dimanche 24 mars 2019

"Cortège(s)" : soulevez vous, vous serez plus léger !

Texte et mise en scène Thierry Simon
Texte publié aux Éditions Lansman
La Lunette Théâtre

"« Marion dit que jamais un mouvement qui a changé les choses n’a pu s’abstenir d’une présence dans la rue. Que celui qui dit non, le fait d’abord avec son corps, dans la rue, et que ses gestes sont les mêmes depuis des lustres, que c’est fort et beau, et fragile et humain… » A Paris, en pleine manif, le cœur de Marion, dix-sept ans, cesse de battre. Elle s’effondre entre Place d’Italie et Nation, brisant la vie de sa mère Viviane, anéantissant sa fulgurante histoire d’amour avec Reda, ébranlant les certitudes du lieutenant Meurey, chargé de l’enquête et de tout un cortège d’individus liés à sa tragique disparition…

Cortège(s) est le « roman d’une pièce » imaginé par Thierry Simon pour un chœur de comédiens en mouvement, exprimant la multitude d’une manifestation sociale, son rythme, ses battements, son urgence, l’accélération et la condensation du temps et les trajectoires singulières des individus pris dans ce mouvement."
Insurrection
Quand démarre l'action, c'est aux barricades que l'on songe: ils sont sept, sur le pont, sur le "haut du pavé", déclinaison en pente du plateau, comme surélevés, déjà en état de révolte.
 Sept à se soulever, éructer un texte fondateur de révolte, de solidarité, de jeunesse ébouriffée par la soif de justice, de justesse. Marion est morte, sacrifiée à la bassesse des us et coutumes des gardiens de la paix, des gens d'arme..On reste pantois devant tant d'allégresse, de joie car la révolution des corps en mouvement, n'est pas ni défilé, ni démonstration de force: c'est la cavalcade, le "cortège", funèbre ou joyeux d'une "redoute" vivante qui se soulève et fait des vagues. Un préfet imbu de lui-même qui rêve de son Cantal natal, de ses sallers et autre saint nectaire alors que son devoir l'appelle: réprimer, étouffer dans l'oeuf,les "casseurs" et empêcheurs de tourner en rond, en "routine" cette danse trad qui revient à son origine comme une révolution autour du roi soleil.
Car c'est de danse dont il est question ici: sur le plateau tournant, la conseillère psychologue patine, recule, trépigner et stagne alors que brûlent les planches sous les pieds des insurgés.Danse en parcours, en échappées belles, en groupe soudé par les coudes, corps compactés comme un tout qui avance et progresse dans l'espace sagittal.
Danses des êtres qui se rebiffent, se rebellent, Les sept comédiens, à chacun sont personnage, tiennent le plateau quasi deux heures durant, texte en bouche, cortex incarné et les gestes se font chaloupes et déhanchés, courses et sauts dévastateurs d'espace. 

Vidal Bini accompagne ici cette horde, meute ou tribu en lutte: le théâtre est art de combat, comme la danse et chacun trouve son état de corps pour mieux l'exprimer. Le cercueil de Marion comme charge à transporter, à soutenir pour maintenir hors de l'eau  dans les mémoires la bêtise humaine sans fondement.
A la façon de Didi Huberman dans ses "soulèvements" où les foules agitent et regroupent leurs forces pour faire bloc et avancer de concert, corps de métier, chorus et choeur mêlés pour mieux s'opposer. A l'ordre établi, à la "connerie" humaine.On songe à "Insurrection Codicile" d'Odile Duboc ou à la révolution française selon Albert Soboul: le peuple en mouvement dans une parade frémissante, vivante, é-motion, qui émeut et met en mouvement, le chant, la voix, la grâce et la félicité de la lutte entamée pour mieux occuper l'espace, être du "milieu", au centre , noyau de l'action et du mouvement. Point de départ d'une mise en scène et d'un jeu nuancé, ferme, déterminé, convaincant et fertile en rebondissements multiples 
Cortège(e), comme une chanson de geste sur les barricades: sur les pavés, sur les réseaux sociaux bien sur qui décalent temps et espace dans leur immédiateté redoutable!
Texte au poing levé, au pied léger pour cette ode à la fraternité, à la jeunesse et à l'illusion généreuse d'une génération qui rêve encore de changer la personne!
Le proviseur du lycée n'a qu'à bien se tenir debout face aux vagues et assauts de cette communauté très labanienne, contre vent et marée, brandissant sa verve et son audace sur les banderoles et  calicots de son innocence!

Au TAPS Laiterie jusqu'au 24 Mars

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire