jeudi 16 octobre 2014

"Lilting" ou la délicatesse.Mais quelle langue dansez-vous?

"Tu danses"? "Si je danse....." réponds la mère à son fils...C'est un bon début à cette troublante histoire de langage....
Londres. Dans une maison de retraite, Junn, une mère sino-cambodgienne pleure la disparition de son fils, Kai. Son deuil est dérangé par l’arrivée soudaine de Richard. Elle ne sait pas ou ne veut pas savoir qu’il a été le compagnon de Kai. Ils ne parlent pas la même langue mais, aidés d’une interprète, vont essayer de communiquer dans le souvenir de celui qu’ils ont aimé.Alors les gestes , les expressions, les attentes, le silence prennent le relais et apparait la délicatesse ou la noirceur des rapports humains.Une mère possessive, un fils homosexuel qui n'ose le dire et tout s'enchevêtre entre les protagonistes de ce jeu de dupes très bien mis en scène

A la fin, les couples dansent et s'échangent dans un doux traveling, qui borde leurs émotions et conclue le film sur une touche très tendre et quasi romantique!
Un film de Hong Khaou 

Les mots et le visage
Kai est mort. Pour Junn, sa mère, c’est d’autant plus une tragédie que cela signifie qu’elle devra rester à l’hospice. Pour Richard, ça l’est aussi, puisqu’il l’aimait et que son amant n’a jamais avoué son homosexualité à sa mère. Le voilà réduit au rôle de meilleur ami face à une mère qui le déteste. Lui va tenter de tisser des ponts, elle, s’évertuer à les brûler – tout cela étant compliqué par le fait qu’ils n’ont aucune langue en commun.
Hong Khaou installe donc, par le truchement de l’interprète Vann, une dynamique humaine niant le dialogue direct. La nécessité perpétuelle d’un auditoire rend la scène la plus anodine mille fois plus complexe – ce que le réalisateur souligne plus encore lorsqu’il commence par réunir Junn avec un homme de son âge, soupirant tendre et doux avec lequel tout passe par les gestes, les attitudes. Hong Khaou se plaît à filmer ces rencontres à trois (ou plus) comme des huis-clos auxquels on ne peut échapper, où les tensions s’exacerbent vite – et, lorsque la parole directe reprend ses droits, le doute demeure : tout ceci n’est-il pas un spectacle donné au profit d’un auditoire, les rapports humains ayant pris l’habitude d’être vu comme une mise en scène ? Et le spectateur de se retrouver dans une position étrange : son regard ne corrompt-il pas intrinsèquement la spontanéité des interactions à l’écran ?
Pour autant, les aveux finaux, arrachés par-delà les gênes et les rancœurs, sonnent juste, comme sonne juste le chemin parcouru par les protagonistes pour y parvenir.
Hong Khaou coupe ses personnages du monde, les place dans une bulle, créant une sorte de dynamique théâtrale, à laquelle les gros plans et les champs/contrechamps insufflent un regard scrutateur. En apparence froid et retiré, ce regard parvient à saisir une humanité touchante aux beaux accents de sincérité.

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