mercredi 21 octobre 2020

"Samson et Dalila" : coupé court ! Saint Saens dessus dessous! Bas les masques !

 


Opéra en trois actes
Livret de Ferdinand Lemaire
Créé au Hoftheater de Weimar le 2 décembre 1877

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"L'éternel combat de la ruse contre la force. Telle est la fable de Samson et Dalila, l’opéra que Saint-Saëns composa d’après une fascinante histoire biblique : Samson est un héros à la puissance surhumaine, qu’il tire de sa longue chevelure. La belle Dalila le séduit et, pendant son sommeil, lui rase la tête pour permettre à son peuple, les Philistins, de triompher de cet ennemi jusqu’alors invincible. Ouvrage prodigieux, d’un souffle exceptionnel, Samson et Dalila fait partie des monuments de l’art lyrique français. Regorgeant d’airs puissants – dont le célébrissime « Mon cœur s’ouvre à ta voix » –, cette fresque sera l’occasion de retrouver Ariane Matiakh à la baguette. Côté mise en scène, Marie-Eve Signeyrole nous invite à quitter l’habituel décorum biblique et antiquisant pour mieux entrer dans la modernité de ce drame où se mêlent inextricablement le politique et l’humain."

Du 16 Octobre au 8 Novembre à l'Opéra du Rhin 

Soulèvement

On se souvient de l'exposition "Soulèvement" sous le commisariat de Didi Huberman....

L’exposition « Soulèvements » était une interrogation sur la représentation des peuples, au double sens esthétique et politique. Comme pour l’exposition « Atlas », Georges Didi-Huberman s’appuiait sur le travail historique et théorique qu’il mène depuis quelques années en parallèle d’une série d’ouvrages intitulés L’Œil de l’histoire et dont les derniers abordent la question de l’« exposition des peuples » ainsi que de l’émotion à ne pas exclure d’une anthropologie politique.

Avec ce "Samson et Dalila", la révolte gronde, les barricades sont les premières images enregistrées projetées sur grand écran, alors que débute le spectacle "live". Saisissantes icônes physiques de la rébellion, images du camp de Samson, chef de file  d'un parti révolutionnaire, aux prises avec les postulants à des élections présidentielles, dont la cheffe de cabinet n'est autre que Dalila! Femme "moderne", manager, directrice de campagne et de communication, au look sobre mais efficace, à la beauté froide mais terriblement attirante... Histoire de trahison, de manipulation que la mise en scène rend limpide, plausible et le décalage "contemporain" opère, grâce à un dispositif de scène tournante, et de multi-écrans très sophistiqué. Au profit d'une narration qui traverse l'espace, franchit les barrières, les cloisons du décor, qui va de salle de réunion en alcôve, de salle d'attente à salle de bal-banquet...Seuls les membres d'un groupe compact de révolutionnaires assiègeant le local du clan des politiciens, prennent l'espace, en arrêt sur images picturales, références aux barricades à la Delacroix,Goya , au radeau de la Méduse...Chorégraphie signée Julie Compans. Façon esthétique "Indes Galantes" de Clément Cogitore !La superposition judicieuse de l'action, découpée en séquences cinématographiques joue dans la cour des grands de l'illusion: tout se trame devant et derrière , s'enchaine, maillons irréversibles , chainons inéluctables, irrévocables d'une action tonique pleine de suspens, d'intrigues. Feuilleton à épisode, série tv de luxe ou les héros se débattent, masqués comme dans un grand guignol triste et menaçant, une mascarade qui dégouline vite tant la haine et la veulerie font face aux destins de chacun. La petite foule de manifestants, membres fidèles du parti de Samson, bouge, danse, frémit à l'envi, les choeurs dissimulés font résonner l'intrigue , la musique enveloppe le tout, tantôt emprunte de romantisme, tantôt fougueuse et pénétrante. Dalila séduit par un jeu renforcé par la proximité des images live ou enregistrées.Katarina Bradic, envoutante, séductrice, force d'une nature ancrée au sol, voluptueuse manipulatrice, Massimo Giordano, lui, en Samson, "empêché" dans un fauteuil roulant , handicap vite balayé par volonté, hargne et détermination.On est presque plus dans le monde de la finance, du business, de l'entreprise que dans le "politique": ambiance tendue, acharnée, concurrentielle, implacable loi du harcèlement, de l'humiliation, du mépris au profit du carriérisme!

Le port du masque, obligatoire pour ces "gens là", fourbes, arrivistes, méprisants et humiliants, profiteurs et malfaisants. Une scène de toute beauté plastique, réunit les chefs de file du parti: table à la "Table verte" de Kurt Joos où s'alignent les convives...Mais ce sont des "traitres" qui se démasquent et sous leurs costumes, les révolutionnaires dissimulent haine et rancœur..Les décors signés Fabien Teigné sont résolument efficaces , les images filmées en direct par deux protagonistes caméraman, plein feux, attirent et permettent simultanément une lecture poly-pluri événementielle, parfois délicate à décortiquer sur le vif. On est en haleine, en apnée, on suit le feuilleton désireux d'en savoir la suite et dénouement.On gagne en empathie au fur et à mesure avec Samson, en dégout avec la veule Dalila qui cependant feint l'amour avec ce si beau canon "Mon coeur ..." qui se révèle profonde ode à l'amour: contraint, bafoué, détourné à des fins politiques inavouables mais bien de notre temps: manipulations, combines, détournements, bref tout ce qui encombre démocratie et autodétermination!

Un spectacle où pendant l'entracte, on découvre les coulisses de l'opéra, en direct: on ne chôme pas pendant les pauses! A vue ou derrière l'oeil de la caméra "ob-scène", cette pièce se fait mystères et dévoilement, Saint Saens, dessus-dessous!


Direction musicale Ariane Matiakh Mise en scène Marie-Eve Signeyrole Assistante mise en scène Sandra Pocceschi Collaboration aux mouvements Julie Compans Décors et costumes Fabien Teigné Assistante costumes Pauline Kieffer Lumières Philippe Berthomé Conception vidéo Marie-Eve Signeyrole Coréalisation vidéo Laurent La Rosa Chef de chœur Alessandro Zuppardo Orchestre symphonique de Mulhouse

 

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