lundi 11 décembre 2017

"Yama": Damien Jalet et le Scottish Dance Theatre: une vision "siphonnée" du monde.

Des créatures mythologiques ensorcelantes dans une impressionnante scénographie et une chorégraphie hypnotique au Festival de Danse de Cannes 2017
Dans une impressionnante scénographie du plasticien Jim Hodges et sur une musique sombre et claustrophobe de la Winter Family, YAMA explore les récits mythologiques relatifs aux montagnes. Le Belge Damien Jalet signe une chorégraphie hypnotique inspirée par les rituels païens et animistes des montagnes de Tohoku, au Japon. Jalet a déjà réalisé des productions avec Akram Khan, Sidi Larbi Cherkaoui (avec qui il a remporté en 2011 le Laurence Olivier Award pour Babel) ou encore Marina Abramovic (une interprétation du Boléro pour le Ballet de l’Opéra de Paris). Le Scottish Dance Theatre est la compagnie de danse contemporaine la plus connue d’Écosse, placée sous la direction artistique de Fleur Darkin. Cette compagnie réalise chaque fois des créations osées et passe régulièrement commande à des chorégraphes de renommée internationale, comme Jo Strømgren, Anton Lachky et Victor Quijada – débouchant systématiquement sur des productions osées grâce à une équipe dévouée d’excellents danseurs. 
Surprise que l'apparition de créatures issues d'un geyser, cratère de volcan, ou termitière géante, pulsant aux sons d'une musique magnétique! Sortis d'une matrice, accouchant de créatures inouïes, des corps mêlés, anonymes figurent des architectures et formes inconnues, fascinantes, énigmatiques.
Un corps se hisse d'une béance, origine du monde, matrice nourricière, suivi des mouvements telluriques et volcaniques d'êtres singuliers, hybrides, monstrueux. Créatures asexuées, sculptées par la lumière. Telles des esprits incarnés se mouvant dans une nudité apparente, lisse.Masse compacte de corps mêlés, entrelacés, solidaires Véritable vision onirique à la Jérôme Bosch, d'un enfer ou paradis...Chevelures blondes de harpies en furie, s'ébrouant en rythme frénétique, hallucinants. Scandant un rythme infernal de spirales et tourbillons échevelés. On songe à des vermisseaux, éclos, évoluant de façon très organique. Un univers visionnaire inspiré des voyages au Japon de Damien Jalet! Extases et transes de mouvements frénétiques, répétés dans des costumes à ramage et extensions multiples; ce forme un amas singulier de corps agités de tissus noir et blanc zébrés,en bandes débridées. Rêve et cauchemar très visuel, danse plasticienne, icônes de danse de sorcière à la Wigmann, totem et alignement de corps non identifiables, sans égo, ni sexe repérable!
Expulsion, pulsion, fusion de scories en ébullition, lumineuses et organiques sur un plateau, espace réduit, lieu à bascule improbable, arène extrême des possibles pour des interprètes rompus à la virtuosité du déséquilibre!Tel un siphon aspirant les corps un par un, la matière reprend ses enfants, comme chez Anish Kapor ou Charles Fréger,facteurs et  témoins de cette sauvagerie dans l'art d'aujourd'hui Un spectacle comme une palpitation exaltante des formes animées par un bestiaire fantastique digne des plus belles légendes nippones.Très inspirée, cette danse enivrante, bachique, rituel votif endiablé, construite dans un espace restreint,se délivre, compactée pour un impact solide, vivant, incandescent, éruptif. Lumières et matières explorées pour un voyage nippon, une intrusion remarquable au pays de la spiritualité incarnée, païenne de toute beauté!
Damien Jalet passe et transmet sa fébrilité, sa "futilité" frémissante et contagieuse aux danseurs d'un ballet singulier, ouvert à tous les possibles. Animisme et culte dansé qui fera date dans le courant de l'Art, plastique et éphémère de la création contemporaine.


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