mardi 20 mai 2014

"Plume" de Henri Michaux:traces et signes en envolées: son truc en plumes!

Un livre, c’est comme un oiseau : on le porte sur son épaule, il vous suit, vous précède, vous accompagne. C’est le « porté » du danseur et de la danseuse !.
« Plume » de Henri Michaux fut ce compagnon : un recueil de récits très courts (quelques pages au plus), mettant tous en scène le personnage de Plume dans des « aventures » parfois cocasses ou rocambolesques, parfois surréalistes. Le titre de Plume fait référence à la légèreté du personnage, un personnage sans épaisseur ni volonté affirmée, qui se laisse la plupart du temps porter par les événements.
Je m’y reconnaissais, la plume au vent, ou au bout des pieds comme une Pégase, amazone vivante, danseuse parcourant l’espace. La « donna mobile »! « Plume » découvert chez Gilberte Cournand à la Librairie de la Danse, rue de Beaune à Paris d’où je ressortais aussi avec « Catherine, la danseuse » de Robert Doisneau ! Je sautillais de joie, intriguée par ce titre : à quinze ans, on rêve d’apesanteur, de futilité et surtout pour moi, de danse. Je m’amusais à le chanter, ce texte, à lui donner vie, le rythmer comme il était écrit :en phrasés, vif, alertes, mobiles. En mouvement, en souffle, en respiration. Comme pour accompagner mes ascensions sur la butte Montmartre où je vivais. En kilo de plume, pas de plomb !

Le chapitre « Plume au plafond » me ravissait : un homme collé là-haut, en apesanteur, au royaume des mouches : comment allait-il s’en sortir ? Ne pas se faire plumer, ni se remplumer à son insu ! Ou bien être « déplumé », à vif, à nu… Au choix ! Plume, c’est aussi Charlot pour moi, ce danseur de la toile !
Puis j’ai découvert Michaux, peintre, avec ses « pattes de mouche » à l’encre de chine…Elles dansaient aussi, ces traces, ils fusaient, ces coups de pattes, pleins, déliés à l’appui. Ce fut aussi un « appui » pour moi, le même dont on parle aujourd’hui en danse contemporaine. S’appuyer, trouver son ressort, son centre, sa place pour mieux rebondir du sol, s’envoler, prendre son envol, quitter le « nid » familial ! L’écriture de Michaux est une danse, une calligraphie qui respire, se meut, vibrante, fébrile, frétillante ! Je le lisais à mon professeur, Jacqueline Robinson , à l’atelier-studio de l’avenue Junot.

Aujourd’hui je prends la « Plume » et songe à cet « homme paisible » : « Etendant les mains hors du lit, Plume fut étonné de ne pas rencontrer le mur. « Tiens, pensa-t-il, les fourmis l’auront mangé… » et il se rendormit. « 
Je le parcours encore, avec pour concurrent sa « Vie dans les plis » ou  « Le nuage en pantalon » de Maïakovski, ce futuriste allumé, sans toit ni loi !
« Plume » de Henri Michaux poésie Gallimard  1938

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