mercredi 20 juin 2018
dimanche 17 juin 2018
L'Imaginaire : retour de résidence ! Royaumont à notre porte !
Lors de leur résidence à Royaumont en décembre 2017, ils ont passé une semaine avec les compositeurs Julien Malaussena et Mikel Urquiza, à expérimenter et construire ensemble les œuvres qu’ils leur ont commandées. Le résultat de cette résidence est dévoilé lors du concert, avec la création de ces deux nouvelles pièces! Les compositeurs ont également proposé les autres oeuvres du programme, ceci permettant de montrer plus en profondeur leur univers sonore et leurs inspirations.
Jour de passation entre deux pianistes: l'un s'en va, Maxime Springer, l'autre arrive, Gilles Grimaître, et voici deux petits impromptus à quatre mains, pour mieux les "désunir", les relier, sur un ton vindicatif, affirmatif pour un passage de relais assumé et consenti. Puis quelques notes mélodiques pour associer les genres de ce beau trèfle à quatre feuilles!
Jour de passation entre deux pianistes: l'un s'en va, Maxime Springer, l'autre arrive, Gilles Grimaître, et voici deux petits impromptus à quatre mains, pour mieux les "désunir", les relier, sur un ton vindicatif, affirmatif pour un passage de relais assumé et consenti. Puis quelques notes mélodiques pour associer les genres de ce beau trèfle à quatre feuilles!
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photo r.becker |
Des sons stridents, rapides, claquants, détonants comme des salves, des pétarades sur fond de pluie battante ! En ascension fulgurante ou decrescendo, avec vitesse et rapidité déconcertante, avec une dextérité remarquable, le déversement incessant des notes qui trépignent sur place, obsède. Martèlement, ponctuation humoristique, forte grandioses, bordés de déroulement de sons ininterrompus. Ça coure, s'égrène sans cesse en cascade dans une virtuosité, performance de lacérés, piqués, abruptes.En grondements assourdissants, tonitruants dans les graves fortissimo. Du jaillissement débordant, de la verve et fougue fulgurante !
Une pièce très convaincante et qui "assoit" le talent du nouveau pianiste !
Suit la pièce de Julien Malaussena :"A view on Michelle Agnes ritual" (création mondiale) 10 '
Une oeuvre "potable" !
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photo r.becker |
Tel un laboratoire sonore, sa capacité à mettre en relation les sons, comme un rituel, une vie communautaire que le créateur souhaite inventer, lui qui ne l'a pas vécu, va éclore.
Le saxophone joue des gouttes de musique, plein de l'élément liquide: claquements simultanés, en écho, sons brefs qui gargouillent, éclatent, tournent. L'autre saxophone baigne dans une vasque et engendre une ambiance aquatique, glauque à souhait, potable en diable: ça grouille, gémit, se plaint, crie et les sons se noient joyeusement ! Étrangeté de sons de jungle, barrissements d'animaux, alarme ou alerte singulières, feu d'artifice divergent qui s'éparpille, éclabousse, se répand.Vibre et fredonne aussi ! Bouillon de sons caverneux dans des grottes karstiques, des paysages intérieurs naissent et s’effacent dans un huit clos saisissant. Geysers de lave incandescente, géologie en ébullition, cuisson savante de liquide dans un cratère brûlant. L’archaïsme est proche et tactile dans ce goutte à goutte, ce siphon sonore de plomberie sophistiquée, machinerie complexe d'une tuyauterie sonore riche de surprises ! Ce cataclysme, très animé, dangereux, chaos dissonant, très changeant, en modulation et variations plus calmes est de toute beauté. Tornade, tsunami, tempête ou ouragan comme écrin d'inspiration. Au final, en decrescendo, l’égouttement des percussions sonores renvoie à l’accalmie réparatrice !
Un régal que ce soleil le vent : voir? regarder, Keiko Murakami oeuvrer avec tout son corps parcouru d'ondulations, les pieds tantôt ancrés au sol, ou soulevés sur demies pointes, genoux fléchis. Les doigts magiques de la déesse, flûtiste, faune virtuose, frôlent l'instrument qui prolonge son corps: elle vogue sous le souffle du vent, des vagues, charmeuse, enjôleuse, attirante et gracieuse créature musicienne, ensorceleuse comme ce ruban de musique qui la relie au spectateur. Energie en boucle, enroulés, beaux pliés des genoux, porteurs de l'architecture, charpente du son émanant de son corps instrument: le vent s'y glisse à travers les sonorités, légères, grondantes ou menaçantes.Elle habite l'oeuvre qui lui va comme un gant, enfile les sons, crée du volume et une atmosphère spatiale inégalée.
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Le concert se poursuit avec la pièce de Julien Malaussena : "Face her/him", pour clarinette et sax (2016)
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Le concert se poursuit avec la pièce de Julien Malaussena : "Face her/him", pour clarinette et sax (2016)
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photo r.becker |
Face à face, les deux interprètes s'affrontent dans un duo de sons languissants où le souffle s'étend à part entière: de belles variations à l'intérieur de longues tenues sonores, soutenues, maintenues avec beaucoup de force et d'énergie! Lentes, spatiales, étirées, discrètes. Des sirènes alanguies qui se répondent, se couvrent, entuilées, très linéaires, le phrasé tenu, la respiration lente.Vibrations et fréquences, charnelles, sensuelles, très inspirées. Une expérience sonore et physique individuelle pour l'auditeur captif, en méditation . Des percussions sur les becs des instruments, avec les doigts en phase. Secousses qui se trémoussent: l'atmosphère érotique se concrétise, très vibratile, quand les instruments se pénètrent l'un l'autre.Sexualité affirmée, images plus que suggestives des postures des instruments, érection des sons , massage sonore des tympans pour une vie subtile des perceptions liées à l'écoute musicale planante et salvatrice. De l’inouï pour l'oui, et ces oreilles "qui n'ont pas de paupières" et voient la musique oser des attitudes sensitives fort à propos. Des sons aiguisés, dérangeants, envoûtants, comme en état d'hypnose . Musicale et inspirée!Il faut voir Adam Sterkie, frêle et gracieux et Philippe Koerper, plus massif, pour y croire !
Puis au tour de Mikel Urquiza : "Opus latericium", pour quatuor (création mondiale) pour clore cette matinée musicale de haut vol!
Une pièce très rythmée, dansante, en cadence affirmée, en ritournelle en boucle enivrante, où les traits et combinaisons de sons font halluciner l'auditeur. Le piano saccadé, en toccades et frappés, en fugue, fuites et envolées En alerte, sur le qui vive, chacun se succède, se mêle à l'autre en entrelacs savants, en osmose et symbiose étroite. Vitesse ascendante effroyable, au sommet et zénith du possible, envolées sonores incroyables...
Tempête d'un volume sonre puissant, redoutable, vrombissant, éclatant, submergeant.
Chaos organisé en crescendo fulgurants, puis retour au calme: la pièce est puissante, très agencée, construite en "briques" murales qui se tiennent. En marche aussi, mobiles et allant de l'avant, demeure nomade qui se déplie à l'envi pour un déménagement effectif: de l'immobilier mobile qui se démonte pour mieux voyager et reconstruire. Très perturbée aussi par ces déplacements incessants, exil des sons, déracinement du banal, hors des sentiers battus. Une écriture, une composition très paysagiste, figuration libre qui glisse, coule, à la dérive, dans le flux, filet gracile de sons retenus.
Infime suspension au final qui progresse pour mieux s'éteindre.
Un concert rare et truffé de sensations, comme une cuisine inspirée, intuitive, charnue et à déguster sans modération!
Les interprètes, virtuoses et parfaits performeurs, au "service" des compositeurs, pétris d'imaginaire musical, fertile, et passeurs de sensations frôlant l’irréel plaisir apollinien de philosophes au "gai savoir" nietzschéen ! Et en fin de concert, un apéro, qui permet de rencontrer et de parler avec les artistes. En collaboration avec l’association de quartier « Envie de Quartier »
Au Faubourg 12, le 17 Juin
Plus d'info sur www.limaginaire.org
vendredi 15 juin 2018
"Picasso et la danse"
La BnF et l’Opéra national de Paris explorent les différentes facettes du rapport de Picasso à la danse à travers une série d’oeuvres et de documents rarement exposés en France. Peintre majeur du XXe siècle, Picasso a produit une oeuvre d’une richesse extraordinaire. Bien avant son mariage avec la ballerine Olga, c’est la danse populaire qui suscite l’intérêt de l’artiste. Il croque ainsi le cirque comme le cabaret à travers de multiples dessins. Si son activité de dessinateur de costumes et de décors pour les Ballets russes dans les années 1910-1920 est bien connue, se rappellet-on qu’il a collaboré avec le chorégraphe Serge Lifar pour la reprise d’Icare en 1962 à l’Opéra de Paris ? L’exposition donnera aussi l’occasion de découvrir quelques aspects de la danse dans l’oeuvre de Picasso, des bacchantes et autres faunes dans les estampes d’inspiration mythologique des années1940-1950 aux danses érotisées de la fin des années 1960. Conçue à partir des collections de la BnF et de l’Opéra national de Paris, l’exposition bénéficie de prêts exceptionnels du Musée national Picasso-Paris.
Dans le cadre de « Picasso-Méditerranée : une initiative du Musée national Picasso-Paris ».
lundi 11 juin 2018
"A New Lanscape": un mémorial, joyeux, illuminé de jeunesse !
« Memories (ou l’oubli) » est un projet collaboratif manifeste sur trois ans, un voyage à rebours mais aussi à rebond, une traversée d’une mémoire chorégraphique qui se décline sous la forme d’une publication, d’un objet audiovisuel et, ici, d’un nouveau spectacle. A New Landscape est pour Hervé Robbe : « Une danse qui ne tourne pas le dos à son passé, qui émane telle une anamorphose d’une chambre d’échos et de réminiscences et laisse surgir un autre rituel collectif.» En ne perdant pas la mémoire, notamment celle du corps, il accepte aussi l’oubli. Cette création chorégraphique pour dix danseurs laisse libre cours à une interprétation subjective des sources pour offrir un espace à de nouveaux agencements ou déploiements et à une nouvelle génération. « Trente années de création, je me souviens et puis j’oublie par nécessité à être et devenir...», ajoute le chorégraphe."
Sur scène, une heure durant, c'est la mémoire joyeuse du répertoire d'Hervé Robbe qui se trame et se tisse devant nos yeux!
Pas de nostalgie pour construire ce "panthéon", cet archivage serein d'une mémoire corporelle qui se transmet, se passe et contribue à bâtir un patrimoine de la danse d'aujourd'hui! Les jeunes danseurs, poreux, pétris du style du chorégraphe s'adonnent à laisser vivre et voir sa signature, toute d'un phrasé caractéristique: petits bougés savants, ruptures de rythmes, le tout sous couvert de choix musicaux pointus, variés en adéquation avec un style "baroque" en diable!
Le tout bordé par la présence radieuse de Catherine Legrand, elle aussi transmettant ce petit quelque chose de Bagouet, possédant une gestuelle toute singulière et personnelle. Elle hante le plateau, alors que les jeunes interprètes se fondent dans l'espace très construit, suite de citations des pièces de Robbe, sur "le terrain vague" d'une mémoire rafraîchie, mélancolie salvatrice et bienfaisante.
La pièce se déroule , douce et pleine de quiétude et de suspens; tout de noir vêtus, simplement, c'est la jeunesse qui prend le flambeau, témoin, passeuse elle aussi de cette archéologie du futur!
Alors que sur l'écran, en fond de scène, des images du tout jeune chorégraphe, nous font des clins d’œil d'empathie pour mieux nous glisser nous aussi dans l'osmose de ce palimpseste, ces strates et couches tectoniques d'un pan de l'histoire de la danse, tout court !
Un "temple" neuf, construit, vivant, habité par un patrimoine vif et savant, dédié , non à la conservation en bocal ou conservatoire, mais bien à vivre sur les planches, sur le plateau pour vivifier, raviver un répertoire traversé d'aventures et de partage.
Au Théâtre National de la Danse jusqu'au 9 Juin
"Le Songe": pincez moi, je rêve !
"Avec Le Songe, Jean-Christophe Maillot s’empare de la comédie de William Shakespeare pour en faire un ballet d’une folle originalité. Le tout porté par une troupe au diapason qui éclabousse de son talent cette nuit d’été.
À la tête des Ballets de Monte-Carlo depuis 1993, Jean-Christophe Maillot a su inventer une compagnie de son temps : relecture de classiques, invitation de jeunes chorégraphes... Forte d’une vingtaine de nationalités, cette compagnie rayonne désormais dans le monde entier. « Nous avons toujours eu une double vocation : créer et diffuser », résume son chorégraphe-directeur. En 2005 Jean-Christophe Maillot imagine Le Songe, variation chorégraphique d’après la pièce de Shakespeare. Il met en danse trois univers – ceux des Athéniens, des fées et des artisans –, dans un délicieux précipité de tribulations amoureuses. Les séquences se succèdent à un rythme effréné mettant en valeur des danseurs expressifs qui se révèlent d’étonnants acteurs. Le fantastique dialogue avec le burlesque dans un incessant pas de deux peuplé de lutins et autres créatures. Porté par les musiques de Felix Mendelssohn, Daniel Teruggi et Bertrand Maillot, ce Songe est un rêve éveillé."
"Pincez-moi, je rêve" serait bien le résumé de toutes ces impressions, à la vision du spectacle phare de Jean Christophe Maillot!
Voir et revoir une oeuvre, classée au patrimoine, au "panthéon" de la compagnie, reste un régal jouissif, sur lequel on a déjà tant écrit, mais qui à chaque fois suggère l'enthousiasme, l'empathie, la connivence. Comment de pas être de mèche, en complicité avec cette petite tribu maline et ensorceleuse, ces personnages truculents dont Shakespeare ne renierait en rien, truculence, joie, folie et univers en marge? Dans les décors d'Ernest Pignon Ernest, ils évoluent au rythme de la narration, solide impact de groupe, soudés sur deux demi-lunes, sculptures mobiles et miroitantes. Univers morcelé, demi praticable qui se joue de l'espace, comme une faille ouverte ou refermée. La scénographie lumière, évoquant le trouble, le flou, le vague et l' imperceptible rêve pour les parties vouées au "songe" est de toute beauté !Quant aux costumes jubilatoires, signés Philippe Guillotel, il va de soi, qu'ils sont inventifs, surprenants, seyants et indescriptibles !
Le "mimodrame" fameux des artisans, habite la danse, la gestuelle, les mimiques narratives avec bonheur. Sans caricature de caractère, ni trop plein de maniérisme, les personnages, fous à lier et truculents, opèrent un tableau chatoyant et pictural très réussi. Le "songe" lui, baigne dans le lyrisme, la précision de l'écriture chorégraphique et la douceur des ambiances, vaporeuses dans les fumigènes, brouillard ensorcelant de circonstance.
La compagnie excelle dans ce répertoire, unique creuset de légendes et travaillant avec audace à représenter le monde, celui du théâtre et des arts de spectacle avec justesse, innovation et respect du divertissement.
Une bouffée d'oxygène à consommer sans modération !
Au Théâtre National de la Danse jusqu'au 15 Juin .
"Pincez-moi, je rêve" serait bien le résumé de toutes ces impressions, à la vision du spectacle phare de Jean Christophe Maillot!
Voir et revoir une oeuvre, classée au patrimoine, au "panthéon" de la compagnie, reste un régal jouissif, sur lequel on a déjà tant écrit, mais qui à chaque fois suggère l'enthousiasme, l'empathie, la connivence. Comment de pas être de mèche, en complicité avec cette petite tribu maline et ensorceleuse, ces personnages truculents dont Shakespeare ne renierait en rien, truculence, joie, folie et univers en marge? Dans les décors d'Ernest Pignon Ernest, ils évoluent au rythme de la narration, solide impact de groupe, soudés sur deux demi-lunes, sculptures mobiles et miroitantes. Univers morcelé, demi praticable qui se joue de l'espace, comme une faille ouverte ou refermée. La scénographie lumière, évoquant le trouble, le flou, le vague et l' imperceptible rêve pour les parties vouées au "songe" est de toute beauté !Quant aux costumes jubilatoires, signés Philippe Guillotel, il va de soi, qu'ils sont inventifs, surprenants, seyants et indescriptibles !
Le "mimodrame" fameux des artisans, habite la danse, la gestuelle, les mimiques narratives avec bonheur. Sans caricature de caractère, ni trop plein de maniérisme, les personnages, fous à lier et truculents, opèrent un tableau chatoyant et pictural très réussi. Le "songe" lui, baigne dans le lyrisme, la précision de l'écriture chorégraphique et la douceur des ambiances, vaporeuses dans les fumigènes, brouillard ensorcelant de circonstance.
La compagnie excelle dans ce répertoire, unique creuset de légendes et travaillant avec audace à représenter le monde, celui du théâtre et des arts de spectacle avec justesse, innovation et respect du divertissement.
Une bouffée d'oxygène à consommer sans modération !
Au Théâtre National de la Danse jusqu'au 15 Juin .
vendredi 1 juin 2018
"Paresse" : épater deux fois la galerie sans fatigue : un solo déroutant !
Un jeune homme seul erre dans son lit et ses questions, et se demande entre autres comment il pourrait employer son temps librement plutôt que d’en être esclave.
« Paressons en toutes choses, hormis en aimant et en buvant, hormis en paressant. » Lessing.
« Paressons en toutes choses, hormis en aimant et en buvant, hormis en paressant. » Lessing.
Maxime Kerzanet donne l’occasion de s’interroger sur la question du travail, et pour cela de se vautrer dans le douillet de la cave, à la quête d’une paresse collective. Cette paresse délibère sur le temps, l’ivresse, l’amour.
Cette pièce libère des attentes de l’action et provoque chez le spectateur une ribambelle d’images et d’exploits régénérateurs.
Une cave, quasiment vide, vingt spectateurs, face à face, et au milieu un décor de fortune: table, lit matelas au sol, défait, tapis étalé...Sobriété, mais efficacité de ce dispositif qui frôle le spectateur, agit avec toute la proximité du lieu. L'acteur est là, si proche et entame d'emblée une réflexion sur le processus de création: que va-t-il bien faire pour évoquer le "droit à la paresse" ? Ce seront deux différents personnages, l'un savant et docte metteur en scène, l'autre joyeux "simplet" dont les paroles déferlent d'une voix fabriquée, comique, rauque, proche d'une "singularité de handicap mental"; c'est très réussi et jamais caricatural ! L'un offre à l'autre en cadeau, une dentition de pelure d'orange qui lui tient lieu de prothèse miracle et draculesque, l'autre se rit du rêve et de la réalité, évoquant Schopenhauer, Hegel, convoquant Marx: philosopher, c'est aussi beaucoup de travail pour cet "esclave" du labeur, ce "martyr" de la tâche, ce supplicié du boulot ! Ce sont les poètes qui chantent la paresse, se donnent ce droit, cette liberté de faire le Christ, cagoule et ombre chinoise au poing, en découpe au plafond, en silhouette étirée , belle scénographie d'ombres et de lumière.Il chante cette balade en hommage à l'état d'errance de l'esprit: on prend son temps, on s'étire au pied du lit sur sa paillasse, on rêve avec ces deux lascars et le comédien use d'un don d’ubiquité saisissant ! "Paressons", écrivait Lessing : en robe de chambre, tee shirt avec faucille et marteau , il y a "du pain sur la planche" pour ce travailleur des planches théâtrales!
Une chanson de Gérard Manset, sur les vies monotones, un petit solo en gamme pentatonique et le tour est joué, le voyage de ce troubadour , anti- héros du labeur opère et nous embarque dans la poésie de l'instant partagé, là, tout près de lui. Le "travail" du poète est rude et fatiguant, on compatit avec sa charge et ses tâches exténuantes. Avec un "gros ventre" factice Paulus Lafargus devient trivial et accessible au plus grand nombre, quitte ses habits de philosophe et rend hommage à Armand Gatti: "il n'y a de révolution que celle du soleil". Quelles blagues bien placées, encore quelques notes de guitare, un chant romantique en chambre d'écho, et déjà, la pièce se referme, la cave se vide et les reliefs du décor se figent. Un livre recouvert de terre, muet comme une tombe sur son petit tabouret, demeure en témoin de ce qui vient de se passer: une communion, petite cérémonie rituelle pour public averti, charmé .Maxime Kerzanet, comédien qui se dédouble à l'envi avec talent, nous livre ses multiples facettes et celle d'un auteur qui lui a inspiré une diatribe librement interprétée, adaptée à cette "galerie" souterraine à amuser, épater deux fois : un beau travail de fourmi, de taupe pour underground inspiré, sensible.Un pistolet viendra ébranler les esprits, sans flinguer l'ambiance ni provoquer de suicide improductif. Maiakovski rôde dans l'ombre et semble ressusciter.
Cette pièce libère des attentes de l’action et provoque chez le spectateur une ribambelle d’images et d’exploits régénérateurs.
Une cave, quasiment vide, vingt spectateurs, face à face, et au milieu un décor de fortune: table, lit matelas au sol, défait, tapis étalé...Sobriété, mais efficacité de ce dispositif qui frôle le spectateur, agit avec toute la proximité du lieu. L'acteur est là, si proche et entame d'emblée une réflexion sur le processus de création: que va-t-il bien faire pour évoquer le "droit à la paresse" ? Ce seront deux différents personnages, l'un savant et docte metteur en scène, l'autre joyeux "simplet" dont les paroles déferlent d'une voix fabriquée, comique, rauque, proche d'une "singularité de handicap mental"; c'est très réussi et jamais caricatural ! L'un offre à l'autre en cadeau, une dentition de pelure d'orange qui lui tient lieu de prothèse miracle et draculesque, l'autre se rit du rêve et de la réalité, évoquant Schopenhauer, Hegel, convoquant Marx: philosopher, c'est aussi beaucoup de travail pour cet "esclave" du labeur, ce "martyr" de la tâche, ce supplicié du boulot ! Ce sont les poètes qui chantent la paresse, se donnent ce droit, cette liberté de faire le Christ, cagoule et ombre chinoise au poing, en découpe au plafond, en silhouette étirée , belle scénographie d'ombres et de lumière.Il chante cette balade en hommage à l'état d'errance de l'esprit: on prend son temps, on s'étire au pied du lit sur sa paillasse, on rêve avec ces deux lascars et le comédien use d'un don d’ubiquité saisissant ! "Paressons", écrivait Lessing : en robe de chambre, tee shirt avec faucille et marteau , il y a "du pain sur la planche" pour ce travailleur des planches théâtrales!
Une chanson de Gérard Manset, sur les vies monotones, un petit solo en gamme pentatonique et le tour est joué, le voyage de ce troubadour , anti- héros du labeur opère et nous embarque dans la poésie de l'instant partagé, là, tout près de lui. Le "travail" du poète est rude et fatiguant, on compatit avec sa charge et ses tâches exténuantes. Avec un "gros ventre" factice Paulus Lafargus devient trivial et accessible au plus grand nombre, quitte ses habits de philosophe et rend hommage à Armand Gatti: "il n'y a de révolution que celle du soleil". Quelles blagues bien placées, encore quelques notes de guitare, un chant romantique en chambre d'écho, et déjà, la pièce se referme, la cave se vide et les reliefs du décor se figent. Un livre recouvert de terre, muet comme une tombe sur son petit tabouret, demeure en témoin de ce qui vient de se passer: une communion, petite cérémonie rituelle pour public averti, charmé .Maxime Kerzanet, comédien qui se dédouble à l'envi avec talent, nous livre ses multiples facettes et celle d'un auteur qui lui a inspiré une diatribe librement interprétée, adaptée à cette "galerie" souterraine à amuser, épater deux fois : un beau travail de fourmi, de taupe pour underground inspiré, sensible.Un pistolet viendra ébranler les esprits, sans flinguer l'ambiance ni provoquer de suicide improductif. Maiakovski rôde dans l'ombre et semble ressusciter.
D’après Le droit à la paresse de P. Lafargue et autres textes. Mise en scène et jeu de Maxime Kerzanet. En coproduction avec la compagnie Science 89 (Nantes)
Dans le cadre du Festival de Caves 2018, à Strasbourg les 1 et 2 Juin, 20H
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