samedi 3 octobre 2020

"Concert de cloture" de Musica: Accroche Note et Quatuor Adastra ! La splendeur des interprètes, la beauté de la composition!


Pour la première fois, une douzaine de formations musicales strasbourgeoises se réunissent pour clore Musica et lancer leurs saisons. Accroche Note et le Quatuor Adastra ouvrent le bal de cette journée en l'Église du Temple Neuf.

Qu 'il fait bon les retrouver "nos" ensembles de musique contemporaine ! Alors en avant pour "une folle journée" de créations et de découverte .

Accroche Note
Jiwon Seo — Eon 3m, oq pour voix et électronique (2020) — création mondiale

C'est la gracile et douce Françoise Kubler que l'on retrouve, robe longue noire, en chaussures "plates" !Une chambre d'écho magnifie en direct tous ses éclats et variations multiples de voix pulsée, éructée.Langue, lèvres gorge déployée, en émoi: elle annone, susurre, balbutie au micro, butine les notes  en babils, les consonnes sonnantes, les raclures, les chuchotements convoqués pour un royal chaos Vocalises et phonation au menu de cette pièce courte et franchement séduisante et convaincante. Elle bégaie en éclats lyriques, acrobaties vocales de trapéziste.Un texte narratif s'empare de ses lèvres: terribles histoires abracadabrantesques, dans des pépiements, telle une fée maléfique: un "miroir" semble la hanter: cet univers ravageur, apocalyptique de morts-vivants fait mouche; des cris délirants, déchirants d'horreur pour satisfaire notre curiosité en alerte.Françoise Kubler, à l'aise dans cette voltige, brève et coup de poing.La compositrice, tout de blanc vêtue, salue de concert, dans toute sa simplicité (qui n'a qu'un pli).


Jonathan Pontier — La théorie du bonhomme ( Continu-disContinu I ) pour clarinette et soprano (2020) — création mondiale

Un duo complice, dans la malice des sourires que s'adressent les deux "phénomènes", créateurs de l'Accroche Note. Lente plainte de la clarinette, onomatopée de la chanteuse dans une langue inconnue, étrange. Des attaques vocales franches, des glissades contrôlées: ils dialoguent, se répondent, s'appellent, s'attrapent comme Daphnis et Chloé, bergers de l'écho: ils s'interpellent comme deux oiseaux volages, inaccessibles; la superbe acoustique du lieu réverbérant les sonorités, épousant les contrastes des timbres et des hauteurs. Gaie, enjouée, la pièce, minutieuse, pleine de souffle, zézaie, pépie, roucoule, alerte, vive, plaisante, à l'image de ces deux interprètes si riches: l'empathie fonctionne et le compositeur, lui aussi de "couleurs" sonores vêtu, vient honorer le public de sa présence!


Rebecca Saunders — Metal bottle necks study pour guitare électrique (2018)

Un solo de guitare, très inspiré, l'interprète Rémy Reber, tel une Madone à l'enfant, concentré sur son instrument,son jeu. Des déchirements prolongés, récurrents de sons fracassants, griffés à même les cordes dans un magnifique doigté, générateur de petits miracles. Des effets de ventilation, des jeux de mains, glissés, hachés, très contrastés, modulés font effet de surprise.Une belle présence, brève mais forte et puissante;

 


Augustin Braud — Nocturnes pour voix, clarinette-contrebasse, guitare électrique et piano — création mondiale

Françoise Kubler reprend le flambeau en lente mélopée, bordée par les trois autres compères: alanguie, sereine, litanie nostalgique, "sprechgesang" très baudelairien, quasi inspiré des ambiances de la pure mélodie française... Le guitariste, une fois de plus,  physiquement habité par ses propos sonores Profondeur sombre, bizarre d'agonie, de mort dans une diction parfaite, la pièce suit son cour, hypnotisante.

Pause

Quatuor Adastra
Charles-David Wajnberg — Stoa pour quatuor à cordes (2020) — création mondiale 

Ils prennent le relais, en formation de musique de chambre, quatre cordes en harmonie dans mesures et durées communes qui s'étirent lascives, rêveuses, lointaines. Nostalgiques ou mélancoliques intonations, minutie des enluminures sonores ou tempétueuses au chapitre. Tendre et belle musique bien "chambrée", secrète, ténue, discrète présence aux oreilles de chacun des auditeurs. Puis ils se déplacent aux pupitres, se dispersent dans l'espace pour laisser seule la violoncelliste, grave, recueillie. Les autres en fond de temple magnifient l'espace sonore, traversent la nef de leurs ondes et laissent "mourir" les dernières notes sous l'archet suspendu de l'artiste.

Accroche Note + Quatuor Adastra
Kaija Saariaho — Figura pour clarinette solo, piano et quatuor à cordes (2016)

Au final, un beau cadeau : six interprètes, cordes, piano, clarinette: ça vibre d'emblée sous le souffle de Armand Angster qui semble ainsi mener le bal dans une fantasque ambiance bigarrée. Ondes, flux, flots de sonorités maintenues dans un rythme relevé, serré. Décisif. Plein de couleurs et de tonalités, précipité du piano qui se propage aux autres, sympathie entre eux, course et concurrence aux sons pour satisfaire une écriture musclée, tonique. A l'assaut du "splendide", du rayonnant, du beau ! Dans un train d'enfer vertigineux, la tension, la course folle atteint son apogée au zénith de sons mêlés, diffractés aussi. Le calme revient, suspicieux, suspect....Attente, reprise, on est en alerte, on retient son souffle. La clarinette, pièce maitresse du jeu engendre accalmie, puis reprend sa course crescendo. Les bercements, balancements qui l'emportent soulèvent et déposent les auditeurs au paradis du sensible

Ce concert phare inaugure une journée palpitante...

Accroche Note + Quatuor Adastra

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