vendredi 27 décembre 2013

La danse du ventre du poisson électrique!

  La nageoire anale du poisson électrique Eigenmannia virescens oscille selon deux mouvements antagonistes, ce qui confère stabilité et manœuvrabilité à l’animal.

 


Certains animaux, tels le colibri ou des espèces de poissons électriques, ont une maitrise exceptionnelle de leurs déplacements. Le colibri peut ainsi se déplacer très vite d'une fleur à une autre et s'arrêter en vol stationnaire pour se nourrir de nectar. Les poissons électriques peuvent, de la même façon, se maintenir en nage stationnaire dans un courant et avancer ou reculer brusquement. En examinant de plus près ces animaux, on découvre qu'ils font des mouvements qui ne semblent pas participer directement au déplacement. À quoi servent ces mouvements en apparence inutiles ? Noah Cowan, de l’Université Johns Hopkins à Baltimore, aux États-Unis, et ses collègues, ont montré que la double oscillation de la nageoire anale (située sous le ventre) du poisson Eigenmannia virescens, lui confère à la fois stabilité et manœuvrabilité.
Ces deux critères sont considérés par les ingénieurs comme antagonistes. Un système est stable s'il résiste à toute perturbation qui pourrait altérer sa trajectoire, tandis qu'à l’inverse, il est manœuvrable s’il peut changer de direction rapidement avec un minimum d’effort. Le monde animal offre cependant des exemples qui concilient ces deux critères. Le prix à payer est une dépense d’énergie supplémentaire pour réaliser des mouvements qui ne participent pas directement au déplacement.
C'est le cas du poisson électrique E. virescens, dont la nageoire anale effectue un mouvement ondulatoire particulier. Constituée d’environ 210 arêtes reliées par une membrane et chacune contrôlée par plusieurs muscles, cette nageoire s’étend tout le long du ventre. Sa partie antérieure oscille dans un sens tandis que la partie postérieure oscille dans l’autre sens. Cela engendre deux forces antagonistes, l’une orientée vers l’avant et l’autre vers l’arrière, comme deux hélices alignées qui tourneraient en sens inverse.
N. Cowan et ses collègues ont étudié le rôle de cette double oscillation par plusieurs approches. Ils ont filmé avec une caméra ultra-rapide – à 100 images par seconde – le mouvement de poissons électriques placés dans un courant de vitesse variable. Les poissons étaient encouragés à maintenir une position stationnaire pour rester cachés dans un petit abri. En faisant varier la vitesse du courant, les chercheurs ont observé que le point nodal de la nageoire – le point qui sépare les deux parties oscillant de façons opposées – se rapproche de la queue quand la vitesse augmente. En augmentant la longueur de la partie de la nageoire qui oscille en egendrant une force dirigée vers l'avant, le poisson compense la force d’entraînement du courant. Cette adaptation aux variations de vitesse se fait facilement, ce qui implique une grande manœuvrabilité.
Par ailleurs, les chercheurs ont modélisé le double mouvement d’oscillation. Ils ont montré que celui-ci crée une force d’amortissement qui augmente la stabilité du poisson en réduisant les effets liés à des perturbations. Ils ont ensuite construit un robot équipé d’une nageoire anale reproduisant le mouvement de E. virescens, et qui leur a permis de confirmer leurs observations. En outre, cela suggère des pistes pour construire des véhicules à la fois stables et manœuvrables.
Le supplément d’énergie à fournir en vaut-il la chandelle ? En théorie, E. virescens pourrait très bien parvenir au même résultat avec une oscillation simple de sa nageoire. Mais cela nécessiterait de mobiliser plus de ressources cognitives pour corriger les perturbations ou amorcer un changement de direction. La double oscillation, qui semble être un mouvement plus complexe, amortit en fait d'elle-même les perturbations, et facilite les changements de direction. Ainsi, les ressources cognitives seraient moins mobilisées par la locomotion, permettant au poisson de se consacrer à d'autres tâches.

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire