samedi 8 février 2020

"Le reste vous le connaissez par le cinéma" : fête des mères à la Saint Valentin !

Le reste vous le connaissez par le cinéma

© Mammar Benranou

Texte Martin CrimpD’après Les Phéniciennes d’EuripideMise en scène et scénographie Daniel JeanneteauAvec Solène Arbel, Stéphanie Béghain, Axel Bogousslavsky, Yann Boudaud, Quentin Bouissou, Jonathan Genet, Elsa Guedj, Dominique Reymond, Philippe Smith, et en alternance Clément Decout, Victor Katzarov

La pièce de Martin Crimp − auteur britannique vivant, joué dans toute l’Europe − est une réécriture des Phéniciennes d’Euripide. Elle raconte le combat à mort que se livrent deux frères, Étéocle et Polynice, pour gouverner Thèbes. Fidèle à la trame d’Euripide, l’auteur y apporte une transformation : le chœur, composé de « Filles » d’aujourd’hui, prend la place centrale. C’est cet anachronisme qui intéresse le metteur en scène Daniel Jeanneteau : la rencontre du mythe catastrophique d’Oedipe et sa famille et de ce chœur contemporain d’adolescentes, interrogeant l’état du monde dont elles héritent. Qu’est-ce que la tragédie ? Notre monde s’est-il construit sur une antique somme d’erreurs ?

Serions-nous au collège, avec tables et chaises du cru, mobilier d'école, habité par de jeunes recrues toutes en couleurs, décontractées..C'est elles qui ouvrent le bal, entonnant à notre égard une série-inventaire- de devinettes, d'énigmes aussi absurdes les unes que les autres. Le Sphinx veille sur cette petite population agitée et vive: "Œdipe Roi" ? OK..On connait Pasolini, alors place à autre chose. A Jocaste, Dominique Reymond, longue silhouette noire qui se glisse dans les failles de l'espace et se meut, dansante, fluide, épousant le texte de la narration de l'Histoire: fondamentaux de notre psychanalyse: le récit d’Oedipe et de sa famille. Elle le danse, l'incarne telle Susanne Linke, danseuse d'expression allemande.
SUSANNE LINKE

Survient Antigone, jeune fille moderne, jupe plissée complexe qui hurle et vocifère du haut d'une rampe d'embarquement fragile: hystérie du malheur et de la destinée.
La violence de son attitude est renforcée par celle de ses deux frères, Polynis et Eteocle: tout ici est "sanguin" à fleur de peau: un mouton à sacrifier, douce créature innocente en fait les frais, plutôt dans un registre comique qui détend l'atmosphère sidérante.
Du sang sur les vêtements de Créon, sur les assasins malgré eux, victimes et bourreau de la destinée implacable, impitoyable qui les saisit.
Le chœur pour commenter, "à l'ancienne" les péripéties et rebondissements de l'action, choeur de jeunes filles fofolles, innocentes figures de la jeunesse.
Antigone, celle qui domine la foule "de cuivre et d'étain", devient "folle" et dans une scène troublante, Solène Arbel convainc et séduit.
Jocaste celle à qui l'on fête la Saint Valentin en même temps que la fête des mères...
Alors, laissez vous aller à la découverte d'une "légende" revisitée par texte et mise en scène d'aujourd'hui, qui magnifient les corps et animent le plateau de jeunesse, de tracas, de drame, de sang et de cadavres exquis...
On suit, haletant, le cours des choses, embarqués dans les eaux du fleuve, dans la mythologie, si proche de nos fondamentaux: les muscles profonds du corps pour expurger fautes, et malheurs, flagellations et culpabilité.
Les Phéniciennes n'ont qu'à bien se tenir et Daniel Jeanneteau, boosté par le texte iconoclaste de Martin Crimp, de nous renvoyer à nos fantasmes freudiens de façon très salutaire.
La jeunesse du chœur, enthousiasmante pour berceau d'espoir et de rémission!



Daniel Jeanneteau est metteur en scène et scénographe. Il a été directeur du Studio – Théâtre de Vitry de 2008 à 2016. Il dirige depuis 2017 le T2G–Théâtre de Gennevilliers, centre dramatique national. Les spectateurs du TNS ont pu voir ces dernières années deux spectacles co-mis en scène avec Marie-Christine Soma : Feux, d’après August Stramm, en 2008 et Ciseaux, Papier, Caillou de Daniel Keene en 2011.

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