samedi 20 janvier 2024

"Touché" pas coulé !!! Degadezo sous la peau du monde....Un univers qui touche et frôle à fleur de peau, la surface vitale du corps poreux.

 


Nuit de la lecture - Le corps - En corps 
Touché de Ramona Poenaru Projection-rencontre en présence de la réalisatrice

Pendant un trimestre, la Cie Dégadézo a accompagné des élèves de 1ère en « Assistance, Soins et Services à la personne » dans l’exploration du corps. Entre cours professionnels où l'on apprend comment prendre en charge un corps et les ateliers de danse qui prennent appui sur le contact, les adolescents vivront une expérience corporelle inédite qui leur ouvrira des chemins vers une connaissance d'eux-mêmes et des autres.

 Kontakthof, kontaktvoll...

Un film sur le "sensible", le toucher, qui n'est ni un film de danse, ni un film scientifique, médical, est chose rare. Voici une oeuvre cinématographique singulière, un "documentaire de création" original issu d'une convergence d'expériences sensorielles auprès d'un jeune public en formation scolaire d'apprentissage: prodiguer des soins au corps, vieillissant, médicalisé ou simplement en état de corps déclinant.Filmés dans l'intimité de leur lieu d'apprentissage, un lycée professionnel adapté, les jeunes recrues sont au coeur du sujet. Aspirant à ce métier ou doutant de leurs capacités, de leurs envies, les voici confrontés à deux artistes en résidence: Antje Schur et Régine Westenhoeffer, deux danseuses, interprètes et pédagogues de la "danse contact" par excellence sur le territoire alsacien. Les chocs, les rencontres d'espace et de compréhension sont judicieusement filmés et mis en avant par l'intuition de la réalisatrice, elle-même danseuse et intervenante artistique au sein de la compagnie "Des châteaux en l'air".


Un trio complice et perméable à la relation au présent, à tout ce qui est "poreux" comme cette peau dont il sera question tout au long du film. Ce toucher que l'on retrouve au sein de toutes les expériences sensorielles du touché-poussé-tiré, de la notion de poids, de don de soi dans une relation de confiance entre partenaire de jeu et de vie. Appliqué aux soins corporels et à la manière de les prodiguer, voici une singulière aventure salvatrice. Pour les jeunes "apprentis" c'est une découverte, un OVNI, extraterrestre bien introduit par la venue d'un E.T. venu d'ailleurs, incarné par l'une des danseuses, lors d'un premier contact scénique hors norme. Ce zombie, non genré, intrigue, interpelle, interroge sur la différence et son accueil au sein du groupe. Étonnement, crainte, rejet de l'étrange, de l'étranger, de l'inconnu. 


De toute leur peau, voici dans une très belle séquence, les deux protagoniste en proie à une "démonstration" de contact, juchées sur une table comme sur des tréteaux de foire dans l'espace scolaire d'une salle de cours traditionnel. Du neuf, du surprenant, du déconcertant pour ce petit groupe soudé par un instinct de suspicion, d'interrogation sur ces pratiques directes, sans mot. Alors cela prend au fur et à mesure, on s'apprivoise, se renifle, se côtoie, se regarde avec de moins en moins de crainte. Le film montre cette douce et lente évolution entre élèves et intervenantes. 


C'est drôle, sensible et plein de suspens. Ramona Poenaru capte, traque en douceur ces jeunes avec tendresse, respect et empathie. Portraits singuliers des uns et des autres, sur les visages, les expressions, les attitudes liées aux circonstances. Toucher, regarder, respecter, les maîtres-mots, les clefs d'une profession de santé autant physique que mentale. Sans être des thérapeutes ni des pédagogues assermentées, nos trois artistes font mouche et touchent là où ça fait du bien, ou du fil à retordre. Telle une chorégraphie qui s'improvise, les images donnent à voir des touches de danse, de jeu d'acteur qui font figure de vrai rôle. Chacun y est considéré en plan fixe ou mouvant, en captation sur le vif. Des batailles de matelas dans une chambre où tout réunit les jeunes filles dans des ébats débridés et spontanés. Des scènes prises sur le vif pour valoriser ces contacts naturels entre membres de cette petite tribu issue des affinités sensibles. Le film est truculent, sobre et plein de verve, de tonus, de rythme comme de la danse, de la musique, percussion corporelle ou sons discrets du quotidien. La parole a la part belle: celle des enseignants pour conduire la dynamique du groupe, celle des participants pour exprimer doutes, avis, sentiments, impressions pour ce travail atypique dans leur parcours professionnel. La scène "originelle" de redressement d'un corps alité est croustillante. On y voit les maladresses, les hésitations, l'antipathie de certains au regard de leur future profession...


Une cible en or pour exprimer la sincérité, le refus, l'audace de tenter l'impossible, l'inconnu niché en chacun. On envie ces jeunes de bénéficier d'une telle expérience corps et graphique dans leurs cursus professionnel. L'image finale où dans un couloir un duo de soigné-soignant disparait de dos, uni par la complicité du toucher,est juste et convaincante. Du bel ouvrage de réalisation sur un sujet qui "touche" et impacte comme une empreinte, le sens des gestes qui soignent, apaisent dans une notion autant de proximité que de distanciation. Son propre espace, celui de l'autre, celui des corps qui circulent sans entrave dans un monde libre et réjouissant: les soins et leur art d'être pratiqués comme un duo de corps sans décor ni barrière. Un film comme une caresse, un écran tendu de peau qui réfléchit le monde. Ne sommes nous pas simplement deux mètres carrés de peau tendue...Une enveloppe adressée à une correspondance des sens, de l'essence de la vie: le toucher..


Et beaucoup de doigté, d'élégance dans cette écriture, signature kinéma-tographique de Ramona Poenaru. Contact oblige !



Samedi 20 janvier à 19h à la médiathèque Meinau




"Extra tes restes": On recycle en piste, en bretz'selle, on trie en déchets-tri, on rame en tram, on est décomposté au premier degré de tempé-rature....

 

 

Compostage, recyclage, tri et réemploi. Les comédiens de la Revue scoute ont porté en haut de l’affiche la seconde vie de nos déchets. « Extra, tes restes », c’est le titre qu’ils ont choisi pour leur nouveau spectacle. Un sujet dans l’air du temps et qui entre en résonance avec les préoccupations du moment.

En 2024, cela fera cinquante ans que le Café-théâtre de l’Ange d’Or ouvrit ses portes dans le pittoresque quartier de la Krutenau à Strasbourg. L’Ange d’Or fut le berceau, autant dire la couveuse, de ce bébé prématuré qui deviendra plus tard la Revue Scoute.

La Revue Scoute 2024 abordera des sujets aussi variés que le choc des civilisations, les destinations sanitaires pour des dents pas chères, le climatosepticisme, le genre des supporters, la faim de vie, la montée des prix, l’obsolescence des religions, la fin des hypers...
« Nous sommes entrés définitivement dans l’ère du recyclage, de la seconde main. Fini le gaspillage tous azimuts. Comme le disait si bien notre sirène dans la Revue Scoute 2023, on arrête de jeter la vie par les fenêtres... Le titre choisi cette année le dit bien : tout ce que nous jetons peut encore servir. Cela vaut pour les objets bien sûr : l’herbe fraîchement coupée qu’on méthanise ou ce bon vieux sèche-cheveux qui se recycle avec envie. Cela vaut aussi pour les individus qu’à tour de bras on requalifie, on réoriente, on reconverse, on réinsère... Cela vaut pour le monde politique qui est passé maître en récupération et qui sait si souvent muter pour tenter de faire oublier les vieilles idées polluantes
. »
 


Quarante ans de revue, ça se fête, alors "quadra", la revue en prend un bon coup dans l'aile! La quatra-ture du cercle se boucle et l'on jubile deux heures avec tous ces comédiens qui font la pluie et le beau temps sur notre planète "alsacienne" et de l'extérieur. A l'intérieur, on trie grâce à une équipe de techniciens des or-dures et "poubelles la vie" pour ces travailleurs de l'ombre évoqués à force de jeu de mots, calembours ou autre virelangue. Ici pas de langue de bois ni de chat: on dit ce que l'autre pense tout bas et on raffole d'humour noir, décalé, incisif et cinglant. La transition entre Paul Emploi et France Travail est une perle du "genre". Genre évoqué à maintes reprises, toujours du bon côté. L'Alsace c'est l'accouchement terrible du Grand Test, une séquence pimentée où la parturiente met bas moult objets et images stéréotypées de "notre province". Bierry aux premières loges de ce sketch désopilant qui en dit long sur l'identité régionale: plus un z'est, vous êtes cerné. Madame la Maire-Bière Danielle Dambach n'est pas en reste!
Schiltigheim, le berceau des "Scoutes"en prend de la graine avec cette balade, sac à dos, la maire en guide éclaireuse publique sur les sentiers du club vosgien, guide le peuple comme la liberté de Delacroix. Et le vert est dans le fruit pour ce compostage désopilant qui frôle le numéro de légende. 


C'est Patricia Weller qui s'y colle et c'est très éloquent. Quant à Jeanne d'Artagnan, la voici avec ses "mousqueverts" aux abois, face à un Gutenberg qui n'en finit pas de vociférer contre les pigeons et leur fiente sur sa statue. On imprime les faits et gestes, se gave de bons mots sur la gente humaine et la revue et corrigée bat son plein de verve, de rythme, de sauce bien relevée. Une robe de "seconde main" pour recycler le tissus et l'étoffe de la vie...Les musiciens sous la houlette de Michel Ott empruntent des morceaux connus et le "Hans im schnokeloch" fait mouche en défilé sado macho.Un Panza" kung-fu tout en rouge de colère.  Un steak à point ou au bleu, saignant comme un garçon boucher. Tout s'enchaine sans jamais s’étouffer ni se tarir L'AIRbnb des J.O. est un morceau de choix où le SDF se convertit en agent immobilier de choc, la "Justice d'Arson" est un régal de saynète désopilante. Une marionnette à deux jambes de poupée gonflable simule les malversations de Monsieur Dupond Moretti: grands écarts et autres élucubrations physiques pour conter les travers de la situation: le tout sur un cheval d'Arson..


En forme olympique,ce petit monde bordé des cinq anneaux en fond de scène. En "bombe à retardement" avec une fameuse intervention flash sur l'IA , un monologue entre un terroriste et une voix d'outre tombe qui interprète à tort toutes ses menaces. Les costumes de Rita Tatai siéent à merveille à cette tribu indomptable. Ce cabaret déjanté s'en prend aussi bien sur à la politique internationale et les Brigitte Macron ou Elisabeth Borne se retrouvent à deviser sur leur avenir, à venir pas trop reluisant. Bruno Uytter met sa patte de chorégraphe intuitif et efficace pour ce "Paradis alsacien" de circonstance. Du beau, du bon, du rire et de la critique en  sketches encaustiques pour ce show inédit entre revue et music-hall. Un OVNI du genre! L'orchestre au diapason de cet opus endiablé comme un bon Offenbach, opérette de pacotille au service de la diatribe et du cynisme décapant de ce monde manichéen à souhait. Chacun des comédiens y va de sa voix et pas une ride pour ce spectacle hybride en diable. 


Électrisante à souhait et décoiffante diatribe sarcastique à l'envi. Un moment d'électro choc salvateur où chacun s'y retrouve et respire de satisfaction constatant que ce qu'il pense tout bas est ici clamé haut et fort en toute majesté. L'équipe autour de Chambet-Ithier figure légendaire de la revue se déchaine, se défonce le temps d'un festin haut en couleurs, savoureux à souhait. Belle cuvée 2024 où personne n'est en reste: c'est extra!


 

Spectacle de cabaret satirique en français pour 8 comédiens et 4 musiciens
Coréalisation Acte 5 et Ville de Schiltigheim Et on fait des économies de chauffage au premier degré....

  • le 14/01/2024, le 21/01/2024 de 17h00 à 19h00
  • du 16/01/2024 au 20/01/2024 de 20h30 à 22h30
  • La Briqueterie Scikltigheim
Danielle DAMBACH a dit… Merci pour ces bons mots qui ne laissent pas le dernier mot aux maux de ce monde. Savoir rire de soi est le plus bel humour, il nous est donné dans cette revue. Il ne laisse aucune place aux mauvaises humeurs et mauvaises
odeurs, recyclées, retraitées. Merci pour cet article hommage au travail de la très belle équipe de la revue des Scouts, toujours prêts à nous détendre. Prescrivons du "rire sur ordonnance" !

photos patrick kupferschlaeger 

A la Scène strasbourg du 4 au 14 MARS

vendredi 19 janvier 2024

"61500 cm3"....d'apesanteur. Exposition découverte d'Irène Gordillo :On voit "large" à la Galerie photographique strasbourgeoise.


 Le LAB ouvre 2024 avec une exposition #Découverte aux accents ibériques. Nous avons le plaisir de présenter "61500 cm³" d’Irene Gordillo, jeune artiste madrilène que nous avons découverte l’été dernier à l’occasion de l’exposition des jeunes artistes La Rioja 2023 au Musée de La Rioja à Logroño.
Le travail d’Irene Gordillo explore la place du corps dans l’espace : à partir du calcul de son propre volume corporel, elle appréhende le réel dans sa dimension physique et matérielle pour révéler ce qui fonde notre relation au monde : le temps, l’espace et la gravitation sous un angle frictionnel. On croise des personnages dans des structures diverses : architecture, intérieurs, piscine, parc. On pourrait poser cette problématique dans différents lieux où les individus évoluent habituellement, mais l’artiste bouscule les attendus, en y instillant une forme de décalage et d’humour.
Les images sont composées de façon habile, jouant des lignes et des perspectives, les corps sont le plus souvent rigides, pas réellement vivants, pas morts pour autant, se fondent dans le décor, changent de place puis se retrouvent ailleurs, comme on déplace un pion sur un échiquier. Et au-delà de ces nuances, le propos est le même, et nous invite à sourire, à chercher le détail incongru : mais où est donc passé Charlie ? 

Il flotte dans une des propositions vidéographiques d'Irène Gordillo comme un air d'éther aquatique. Oxymore qui sourd de cette proposition où un corps immergé dans une piscine évolue tel une méduse dans les abysses hydrauliques d'un espace artificiel. Teintée de pastels bleus verts grisants, l'image est mobile, instable, flottante, belle, douce et onirique. Des photos de corps enfouis dans des machines à laver dans un espace de cuisine domestique: un univers ludique et décalé, très chorégraphique où l'on pourrait distinguer des références ou inspiration issues du travail de Sahsa Waltz dans la vidéo de création d'Eliot Kaplan "L"allée des cosmonautes". Ici personnage trouble, flouté à la Gary Hill ou Bill Viola, le corps baigne paisiblement en apesanteur, suspendu aux cimaises des électrons libres
 
sasha waltz

La fiction chorégraphique transplantée dans un appartement de la banlieue berlinoise... Un singulier rapport à l’image enregistrée, à l’espace, aux cadrages, et aux faits et gestes filmés au plus près des corps, épousant une écriture et un tempo fulgurant. Encore un corps allongé sur un divan rose dans une atmosphère kitsch pour souligner le découpage des corps morcelés émergents à la Robert Gober.
 
robert gober


 L'architecture urbaine, le mobilier "urbain" inspire à la photographe des cadrages inédits. Les corps des modèles figurants s'inscrivant dans l'architectonique des lieux de passages, des arrêts du bus, stations vidées de leur public pour accueillir une mise en scène, en espace, singulière. Couchés sur l’asphalte, debout en érection verticale ou assis en tandem, le dos tourné. Belle configuration chorégraphique à la Willi Dorner qui ausculte l'espace, les failles pour y nicher des corps colorés dans les interstices du béton.
 
willi dorner
Les corps imbriqués, fondus dans le décor, épousant les lignes de l'architecture comme pour souligner la dynamique des tracés, des lignes, des points. Les surfaces s'effacent, les aplats d'image fixent le mouvement ainsi pétrifié, médusé à l"image d'une immobilité singulière. En lévitation magique et magnétique, les corps intriguent, fascinent, déconcertent. Leur topic original les emmène sur un terrain inconnu, incertain, improbable. Territoire de la danse, petit bougé à la Alwin Nikolais, chantre de l'abstraction dansée. Les formes nous informent ici de toutes les possibilités de transgression des espaces, vécus et occupés par la physicalité charnelle de "la corps et graphie d' Irène Gordillo prestidigitateuse du virtuel. 

Les accolades de deux amants, aimantés par un montage de photographies, style pixilation image par image renforcent encore cette écriture atypique de la jeune créatrice d'icônes sensibles.
 
En photographiant une succession de mouvements du corps dans l’espace, Irene Gordillo introduit une dimension particulière dans la perception des choses. Il y a, dans les gestes et postures des corps figés tout un alphabet qui se dessine et constitue un répertoire de signes, dans une écriture aussi bien typographique que manuscrite.
La photographie ajoute ici une dimension que la vidéo ne saurait capturer, en jouant de ses interstices immobiles, elle met en exergue la situation plutôt que le mouvement, le fait plutôt que la narration, l’intrinsèque plutôt que l’histoire. Alors que la vidéo insisterait sur la performance de ces corps et leur virtuosité, l’image arrêtée met le doigt sur l’instantané, hors du temps et du mouvement, laissant au spectateur le soin d’imaginer le reste. Ils sont comme suspendus, déshumanisés et pourtant ils habillent ces espaces, en ouvrant un nouveau champ possible. Comment alors s’affranchir de ces forces qui les clouent au sol et les empêchent de se mouvoir librement ? Comment les habiter, les animer, et leur permettre de faire humanité ?
Irene Gordillo signe avec 61500 cm³ sa première exposition personnelle en France : sensible, poétique et très prometteur. 
 
✨ Vernissage le jeudi 18 janvier à 18h en présence de l'artiste
🖼️ L'exposition🤸 61500 cm³ 🤸d'Irene Gordillo est présentée du 18 janvier au 17 février 2024 à la Galerie La pierre large (mercredi au samedi 16h / 19h)
🔲 Commissariat Benjamin Kiffel & Bénédicte Bach pour le LAB
👉 Plus d'infos : www.galerielapierrelarge.fr