Provoost, François Génot
dramaturgie thérolittéraire Ananda Kohlbrenner, François Thoreau, Alexis Zimmer

Salle du Fossé des treize dans le cadre du festival MUSICA avec le Maillon et le TJP

samedi 25 septembre 2021

"Ca sent l' sapin": performances sonores de Noel: avant l'Avent !La crèche est bien vivante!

 


Un concert de Noël décalé autour du grand sapin de la place Kléber, recueilli en janvier et transformé en instruments de percussion. Avec Ça sent l’sapin, les musiciens de l’OMEDOC orchestrent une réunion de famille inclassable, entre théâtre musical, happening et expérimentations en tous genres – et si Tino Rossi avait croisé le chemin du courant dada ? De l’ouverture des cadeaux à la guirlande lumineuse qui devient sonore, les musiciens égrainent avec malice les situations de Noël à coups de branches de gui et de batailles de grelots. De quoi observer et questionner les traditions et rituels séculaires. Mon beau sapin… 

Ambiance sylvestre dans la grande halle citadine et portuaire: bruits de tronçonneuses émisse par un beau montage vidéo sur le "démontage" du grand sapin de la place Kléber, fierté de la cité enchantée de Noel!Sonorités de bois, d'étayage comme dans la forêt: sur le plateau un petit sapin domestique de plastique artificiel trône et clignote.A ses pieds un échafaudage bigarré de petits paquets...Concert d'ambiance en préambule par des musiciens garde-forestiers, sylphes, elfes et autres habitants de cette forêt au coeur d'un site industriel.L'arbre qui cache la forêt et avance... Comme celui de Céleste Boursier Mougenot.Tronc-son et ossature de sapin désossé, démantibulé comme cadeau de bienvenue pour entamer un "opéra" participatif aléatoire et bon-enfant. Le public joue le jeu et frappe en imitation, les rythmes suggérés.On est en Scierie à Strasbourg et ça opère au quart de tour.Au marché de Noel aussi avec guirlandes lumineuses et musique plutôt sombre: le christkindel émet de la voix dans cette messe des morts ou requiem pour sapin défunt Qui tel un phœnix va renaitre grâce au sauvetage de sa parure! Belle unisson des instruments à vent Puis c'est au tour d'un équilibriste chargé de décorations de Noel de faire de la corde raide: à chaque objet perdu, un gage: une cacophonie sonore !  Un concert de ballon de baudruche, choeur de fuite d'air et de dégonflage;une icône d'adoration bordée d'un chant plaintif très picturale en guise de crèche vivante: c'est drôle et décalé!Bergers et moutons pour cette icône digne d'un musée des beaux arts sonore!Au final un jeu de boules de bois suspendues à un portique, pendule magique: magnifiques images mouvantes de danse serpentine, bordée par les instruments de musique live!Comme un métier à métisser les sons et les formes.

OMEDOC Orchestre de Musique expérimentale du DOC
voix | Guylaine Cosseron
clarinette, flûte | Jean-Baptiste Perez
saxophone baryton | Nicolas Garnier
basson | Bruno Godard
claviers | Antoine Berland, Emmanuel Piquery
claviers, guitare électrique | Nicolas Marsanne
hautbois, basse électrique | Nicolas Garnier
basse électrique, trompette | Clément Lebrun
contrebasse | Nicolas Talbot

Aux Halles Citadelles dans le cadre du festival MINI MUSICA!

le samedi 25 SEPTEMBRE 17H

"Tumik et Katajjaq": une sororité inuite ! et inouie !



Une soirée placée sous le signe des contrées polaires, avec le compositeur et spécialiste de la culture inuit Philippe Le Goff, les chanteuses de jeux de gorge traditionnels Akinisie Sivuarapik et Amaly Sallualuk.

Philippe Le Goff arpente depuis une trentaine d’années les vastes étendues du Grand Nord canadien. Avec Tumik (« trace » en inuktitut), il propose une performance documentaire réalisée à partir de récits, d’images, de sons et d’objets glanés au gré de ses voyages. Cet essai autobiographique est une fenêtre ouverte sur l’Arctique, la relation particulière qu’entretiennent ses habitants à la nature et au monde animal, les modes de vie et activités quotidiennes. Une expérience intime au sein d’un territoire bouleversé par la colonisation. 

Le plateau de la petite scène de la Halle Citadelle est jonchée d'objets, alors que deux écrans accueillent les images de ses séjours au pays du grand froid sec et vivifiant: images de la vie quotidienne dans un décor de bivouac, de campement au creux de la neige et de la lumière froide.Témoignage sonore et recherche sur les sons, les chants, la pièce est reportage musical vécu, rendu par la force et la douceur des textes lus par le protagoniste, ethnologue, chercheurs de perles rares, orpailleur du son étrange: patrimoine vocal autant qu'invention improvisée dans le quotidien des personnages choisis pour l'authenticité de leur savoir vocal.Tissage savant par des mains agiles, mets tissés par un soin extrême mis au service de la tradition exhumée de rythmes et musique à jamais conservés.

La soirée se poursuit avec Akinisie Sivuarapik et Amaly Sallualuk, chanteuses de jeux vocaux (katajjaq) venues de la région du Nunavik au nord du Québec, où elles contribuent à la préservation et à la transmission du patrimoine culturel inuit. Traditionnellement pratiqués par les femmes, les jeux vocaux ou chants de gorge prennent la forme de duels en face-à-face, lors desquels les chanteuses confrontent leur endurance, dans un esprit ludique, en entonnant des motifs répétitifs. 

Deux soeurs venues du grand froid sec et clair pour partager de façon très conviviale, la science des comportements humains et leurs prolongements par le médium vocal: c'est drôle et plein de surprises à l'écoute: voix de gorge, aspirées par le souffle haletant, le diaphragme convoqué à l'inverse de sa tonicité pour exprimer par le souffle en saccade, la diversité des humeurs, des circonstances d'émission vocale On y fait le vent, la rivière, une chanson d'amour, on y simule sans fard la compétition: c'est le meilleur rythme tenu qui gagne dans ces joute vocales en canon accélérés qui finissent en entrelacs complexes non maitrisables! Scie, moustiques, petit chien, traineau sur la neige: autant de paysages évoqués de façon très vivante, vécue du fond du souffle, de la gorge, des organes vitaux du chant.On y hallete sans se couper le souffle, on y ventile en euphorie et transports en commun dans une riche et généreuse empathie.Berceuse lente sur un tambour dédié à la femme qui danse devant nous dans des jeux d'endurance, de performance athlétique et physique digne d'un championnat de chant Les motifs repris en canon, en tuilage comme autant de parures musicales tressées avec l'habileté et la dextérité des cordes vocales passées en fond de gorge déployée!

Tumik
conception, sons et images Philippe Le Goff
lumière et collaboration à la scénographie Bernard Poupart
regard extérieur Brigitte Lallier-Maisonneuve

Katajjaq
chanteuses de jeux vocaux Akinisie Sivuarapik et Amaly Sallualuk