samedi 29 février 2020

Jean Lorrain: concert d'Adieux. Faire la révérence... Et se retirer comme les vagues....à l'âme. A lames!

Salut l'artiste!

"Il n'est pas simple de vieillir..... surtout à l'Opéra. On a rarement l'âge du rôle. Ni Pamina , ni Don Giovanni, ni Carmen, ni Werther ne sont des sexas! Ou alors, on raconte une autre histoire... justement.L'amour est la grande affaire de l'Opéra. Balayons d'un revers de contre-ut les objections concernant les emplois, chantons ce qui nous chante, parce que le cœur a ses raisons. Revisitons Mozart, Donizetti, Verdi, Tchaïkovski, Massenet,Puccini,Catalani, Bizet, Strauss et Gershwin, ce répertoire tant aimé, pour notre plaisir et,nous l'espérons, celui des auditeurs. 

Dominique Charras- soprano, Jean Lorrain baryton-basse, Charles Slusznis piano


Soubrette, et galant en collerette et jabot blanc, coquins, malins, les voilà qui font irruption sur la scène du Munsterhof. Le ton est donné: ce sera duos et solos, Mozart qu'on "assassine" à bon escient, total respect des œuvres mais aussi digressions et métamorphoses d'un "Répertoire" classique traité à bâtons rompus par nos deux escogriffes, férus de musique, amoureux de l'opéra. "Andiamo", donc pour ce solide marathon construit dans des lumières adaptées à chaque circonstances, du rouge et orange vermillon ou carmin, au bleu dramatique et bien sûr au rose de l'amour, thème qui va border tout le récital. Des "séniors" qui s'ignorent? Pas vraiment car la force de l'âge et la maturité les habitent, l'expérience de la scène et de la mise en scène, de surcroit.!
Un "sénior" amoureux que cet homme en frac noir, touchant et pathétique Gremin - Eugène Onéguine - avec sa canne, tel un Lambert Wilson épris, transit d'amour.

Ehpad-tant !
Un duo transposé dans un EHPAD où Porgy and Bess de Gershwin se présentent comme deux adorables pigeons, tricot et déambulateur au poing, peignoir et tablier rétro avec bavoir, médicaments et autre attentions délicates, preuves d'amour et de bonté! C'est désopilant, décapant et très touchant. Tendresse oblige. On transpose, on malmène le répertoire pour le rendre plus vif, plus "contemporain" en léger décalage.
Coince-ci danse ! Ça coince ! Dans les articulations.....peut-être, mais pas dans la voix !
Encore un beau duo de Jean Lorrain et Dominique Charras, Dulcinée et Don Quichotte où la prière se fait message de la fleur de l'âge et acte d'amour fou...
Question d'opérette aussi où le thème de l'amour plus primesautier vient à bon port pour illustrer le thème de l'âge qui grandit les âmes transies: Strauss que nous décrit Jean, maitre de cérémonie, Monsieur Loyal qui sert les entremets, les interludes de ce festin de Babette musical. En animateur et serviteur averti, le comédien-chanteur introduit chaque pièce, les parodie et nous invite à s'y glisser, avertis des dangers, pièges de l'amour, variés, toujours présents, "vaches" ou attendrissants. Digressions, interludes savoureux comme des contes ou petites histoires intrusives dans ce monde secret, cabinet de curiosité de l'amour des "anciens" .Vous reprendrez bien un peu "d'élixir d'amour", viagra tonique pour amour chancelant ? Un vieux et riche prétendant, lunettes noires à la Lagerfeld, devant une pauvrette pas si innocente et tout le monde y trouve son compte; Même Brigitte et Emmanuel (Macron) caricaturés sobrement mais très efficacement. Donizetti ne se facherait pas pour autant, ni Richard Strauss devant Salomé, tout de voiles noirs revêtue, qui livre sa passion à un conteur d'Oscar Wide, très convainquant: comédien autant que chanteur, Jean Lorrain se rit des embuches vocales, contourne la virtuosité en autant de pirouettes et chiquenaudes ainsi que Dominique Charras, qui excelle dans Mozart et se fait complice de son partenaire à la voix chaude de basse, vibrante, timbrée comme pas possible dans les graves!
Et l'amour à mort, dans tout cela? Le voici avec Don Juan, petite danse macabre avec des masques de la camarde, tel un pilier des anges qui tournoie, tourniquet de la fatalité, de la destiné, chapiteau, colonne à deux têtes. Belle mise en scène dramatique, clin d’œil à une dramaturgie légendaire qui troque ici sa gravité contre une vivacité et intensité ludique de bon aloi.
Casa Verdi
Verdi aussi pour pâlir devant l'interprétation revisitée, transformée, adaptée et transposée de son œuvre. Que du talent de musicologue avec ce programme érudit, attestant d'une "sérieuse" culture pas-sage et imprégnation musicale de la part du protagoniste de la soirée: que l'on se tienne bien, la situation est grave mais pas désespérée pour ces deux personnages en quête de reconnaissance amoureuse et légitime !

Vous êtes du genre...à brouiller les pistes: on sème le trouble et la zizanie!

Du Puccini en "Gianni Schicchi" chanté par un homme et c'est le grand "dégenrement" !
Plus de frontières, ni de convention, ni de bienséance: on inverse les genres et les rôles et tout tient debout ! Un petit Mozart dégenré, "Voi che sapete" du même acabit, les cherubino n'ont pas de sexe, et le tour est joué. Pari gagné, tenu que cette ébouriffante "session", opéra-péro apéritive d'un savoir- faire de mise en scène et chorégraphie,remarquable, ne blessant personne, ni le répertoire, ni les compositeurs encore moins le public, conquis et nombreux, de cette soirée d'adieux...
Transgressons encore un peu en affrontant le grand "répertoire" avec quatre ou cinq solos de référence et surtout Carmen de Bizet où Jean Lorrain fait l'échappée belle en Carmensita redoutable, dansant et montrant le frétillement de ses gambettes, petite danse flamenca virulente, bien dosée, posée par Myriam Dasque en coulisses chorégraphiques. On songe au travail de Jean Lorrain avec Renate Pook ou Cathy Dorn et l'on salue ces empreintes bénéfiques, modelées façon Jean Lorrain.....Une habanera magnifique où l'on irait bien s’encanailler avec Lillas Pastia sur les remparts de Séville  où auprès de cette "fleur que tu m'avais donnée" interprétée par Dominique Charras,rayonnante et très à l'aise.Une petite seguedille pour ornement, les jambes de Jean comme des compas dansants très "érotiques" !
"Andiamo", leitmotiv de cette soirée inoubliable où comme Chaplin, les deux héros s'en vont, de dos, pour mieux réapparaitre lors de deux rappels mozartiens de toute beauté!
Adio! Ciao l'artiste! Jean sans peur et sans reproche s'en va, tirant sa révérence, se faisant la belle à l'anglaise devant ses deux complices qui eux, continueront de tenir la scène.
Le pianiste les bordant de son interprétation fidèle compagne du spectacle avec dévotion, discrétion et beaucoup de talent! Charles Slusznis aux commandes de ces péripéties, divagations salutaires dans le panthéon de l'Opéra et des ses anti-héros "finissants", séniors "éhpadants" dans la "Casa Verdi" de l'âge florissant, flamboyant !
Le plus bel édifice dédiés aux musiciens -amoureux- à la retraite à Milan!

Humour, j'écris ton nom.Adios ou "andiamo": allons de l'avant !
Toujours, les "beaux et vieux jours "sont radieux !!!

Et l'on termine autour d'un pot participatif fort sympathique, réunissant le nombreux public, conquis et heureux !

Ce concert est soutenu par l'association "A livre ouvert- wie ein offenes Buch»
pour soutenir la lecture et l'animation auprès de publics différents "dégenrés" aussi !!! 
Au Munsterhof les 28 et 29 Février à 20H Strasbourg 

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