mardi 20 août 2024

LES HIVERNALES 2024: "On (y) danse aussi l'été ! ": les cigales dansent aussi !!

 Les Hivernales c'est la scène chorégraphique incontournable du festival off d'Avignon qui a pignon sur rue depuis belle et lurette et qui ne cesse de rassembler un public nombreux et hétéroclite.



Cette année à potron minet c'est "UNTITLED" Nostalgia Acte 3" de Tiran Willemse qui démarre la journée de programmation intense.

Un solo très émouvant où le fantôme de Giselle semble animé les pauses stylées danse classique, les diagonales et autres manèges, les piétinements de "la danseuse classique". Bien vite se défont ces formes apprises à travers le corps de Tiran Willemse qui se libère du carcan et offre une dans libre et évocatrice d'une culture africaine. Pour la beauté du geste, la précision des intensions chorégraphiques, ce solo inspire empathie et respect.


"HOPE HUNT AND THE ASCENSION INTO LAZARUS" de Oona Doherty OD Works

Révolution et Commune

C'est Sati Veyrunes qui s'y colle à ce solo emblématique de la chorégraphe irlandaise.Telle une SDF sans toit ni loi, la voici projetée sur la scène, vindicative, forte et pleine d'une énergie féroce et animale. La performance de l'interprète est sidérante et toutes les luttes sociales passent à travers son corps. Barricades et autres murailles à franchir en compagnie d'Allegri ou d'autres musiques toniques.  Un moment de méditation intense sur le pouvoir poétique et politique de la danse.


"VISCUM" de Noé Chapsal compagnie les corps jetés

Se jeter dans la bataille

D'emblée on est conquis: ils sont deux à se confronter dans un mouvement à répétition: esquive et embrassade, hallucinantes qui font mouche. Décliner à l'infini un mouvement, en carapace de cuir, se frotter, s'étreindre et se rejeter.D'un geste, d'une figure phare cette déclinaison d'énergie, buste contre buste dans un choc organique est splendide. Autant dans "le réel" il, elle, semble timide à l'approche dans un questionnement sur les possibles, autant la passion les poussent à l'impossible. Ils s'autorisent humblement à faire quelques gestes l'un envers l'autre et se défoncent dans la fiction irréelle. Tout leur est permis dans cet échange loin de l'intimité. Sans frontières, ni barrières: oser ou ne pas oser faire à l'autre ce que l'on souhaiterait ressentir ou vivre.Charlotte Louvel et Noe Chapsal: un couple féroce et hypnotique.


"2048" de Annabelle Loiseau et Pierre Bolo compagnie chute libre

Ça disjoncte

Une joyeuse bande fait la fête sans se douter que le temps passe Le compte à rebours démarre pour cette pièce pleine de pièges, de trappes et d'oubliettes. Attention, les joies et embrassades sont peut-être éphémères et Le Boléro de Ravel ravive souvenirs et mouvements compulsifs à l'envi.Une catastrophe en vue et l'insouciance est menacée. Danger sans panneau indicateur; l'ambiance est fumeuse et inquiétante. Une DJ polaire suit cette meute, cette horde de six danseurs dont une danseuse forte et puissante semble mener le bal.La danse est fluide et belle. Tout retourne au calme. Mais que c'est-il vraiment passé durant ces 2048 secondes?  


"TENDRE CARCASSE" de Arthur Perole CieF

Des petits riens pour une danse à soi.

Intimité et tendresse au menu de cette pièce fort séduisante et émouvante. Nos tics et tocs, nos habitudes et obsessions quotidiennes y sont évoquées en paroles, en gestes adéquats.Et l'empathie se fait maitresse de ce jeu plein d'humour, de recul, de distanciation naïve Être soi et le revendiquer, le dévoiler pour se construire en compagnie des autres et non en "monstre" à dénoncer ou vouloir exterminer. C'est beau et touchant: le geste relaie la paroles et ces quatre personnalités ne nous dissimulent rien. On est proche et complice, en fraternité et vulnérabilité avouée.Un bel aveu de tendresse, de sensible et de beau. Après une danse d'allégresse commune dans des costumes rutilants, des chrysalides sans paillettes éclosent des papillons dans des oripeaux du quotidien. Casse-croute et n'avoue jamais, ça fait trop de bien de s'exprimer: le naïf, la petite, le gay à chevelure, la belle métisse: un portrait de famille composée des plus véridique..  


"RUUPTUUR"de Mercedes Dassy ama brussels

On achève bien les chevaux

Coup de gueule pour cet opus qui pourtant contient en germe tant de possibilités inexplorées. Quatre walkyries échevelées et féroces simulent la révolte sous couvert d'une musique inaudible et vorace. Féminisme outrancier sans nuance et révoltant. De leurs chevaux, sortes de prothèses mal articulées, elles ne font rien que chevaucher le ridicule. Ces structure robotiques dont elles s'affublent restent inopérantes. Mégères et fébriles, vengeresses et porte drapeau d'une émancipation absente. La danse, le mouvement n'adhèrent à rien qu'à  des moulins à vent inefficaces.Ces amazones détrônées auraient pu nous emballer et nous conduire au summum du burlesque. Là, c'est la chute équestre libre et sans appel. Cavalcades et chevauchées vaines, manège pas enchanté du tout: trivial et violent, cet anti manifeste féministe nous plante et ce quatuor au tiercé non gagnant de mécaniques défoncées, mal huilées est indécent.


"TOUT SE PETE LA GUEULE, CHERIE" de Frédérick Gravel DLD

Tout va mâle

Ils sont épatants et à la fois attendrissants ces mâles qui ont du mal à être différents de leur éducation primitive. De la bière à gogo qui explose en mousse, des biscotos et autres attributs masculins pour nous faire bander de joie: et le tour est joué. C'est malin et mutin, bien interprété, solidement affirmé et soutenu pour nous faire éclater de rire. Ou de désespoir tant ces quatre escogriffes québécois semblent sans avenir. Un portrait désopilant de la gente masculine en perdition entre tradition et perte de soi sans issue possible. Torse nu bien sûr et plein de clichés machos mais "vertueux" malgré tout dans leur déclin. Sauve qui peut, ça va de mâle en pire et tout fout le camp!



Festival "Avignon le off" 2024 : trouvailles....

 Quelques trouvailles en allant fouiner et chiner dans le grand bazar du off


A la Manufacture au Chateau Saint Chamand "BARULHOS" de Bouba Landrille Tcouda compagnie Malka

Les bruits du monde

De l'énergie à revendre et offrir pour cette troupe à la technique virtuose dotée d'un sens du rythme inné. De la très bonne musique pour soutenir la chorégraphie tectonique, emballante. Un mur d'eznceintes comme scénographie qui sans être du Pierre Henry sonore demeure un espace visuel très esthétique. Solos et unisson au petit poil, des ralentis parfaits et onctueux pour une pièce inspirée de Bouba Landrille Tchouda. Les bruits du quotidien comme source d'inspiration pour ces six danseurs aux aguets de tout ce qui fait son et sens au pied du mur d'enceintes symbolique.


Toujours au Chateau programmé par La Manufacture "DUOS IMPROBABLES" – Claire Durand-Drouhin, BALLET BRUT. 

Tous différents

Une pièce comme un petit miracle tant elle fait appel à la générosité et au partage. Partages des différences: l'aspect physique, la personnalité des danseurs, bref tout ce qui fait l'identité d'un être humain, artiste. Quant au handicap moteur, celui qui en est "atteint" a autant de chance de danser en duo, en solo s'il est considéré et invité à exprimer son énergie, sa confiance en soi, en l'autre.Un homme privé de l'usage de ses jambes, en fauteuil ou pas sait faire passer le message. On se transporte ici avec joie et bonheur à partit d'une structure, architecture comme un long banc posé et sol qui récupère et fait rebondir les corps qui s'y posent. Duos ou addition de solos de toutes formes pour cette compagnie très à l'aise, débonnaire et accueillante. De beaux portés, une masse de corps soudés, deux estrades pour les accueillir et les faire vibrer. On y a la pêche, le vocabulaire fertile et prolixe: on y parle chinois aussi sur fond de musique live. C'est très engagé, engageant et cela se vit comme une belle lettre à la poste.


"KIFESH 2.0" de Oumar Diallo

"Je suis un voyageur"

Dans le cadre des "Garden Party" au Théâtre des Doms, voici un duo singulier plein de force et d'espoir. Deux danseurs noirs s'y confrontent une demi-heure durant dans la chaleur et la lumière de l'après midi en plein air.Un tête à tête, poids du corps en figure de proue pour signifier le duel, la confrontation, le combat. Mais aussi des appuis solides en "chef" et indéfectibles. Ce duo brodé de mots jetés et lancés au public, "je peux voler", pas vous peut-être...Popping, Locking, et Krump comme langue commune.Israel Nggashi pour donner la réplique, tempérer les élans frondeurs ou simplement danser la diaspora noire africaine.




"YE (L'EAU)" de Circus Baobab Kerkalla Bakala Camara

A La Scala c'est l'émeute: on se bouscule pour voir ces circassiens hors pair nous conter l'eau. Des bouteilles plastiques en pagaille pour nous rappeler que la pollution est omniprésente quant à la consommation de l'eau dite minérale de masse.Une légende guinéenne que cette troupe d'athlètes fabuleux, danseurs, acrobates, circassiens et contorsionniste de surcroit. Du jamais vu en terme de performance physique: des pyramides d'hommes qui montent au ciel, du danger, du risque constamment devant nous. C'est troublant cette histoire d'0 qui trahit notre négligence face à ce trésor indispensable à la vie que nous consommons et gaspillons sans cesse et sans vergogne.Du cirque sans animal avec toute la force animale de ces 13 danseurs prodiges, entrainés comme des bêtes de foire à tout rompre.Nedjma Benchaibauc commandes chorégraphiques de cette performance olympique hors norme. Des sensations fortes pour ébranler nos consciences consommatrices.



"SOUS TENSION" compagnie DTS

Sans détente....

Au théâtre Golovine, une jeune troupe pleine de pêche, d'énergie et de talent. Une heure durant, une dynamique d'enfer fait se succéder les tableaux de choc d'une bande boostée par la jeunesse et l'enthousiasme. Tensions de la vie, des relations humaines pour une danse pleine d’élan et de punch. L'impact de certains maux quotidiens sur notre existence les fait agir, réagir et bondir. Hip-hop et danse contemporaine pour exploser le genre et exploser d'énergie communicative.Comme dans une toile d'araignée les fils tendus emprisonnent les corps: tension tonique d'une architecture éphémère à la Jean Nouvel.


"DE CORRELATION/CORRELATION de ormone

Apparitions sonores

A Présence Pasteur, le fief de la Région Grand Est c'est Aurore Gruel qui nous offre une courte pièce dans le noir et dans l'ombre.Dissocier le son du geste et la musique de la danse est ici son crédo.Alors que la danseuse évolue dans le noir, une musique sourd de ses gestes comme envoutée par le silence et les sons de sa danse. Une expérience hors du commun en compagnie du créateur Hervé Birolini qui nous conduit vers une séance hypnotique de toute beauté.


"LE GLANEUR"

Se payer une étoile

Romain Bertet (l'oeil ivre) investit intra muros La Manufacture. Petit espace à potron minet pour un interprète qui se joue des embûches. Sur son petit scooter de poche il se balade dans sa mémoire et nous conte ses souvenirs d'images animées: le cinéma est source d'inspiration mais aussi de construction de l'imaginaire et le voyage pluridisciplinaire en sa compagnie est riche et fertile en émotions. Le corps conquis et animé par le jeu de tous ceux qu'il semble avoir rencontrés sur l'écran noir de ses nuits blanches.

Festival Montpellier Danse 2024: les valeurs "sûres" et certaines!

 Les "grosses pointures" sont fragiles en danse et nul n'est à l'abri de la répétition, du déjà vu..


Chansons de gestes

Avec "Requiem" au Corum, Angelin Preljocaj échappe à cette fausse idée convenue et nous offre une oeuvre, certes emblématique, mais pas dénuée de surprises.Un spectacle où les émotions dues à la perte d'un être cher sont prégnantes. Entre l'intime et le tribal, Preljocaj rassemble, relie, réunit les religions et toutes croyances figées. Dans une sorte de rituel il soude l'image d"une histoire universelle avec sa grande "H". Les images, fierté pour les danseurs s'y adonnent en gros plans vidéo.Naitre et mourir dès le premier cri. La musique du groupe 79 D est aussi une mosaïque d'images, d'émotions. Le corps pense à l'âme écrivait Spinoza. Trois grappes suspendues en scénographie à la Ernesto Neto délivrent des corps, accouchent de personnages mythologiques. Trois groupes de danseurs les accueillent et la vie peut commencer. Sur fond de musique métal, la danse opère à l'unisson, très angulaire et parfois redondante.Tout s'enchaine sans faute ni heurt. Dans une certaine monotonie, monocordie et mélancolie. Le deuil de corps perdu que l'on traine au fossé, heurte. On les lance en l'air aussi... Des figures rituelles de personnages mystérieux dans de beaux costumes comme devin ou gardien du temple, séduisent. Duos, ensembles impeccables tiré au cordeau rythment l'univers sonore fait d'extraits musicaux choisis; réquiems et autres musiques choisies pour leur impact. L'émotion demeure ténue pour ce spectacle ambitieux, très esthétique aux belles lumières. La perfection de l'interprétation n'appartenant qu'à l'écriture très fouillée de Preljocaj.


Quatuor saisonnier

Anne Teresa de Keersmaeker et Radouane Mriziga avec ""Il Cimento dell'Armonia e dell'Inventione" de Rosas et A7LAS à l'Opéra Comédie est un trèfle à quatre feuilles. La scénographie luminzeuse de départ est cinétique et les barres parallèles en tableau changeant digne d'un créateur plasticien magnétique. Dans le silence et le rythme plastique de ces bandes verticales. Moment d'intrigue et de suspension qui dérange et agace. Et c'est bien! Un solo d'un danseur, virtuose comme il se doit démarre la pièce qui n'aura de cesse de tricoter, démultiplier à l'envi les gestes phares de De Keersmaeker. Les saisons s'enchainent, de l'automne charmant au printemps foisonnant. Tout s'écoule sereinement, les trois autres interprètes masculins se fondant dans ces lumières changeantes. Enjoués, lumineux les interprètes se donnent, sautillent, simulent des "claquettes" dans un duo prestigieux. Un numéro magique qui désoriente et ponctue l'énergie ambiante. Stricte et virtuose. Le baroque s'invite à cette cérémonie, ce quatuor d'abord silencieux puis très loquace. Les saisons s'égrainent, la musique de référence de Vivaldi, remodelée. Les cordes maniérées comme des gestes mesurés. Danse au sol, marquage lumineux en plongée pour une grâce nonchalante. Des emprunts au hip-hop sur fond blanc au final. La lumière comme évocation principale de la succession du temps selon les saisons. Le silence se repose et les corps se taisent." La géométrie, l'abstraction et l'observation de la nature comme crédo.


Cunningham ressuscité

Avec "CRWDSPCR", "Rainforest" et "Sounddance" le CCN Ballet de Lorraine(direction petter jacobson) Merce Cunningham, une fois de plus aposituoone le maitre au  coeur de la modernité et de l'expérimentation. On redécouvre les costumes colorés arlequins à carreau, les lignes et sauts vertigineux de Cunningham. La rigueur, le calcul, au cordeau, le lyrisme et la joie de la chorégraphie innovante de CRWDSPPCR. La vitalité, la coordination jubilatoire sans hasard ni yi-jing de cette oeuvre révolutionnaire émeut!Les ballons qui réfléchissent la lumière étincelante de "Rainforest" sont magnétisme visuel et sensoriel. Les corps sont plongés dans la matière volatile, légère, éphémère et l'apesanteur nait, sensible. La lenteur, les duos, les couples s'enchainent et les jetés de ballons et coups de pieds contrastent avec cette ambiance aérienne, indicible. Nonchalance et singularité pour une scénographie dansante évanescente à la Warhol et Johns de bon aloi! Quand danse et art plastique se rejoignent, la symbiose est organique, sensuelle et véridique. Avec ses rideaux plissés d'où jaillissent les danseurs, tout saute, virevolte en éruption comme des singes habiles. Transports et enthousiasme, humour, sourire et clins d'oeil au "bird", oiseau rare et libre graphiste de l'espace. La musique live électronique, électroacoustique au diapason de ces inventions chorégraphes diaboliques!Les danseurs du Ballet de Lorraine relevant le défi avec volupté et engagement, intelligence et intuition.

Le Festival Montpellier Danse toujours dans l'actualité patrimoniale et inventive comme il se doit grâce à la patte, au flair, à l'intuition de son directeur artistique de légende, Jean-Paul Montanari !