jeudi 6 février 2020

"La chute des anges": Icare se taille la part des anges!


De Raphaëlle Boitel / Cie L’Oublié(e)
© Marine Levitskaya
Coproduction
Ce spectacle fait partie de l’abonnement Parcours Danse
La nature a disparu dans ce monde, peuplé de grands bras mécaniques et d’êtres formatés. Des hommes et des femmes, tels des artefacts, s’exécutent sur une terre dévastée. Et pourtant, ils s’accrochent à la vie, tentent de retrouver un langage, prennent de l’élan pour un nouvel envol. De quelles forces disposons-nous pour renaître du chaos ? À la croisée du cirque et de la danse, Raphaëlle Boitel convie le futur pour parler du présent. Mât chinois, voltige, chorégraphies et inspirations cinématographiques sont ici convoqués avec virtuosité pour interroger les défis écologiques et humains de notre société.

C'est une apparition mystérieuse, portée par un bras de grue, poursuivie par un faisceau de lumière qui nous invite au rêve...
Tel un robot, il aterrit sur des notes de musique surannée...D'étranges créatures apparaissent, en pardessus maintenus par des cintres: sans tête comme des mannequins dans la salle des pendus d'un carreau minier...Valse dans les airs de ces pantins fabuleux, accrochés à leur destin: manipulés, entravés par la pesanteur malgré leurs échappées dans l'apesanteur. Beau tableau surréaliste, suspendu aux cimaises de la boite noire du théâtre. Vision performante pour rentrer dans l'univers singulier de Raphaelle Boitel: dans la penderie, les habits dansent...
A la Magritte, très plastiques.Dans une raideur et mécanique bien huilée des personnages arpentent en frontal et en parallèle le plateau: courses, dépassement, hésitations, pauses. Que du mouvement d'horlogerie sur une musique tétanisante. Puis le groupe se soude et soulève l'un d'entre eux, trophée de chasse ou berceuse de cérémonie funèbre...
Des transports en communs, peu communs, un duo en apesanteur avec de beaux portés, des situation où comme chez Maguy Marin, on fouille un propos sans jamais l'achever !
Des "chuts" en répétition, jusqu'à la saturation et l'évacuation du plateau des danseurs protagonistes qui disparaissent ainsi, chassés par les postillons du maitre à danser !
La lumière sculpte les corps en ronde bosse, petite foule anonyme qui s'agite en vain.On joue avec des barres articulées, cous de girafe, grues manipulatrices dont les mouvements déteignent sur la qualité des gestes des danseurs.Qui manipule qui? Dans cet univers de science friction, préfiguration du chaos, les machines impressionnent, à la conquête de l'éther au détriment du naturel fluide.La lutte avec ses barres articulées, comme des cous de grue-girafe, est impressionnante, à la conquête de l'éther..Virtuose interprétation sur le mat chinois d'un être qui se bat avec l'élévation, cède à la pesanteur, retourne se coltiner le risque pour finalement chuter dans des nuées de fumigène, chute irévocable...Les musiques porteuses de suspens bordent la dramaturgie : de la liberté, de l'aisance à l'entrave, figure de soumission de ses créatures, aux machines. Le pavillon de son maitre, phonographe semble venir comme un aimant aspirant, vampire qui vocifère, des cordes vocales géantes en agrès au dessus d'eux, menaçant d'aphonie....Personnages à part entière, ces mantes religieuses aux pattes longilignes, procèdent du récit, dévorent les êtres, les entravent.Alors que pourtant dans un dernier vol plané magistral, une danseur échappe à cette fatalité, conquiert l'espace, se donne des ailes et rejoint sa part des anges.
Des circassiens, aussi "danseurs", il y en a peu...Et l'on note que la virtuosité est belle et bien présente mais au service d'un récit d'état de corps, de mémoire de matière et d'espace très ressentis.Un dernier balayage de lumières dans la salle pour traquer les anges et l'on s'interroge: sommes nous ces créatures fantasmées en quête de l'impossible et inaccessible apesanteur?
Un ange passe...
 
Au Maillon jusqu'au 8 Février

 

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