jeudi 14 décembre 2023

"Spécificité de la danse sur le territoire alsacien": d'un mouvement dansé à un mouvement adapté: Christiane Leckler en majesté

 


La Faculté des sciences du sport avec Pierre BOILEAU, Artiste danseur chorégraphe Performer de la Cie L’UnDesPaonsDanse
Accueillent Jeudi 14 décembre 2023 à 16h en salle d'évolution Christiane LECKLER, Présidente de L’association Danse Ma Joie Bas-Rhin et Pédagogue du mouvement dansé
Pour aborder la spécificité de la danse contemporaine dans le territoire alsacien
Pour évoquer le mouvement dansé tourné vers des publics variés et particuliers
Pour discuter de cette danse promulguée à l’École, à l’Université, en Maison de Retraite, dans des Structures d'accompagnement pour personnes en situation de handicap…
Vaste domaine où le corps sensible est au cœur du débat.
 

Une femme libre, enjouée, une "cinquième" âge qui n'a pas d'âge ou qui le porte si bien qu'on a envie de la prendre par la main et de danser. Christiane Leckler c'est la modestie incarnée, la sobriété et la sobre ébriété de la danse en Alsace. Après un bel exposé "à sa façon" sur l'histoire de la danse moderne et de ses protagonistes, la voici embarquée dans le récit de son "vécu" de son expérience de danseuse, apprentie, et de pédagogue invitée par la vie à rencontrer toute sorte de public. Pas venue de "nulle part" notre héroïne du jour: des rencontres avec Rosalia Chladek et d'autres pionniers de la danse libre pour fonder sa "maison" avec Denise Coutier: "Danse ma joi" ou "Demajik danse".... Du Diaconat où, infirmière elle s'occupait des "corps à soigner", aux enfants et parents, tout semble lui convenir comme terreau de recherche, de rencontre toujours dans un esprit de respect, de considération de l'autre. Son travail acharné, son caractère pugnace autant que doux et attentionné la rendent populaire, accessible et charmante. Cette rencontre fertile et de bon aloi fut un moment de partage à part égale avec son public étudiant. La voir assise à une table en compagnie de Pierre Boileau fut un instant d'étonnement: Christiane se lève sans cesse pour montrer, s'exprimer avec joie et jubilation. 
 

Un profil d'artiste singulier, porté par l'enthousiasme et le côté pionnière défricheuse de bien des expériences au regard de Terpsichore. Une science infusion des relations humaines, instinctives et profondes compréhension des corps, de tous les corps en leur mouvement propre et identitaire. Du "social" avant l'heure pour le bien-être de tous se sauvant par la pratique du mouvement dansé. 
 

Merci à Sabine Cornus de nous avoir concocté ce moment "historique" où l'on remet les pendules à l'heure en partage équitable et durable. Et toute simplicité.




mercredi 13 décembre 2023

"Evangile de la nature" : un planétarium prémonitoire, un manifeste sacral d'une cosmogomie en marche.

 


Le philosophe-poète Lucrèce (né et mort vers 97 – 55 av. J.-C.) a environ 35 ans quand il écrit les six livres composant De rerum natura (De la nature). Reprenant dans ce grand poème antique les théories de son maître Épicure, il y expose la puissance scientifique de l’atome à l’origine de la création de l’univers, exaltant la nature sans dieux ni maîtres comme devraient l’être les hommes et les animaux. Le metteur en scène Christophe Perton met en scène une traduction inédite de l’autrice Marie NDiaye, avec l’acteur Stanislas Nordey. Il envisage le spectacle comme un « pur festin de poésie ». Une création musicale et visuelle accompagne la générosité et la modernité de ce texte millénaire invitant les humain·es à se soustraire aux dogmes et à la peur, pour aller vers les lumières de la connaissance.

Dans un espace quasi en trois dimensions, trois écrans portent des images mouvantes évoquant des formes végétales, peintes, esquissées comme de la calligraphie japonaise à l'encre de chine... Le plateau est une plaque tournante arrondie, inclinée qui laisse entrevoir des mouvements de lente rotation quand le protagoniste conteur chavire avec les mots, le texte. Prémonitoires en diable déjà se révèlent les écrits ainsi racontés, murmurés en direct au creux de nos oreilles par le fabuleux comédien-musicien du rythme parlé, Stanislas Nordey. On a peine à croire qu'ils ne nous sont pas contemporains tant le propos est d'actualité: l'inversion climatique pressentie, les virus inconnus vecteurs d'épidémie, le trop plein d'eau ou de chaleur...Et le comédien de nous conduire dans des sphères scientifiques et philosophiques accessibles, compréhensibles dans une écriture forte et une syntaxe musicale évidente. Alors que le décor évoque un planétarium, un ciel étoilé ou un parc végétal riche et plein d'arabesques tracées. Stanislas Nordey, pieds nus bien ancré dans le sol autant qu'aérien se livre, se donne corps et âme comme conteur-lecteur, vecteur d'un texte lyrique et audacieux. Son jeu est émerveillé, solaire et lumineux, à l'image de cette philosophie iconique si bien incarnée par images, dessins et socle penché comme une scène glissante où le corps s'adapte pour préserver son équilibre. Une performance digne de ce cosmos, cet univers évoqué, les atomes, la construction du monde avant le christianisme étouffant la connaissance au profit de la croyance. Notre homme, Lucrèce incarné se débat librement: chant et poème pour tissus et matière à jouer sans en faire obligatoirement une histoire d'aujourd'hui.. La nature chante et le son environnant épouse la musicalité des mots. La musique additionnelle apporte une touche émotionnelle persistante et hypnotique, se fondant aux mouvements des images glissant sur les trois écrans. L'adresse au public, le "tu" comme partenaire d'élocution renforce la proximité et l'adhésion à ce manifeste total: vidéo, lumière, musique, voix et corps.Et le costume de notre génial penseur comme celui d'un magicien brillantissime, pantalon large noir anthracite, brillant, pailleté comme un ciel étoilé.Une approche de rêve d'un texte mythique trop peu connu. Christophe Perton de mettre en scène ce corps céleste, cet atome comme un électron libre inspiré par Vénus, femme autant que planète dans la constellation lumineuse du plateau. Un anneau comme univers clos et mouvant, un socle périlleux incliné pour mieus se pencher sans faillir.

D'après
De rerum natura 
de Lucrèce
Traduction
Marie NDiaye
Christophe Perton
avec la collaboration
d’Alain Gluckstein
Adaptation, mise en scène et scénographie
Christophe Perton
Avec
Stanislas Nordey


Christophe Perton est metteur en scène, réalisateur et scénographe. Il a dirigé la Comédie de Valence − Centre dramatique national Drôme-Ardèche (2000-2009) et dirige depuis la compagnie Scènes et Cités. Passionné par les écritures contemporaines, il a notamment mis en scène Pier Paolo Pasolini, Lars Norén, Bernard-Marie Koltès, Marius Von Mayenburg, Peter Handke, Marie NDiaye, Thomas Bernhard… En 2023, il a créé une version musicale inédite du Bel indifférent de Jean Cocteau.

Au TNS jusqu'au 21 Décembre

"Hip Hop Nakupenda" : sur les pavés, la danse....Et un danseur " passe-partout" qui ouvre bien des portes.

 


Anne Nguyen & Yves Mwamba  cie par Terre France solocréation 2021

Hip-Hop Nakupenda

Co-écrite avec la chorégraphe Anne Nguyen, cette pièce nous emmène dans les années 2000 en République Démocratique du Congo, où Yves Mwamba, 12 ans à l’époque, y pratique la danse hip-hop au lendemain des guerres à Kisangani. À travers la danse, le chant, la musique et la voix, il nous conte l’histoire de toute une génération de jeunes danseurs de rue, les Mudjansa. Star du hip-hop au Congo, il revient sur cette période trouble où la dictature de Mobutu faisait sa propagande politique grâce à une danse populaire : la rumba congolaise. Ses paroles et ses danses, qui vont de la tradition africaine aux danses urbaines en passant par Mickaël Jackson et Kery James, nous transportent, avec humour dans un univers onirique, peuplé d’ancêtres et de démons. Un récit touchant et engagé porté par l’enthousiasme réjouissant d’Yves Mwamba.

 Un solo très édifiant qui se fabrique en grande complicité avec le public: le regard et les yeux interrogateurs, suspicieux du danseur pour nous jeter dans le bain de l'histoire du Congo et de tout le continent noir. Il démarre par un inventaire des formes et grammaires gestuelles du hip-hop, krump et autres expressions des danses de rue, danses urgentes, danses de l'extrême, expression populaire et langage d'actualité sociétale. Yves Mwamba dénonce, dévoile, détisse les mensonges, les abus d'une classe politique dictatoriale où la danse rumba fut largement exploitée à des fins de propagande. Il fait même scander par le public des slogans peu recommandables. Mais c'est pour mieux mettre en exergue le danger de ce bourrage de crâne qui coupe les ailes de la liberté. Son geste est libre et très formaté danse de rue sans autre soucis de les transgresser, de les transformer. Franc, juste et cinglant il tâte le terrain et nous positionne au pied de nos responsabilités et engagements. Fier et altier, drôle et scrupuleux, le danseur cause, parle, chante et promet à chacun un bel avenir s'il est prêt à acheter sa célébrité, à se vendre au diable et à se soumettre au troupeau. En se laissant dédier un chant repris par les médias et en en faisant une star!Le spectacle comme un manifeste de l'indépendance autant d'un pays que d'un être humain, libre de ses choix et de ses pensées dansantes. Le public alors bien éclairé sur les risques de l'embrigadement ou de l'instinct grégaire auquel on nous prépare trop souvent. A saute mouton, saute frontières, ce passe muraille détenteur du bon "trousseau de clef" ouvre des perspectives qui sont loin d'être des "passe-partout". 

A Pole Sud le 13 Décembre