jeudi 1 octobre 2015

Musica : "jeunes talents, saxophone" et "Dels dos principis" : prestidigitation musicale !


Un concert de la classe de saxophone de la HEAR avec la coordination artistique de Philippe Geiss, ça ne se manque pas: surtout au vu des œuvres abordées:
"In Freudshaft" de Stockhausen 1977 démarre le concert : solo rès visuel où le crps de l'interprète dessine des voltes, bascule, se penche, lève la tête et termine dans une pause très chorégraphique, nuque tendue au firmament
Ces mouvements ondulatoires renforcent la ligne musicale et donne à voir comme une calligraphie volubile, les notes qui s'égrainent!
"Massai" de Christian Lauba donne l'occasion à deux saxophonistes de mettre en scène une musique étrange de dieux africains, d'âmes errantes: pieds nus ils font l'ascension de la montée des marches de la Salle de la Bourse: bruits de percussions, d'instruments pincés, comme si le souffle devenait autre et pouvait évoquer d'autres sources de sonorités!
Magie,leurre, tout concourt à nous faire voyager au pays des grios, et l'on se prend à tout confondre, dans un trouble étonnant, bluffant!
"Instants éphémères" de Jean-Patrick Besingand en création mondiale: tout démarre dans l'absence: personne sur scène; le son sourd d'un espace insoupçonné, derrière les paravents de la scène; moments de suspens qui dévoile plus tard quatre musiciens pour une ode au saxophone: souffler, c'est jouer et eux ne manquent pas de souffle cependant que le spectateur en apnée, vibre et partage ces performances dans une belle empathie, sympathie de cette respiration qui anime l'instrument
Instruments de toute beauté plastique rappelons-le !
"Konzerstuck" de Paul Hindemith 1933,"Penrose Square" de Tomasz Skweres 2014 et"Rasch" de Franco Donatoni 1990 succèdent à ces œuvres plus atypiques et bouclent la boucle: un concert dont Philippe Geiss peut s'enorgueillir tant ce siècle ainsi parcouru, entre Stockhausen et Lauba, rend sa place de "soliste" à un instrument brillant, chaleureux, étrange....



"Dels dos  principis" : un concert avec jongleur par l'ensemble de chambre "L'instant Donné"
Et non des moindres: Jérôme Thomas, l'as de la théâtralisation d'un art circassien, tout trouvé pour épouser la musique de Henry Foures "Del dos principis", la composition de Javier Alvarez "Temazcal"  et celle de Alexander Schubert "Serious smile"
Un septuor avec jongleur, de quoi étonner et fasciner, donner une autre lecture de la musique qui devient gestuelle, spatiale! Haute voltige, de la musique haute volée pour ce concert pour les yeux, pour rêver, pour s'enchanter.



Alors après une brève présentation du projet artistique par le directeur de l'IRCAM Frank Madlener et le compositeur, chercheur Henry Foures, la "démonstration" de cette musique comme des "gestes musicaux" emplis de "musicalité gestuelle"peut démarrer
Le jongleur se dissimule derrière un pupitre, comme lisant sa partition: pieds nus, il est ancré au sol, prend ses marques et apparaît, se dévoile au fur et à mesure
Les mains d'abord, puis tout le corps
Il va jouer, jongler dans l'air, déclencher du son, ces intervalles entre l'objet et l'espace où tout va se jouer: de l'indicible, de l’inouï aux bouts des doigts, magicien, prestidigitateur de la musique
Une table fera office d'établi où il semble dompter ses balles, les éduquer pour mieux maîtriser leur trajectoire!
Elles obéissent, le caresse comme il le fait lui-même, aimantées, aspirées par son énergie: dociles, soumises comme les marionnette de Kleist dans son traité sur les objets inanimés qui ont une âme!
La musique live, brodée des sons inédits électronique, sème le trouble et fait de cet ensemble, une cohérence pleine de surprises bien "calculées"!
Les deux autres morceaux, un solo désopilant de maracas sur fond de musiques du monde en mode électroacoustique qui en fait un morceau de bravoure et d'humour décalé, et un chaos tectonique de l'ensemble termine joyeuse cette soirée disjonctée!
L'ensemble survolté dans "Serious Smile" comme dans une centrale électrique en folie, mime, vit et s'électrocute aux sons en résonance de leur gestuelle très mimétique: tétanie, tension pur un très haut voltage! Tout frétille, en électrochoc, en bruits et sons de mangas, de BD, de bruits et de fureur comme dans une bouilloire survoltée
La pianiste gantée de mitaines rouges suspens la mélodie, retarde et diffère le temps, un samourai fend l'air de son archer comme un guerrier ridicule et désopilant
Vive la distanciation qui rend la musique accessible, ludique et savante dans toute son intelligence!
Des visions et sons dantesques, ravageurs pour un enfer tonitruant où il fait bon se griller les ailes au contact de l'électricité qui plane dans l'air de cette machinerie infernale, usine à bruits, à sons!

Zvardon veille au grain avec ses guetteurs, sentinelles de l'ordre, veilleur afin que tout se calme et rentre dans l'ordre!
Le public ce soir là, sort de la Salle du Conservatoire, quelque peu électrisé, remonté, surchargé en volts et autres tourbillons d'enthousiasme ou de rejet organique!
Du bluff ? Surtout pas à l'IRCAM qui offrait ce soir là une jolie panoplie de savoir faire et inventer, pied de nez aux convenances et à la bienséance.


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