mercredi 17 juillet 2024

"Madame Arthur fait son opéra" et donne de la voix et du corps aux grands airs!


 "Madame Arthur" est un cabaret qui fait parler de lui depuis longtemps...Il expérimente toutes formes de spectacles, du plus "cabaret de la rue des Martyrs" à des spectacles "de poche" ou de plus petite configuration comme c'est le cas en Avignon au Rouge Gorge durant le festival off de 2024.


Opéra de chambre qui déborde de l'estrade et nous conduit d'emblée dans une ambiance torride et enthousiasmante. Menée de mains de maitre par quatre comédiennes, chanteuses, frondeuses, insolentes et charmeuses, dirigées par la pianiste de légende qui les guide et accompagne en toute fausse modestie et intimité. Car ces furies talentueuses aux costumes extravagants sont de toute beauté et charment en empathie contagieuse un public enchanté. En-chanté par des voix extraordinaires qui n'ont rien à envier aux chanteuses lyriques.

Affrontant le répertoire classique de Mozart à Saint Saens, les voilà galvanisées et transportées dans des vocalises subtiles, des phrasés lyriques contrastés et un humour décalé, fou trac et déjanté. Malice, complicité, érotisme tendre ou voluptueux, ou parade "sexuelle" saugrenue interpelant le public. De quoi jubiler et s'envoyer dans les hautes sphères du grand spectacle de divertissement plein de surprises, de retentissement. Au clavier la meneuse de jeu est sublime et indispensable. Du grand art à ne pas négliger.

Du Lac des Cygnes à Samson et Dalila, de Carmen à la variété,un trésor de florilège d'airs d'Opéra passés à la moulinette de la Place Pigalle. On se souvient de "Mourir sur scène" au dernier Festival Musica 2023 à Strasbourg: de quoi étendre un répertoire à l'infini, forever!


Au Rouge Gorge à Avignon le OFF jusqu'au 21 JUILLET

"Close Up" de Noe Soulier: S'ouvrir au monde d'une autre dimension visuelle.


 Noé Soulier exulte les corps, étourdit le mouvement, trace pointes et lignes convergents ou diffracte l'espace à l'unisson des corps qui chuchotent a capella l'ouverture de l'action."Frapper, éviter, lancer" les maitres mots du mouvement qui ont inspiré le chorégraphe se déclinent et conjuguent à l'envi.


Transportés par la présence musicale même de l'Ensemble Il Convito qui interprète des compositions de Bach: des oeuvres contrapuntiques d'une grande richesse rythmique. Les six danseuses et danseuses s'adonnent de façon jubilatoire à des conversions de mouvements, horizontaux, verticaux avec une fluidité et grâce extravagante. Entre perles baroques et danse contemporaine de "répertoire" très assimilée. Simultanément des images vidéo capturées en live sont projetées au dessus des corps mouvants ou les emprisonnant à un second niveau de lecture. Le phénomène de symbiose est rare et précieux qui ne condamne pas le regard sur ce qui est surdimensionné. Le cadrage en direct est savamment anticipé pour donner toute liberté à l'interprète de se mouvoir en même temps sans l'ignorer. Miracle de la technologie de haut vol pour opérer une synthèse visuelle très esthétisante et magnétique. Il n'y a plus qu'un seul point de vue, celui de la caméra. Une petite fenêtre horizontale munie de barreaux les filme au milieu du corps. 


Curieuse impression de mouvement bordé, bercé et magnifié. Une oeuvre très originale, musicale qui échappe à tout critère ou canon , toute référence ou cliché.  La puissance de la danse interrompue galvanise et propulse les danseurs hors de la gravité ou d'un savoir faire pré-existant. La musique transporte en temps réel ces images mouvantes d'êtres dansants dans une flamboyance inédite, surnaturelle. Noé Soulier intrigue et questionne les champs et perspectives de la danse avec un enthousiasme et une profonde réflexion empreinte de polyphonies autant que de singularité. Fugues ou logique imperturbable, la danse est incarnation et narration fictive de toute beauté.


photos Christophe Raynaud de Lage

A l'Opéra Grand Avignon jusqu'au 20 JUILLET dans le cadre du 78 ème Festival d'Avignon

"Quichotte" au festival d'Avignon 2024: Jeanne Balibar et Marie-Noelle guerrières et moulins à paroles débonnaires.


 Voir Jeanne Balibar débouler en "nuisette" légère, armes de carton pâte au poing, chevauchant rêves et illusions est un régal, un miracle: rêveuse, maline, espiègle, diabolique ennemie du mal pour faire l'utopie du bien sur cette planète terre. C'est Marie-Noelle qui introduit en prologue lu et récité de façon presque dérapante et naïve cette farce picaresque et audacieuse. Deux heures durant, le rythme farouche de cette digression chevaleresque laisse pantois. Verve, furie, chevauchée de carton, lancer de hallebardes de pacotille, tout est fragile et sur le fil. Dans une scénographie de fortune et sous des éclairages propices au Jardin  de la rue de Mons à Avignon, l'oeuvre de Cervantes est servie avec humour et distanciation. Dans le plus simple appareil ou presque les quatre comédiens-acteurs se taillent la part belle "Démonter les remparts pour finir le pont" et le tour est joué. Thierry Dupont en Sancho Panza et Gwenael Morin dans le rôle de l'âne, celui qui va son chemin cahin-caha. Frustre et simple, véridique parcours du combattant des moulins à vent fantoches. 


La pêche à la truitelle est bonne et miraculeuse et on se régale de cet humour distancé fait de bonbons a sucer, de cavalcades bigarrées. Balibar, sublime androgyne vertueuse, fascinante, belle, garçonne idéale à la présence et au regard redoutable. Marie-Noelle, désopilante, drôle et malicieuse en conteuse Rossinante, monture qui parle et raconte cette diatribe  au crépuscule du soir sous les platanes protecteurs.Un moment de théâtre inoubliable, inclassable, proche des esquisses et tableaux de Garouste éperdu du conquérant Don Quichotte.

garouste don quichotte

Au Jardin de la rue de Mons jusqu'au 20 JUILLET